LA PROPRIÉTÉ ET LE VOL

par Jean-Jacques Birgé © A.P.R.E. 2004

Dans toute la presse nous lisons des articles concernant l’effondrement de la vente des disques et le piratage sur Internet, les droits d’auteur et le copyright, l’exception culturelle et le statut des artistes… Ce sont évidemment les signes de l’évolution rapide d’un marché en difficulté, ou du moins qui se cherche dans l’attente d’un rééquilibrage des forces en présence. Parallèlement à ces sornettes d’alarme, il est urgent de questionner l’objet qui nous occupe, la musique elle-même, et les supports qui la véhiculent.

Ne vous attendez pas à trouver sous ma plume des solutions. Il s’agit de répertorier les questions qui se posent et de proposer quelques éléments d’analyse qui permettraient de dissiper certaines rumeurs, idées préconçues, approximations stériles et fausses vérités. La tentation est forte d’adhérer tantôt à la loi tantôt à la révolte, et, le plus souvent, à une forme paradoxale qui adopte tant l’une que l’autre, de manière plus ou moins coupable. Jouons donc, le temps de cet article, aux gendarmes et aux voleurs, en interprétant tour à tour l’un ou l’autre rôle.

Quelles sont donc les forces en présence ? D’un côté nous avons l’industrie culturelle, à juste titre inquiète pour son avenir, omnubilée par la loi du profit et, par là même, incapable de découvrir les créateurs du patrimoine futur. D’un autre nous avons les consommateurs, paradoxalement appelés « l’audience », dont le nombre importe plus aux décideurs que la qualité de leur écoute. La troisième catégorie représente les artistes, dont la passion originelle peut s’entendre petit à petit étouffée par les contingences matérielles qui les font passer rapidement de la vie à la survie.

Avec cette introduction nous pouvons déjà entrevoir que les intérêts des uns ne coïncident pas forcément avec ceux des autres. Pourtant tout communique, et certaines révolutions inéluctables pourraient bien sonner le glas de certaines structures de production tandis que d’autres verront leur statut perdurer dans l’instabilité et la recherche permanente d’un équilibre précaire. Qui restera vivant dans la redistribution des cartes qu’imposent tant les nouvelles technologies que la politique ultralibérale d’un capitalisme plus arrogant que jamais ? Quels seront les futurs acteurs de la scène culturelle à l’heure de la dématérialisation des supports et de la standardisation des œuvres ? Quelle résistance les artistes non anglophones pourront-ils opposer à une mondialisation que même les américains ne contrôlent plus ?

PAVILLON NOIR

Il est d’abord important de préciser que les bouleversements qui touchent l’industrie du disque n’ont pas forcément les mêmes incidences sur les cinq majors qui représentent 80% du marché (par ordre de taille : Universal, Sony, EMI, AOL-Time Warner, BMG) que sur les petits labels indépendants. Je veux par exemple parler du piratage par copie mécanique des œuvres. Il est indispensable de ne pas confondre d’une part le piratage organisé, qui est de l’ordre de la contrefaçon industrielle, tel qu’il se pratique, entre autres, en Asie, en Afrique du Nord, dans les pays de l’Est, en somme sur des territoires qui n’ont pas les moyens de s’offrir ces marchandises à leur prix prohibitif, et qui pressent, par centaines de millions, des clones des disques originaux, et d’autre part, le piratage d’un lycéen qui se fait de l’argent de poche en copiant illégalement sa discothèque, encore moins des jeunes gens qui récupèrent sur Internet des fichiers compressés au format MP3 de chansons qu’ils n’auraient pas l’occasion de connaître ni d’acheter de la manière légale et encouragée. Rappelons que la question s’était déjà posée il y a une quinzaine d’années avec la démocratisation de la cassette audio ; en France la réponse fut de taxer les cassettes vierges, comme aujourd’hui le sont presque tous les supports permettant le copillage. Nous savons également que de très nombreux pirates continuent à acheter des disques. Ici les casseurs sont souvent les payeurs ! En écoutant des morceaux sur Internet grâce à des logiciels tels Kazaa, Neo, Limewire ou mlMac, ils découvrent de nouveaux horizons musicaux ou dénichent des enregistrements rares voire inédits que leur passion les pousse à se procurer coûte que coûte (les vinyles pirates pouvaient déjà valoir une petite fortune).

Les médiathèques municipales sont pourtant des lieux formidables où l’on peut emprunter des disques pour les écouter chez soi et qu’on peut garder quelques semaines pour un tarif d’abonnement annuel dérisoire (30 Euros à Paris). Cela peut évidemment occasionner des copies illicites, mais on n’empêchera jamais ces pratiques par l’interdiction et la répression. La jeunesse a toujours trouvé son compte à gentiment désobéir aux lois qu’elle trouve inadaptées à son statut social. Prenons pour exemple la consommation de cannabis qu’aucune loi n’a pu enrayer tant l’hypocrisie législative est flagrante en face du tabac et de l’alcool. La mise en place de codes de protection qui limite la copie de certains CD et en interdit la lecture sur un ordinateur est tout aussi illégale (le droit à la copie privée dans le cadre familial) que vouée à l’échec (ces CD sont illisibles sur ces mêmes ordinateurs, nouvelles platines de lecture appelées à remplacer les classiques appareils dédiés).

Si on veut moraliser le public, il faut que les industriels et les circuits de distribution commencent par montrer l’exemple (paradoxalement, la baisse de 25 à 30% décidée par Universal USA met les indépendants gravement en danger). Un disque vendu 7 Euros par le producteur à son distributeur arrive à plus de 20 Euros dans les bacs (le diffuseur fait la culbute, après avoir imposé des remises qui lui servent à payer ses frais de fonctionnement) ! Plus on s’éloigne de la fabrication, plus les marges s’agrandissent. Cette progression quasi logarithmique est évidemment fatale à la création. Imaginez ce qui reste pour payer les artistes ! On ne pourra pas imputer la faute à la seule TVA, en effet scandaleuse. La musique comme le cinéma sont taxés à 19,6%, contrairement à la littérature et à la restauration, qui bénéficient du taux réduit de 5,5%. Le problème est encore plus crucial avec les logiciels informatiques qui atteignent des prix exorbitants. Vendre une mise à jour (obligatoire, nouveau système oblige) 1000 Euros et plus, n’est-ce pas du pousse-au-crime ?

Si l’industrie phonographique connaît une baisse considérable de son chiffre d’affaires, ce ne sont pas les mêmes causes qui handicapent les produits de grande consommation et les productions indépendantes. On pirate Madonna ou Eminem, mais qui s’intéressera à copier un morceau d’Un Drame Musical Instantané ou de l’Arfi, d’Ornette Coleman ou Carla Bley ? Déjà, le type même des œuvres, leur format, s’y prêtent beaucoup moins. Que ce soit pour le copier illégalement ou en en payant le téléchargement sur un site Internet tel celui d’Apple avec son logiciel iTunes, le format chanson et son mode de commercialisation sont parfaitement adaptés à ce nouveau mode d’accès à la musique qu’on dit « en ligne ». Le marché des variétés repose sur des tubes, des « hits », qui servent à faire vendre des albums dont les auditeurs se rendent bien compte que la majorité des titres servent de repoussoir ou de remplissage. Alors autant acheter uniquement le morceau qui leur plaît, voire le copier hors-la-loi. Les productions et les artistes qui mettent tout leur cœur à sortir de vrais albums cohérents du début à la fin échapperont plus facilement, du moins dans un premier temps, à ce glissement inéluctable vers la dématérialisation des supports.

Dans un avenir assez proche, les albums disparaîtraient en tant que disques matériels, on achètera la musique sur Internet (ou sur ce qui lui succédera) et on l’écoutera chez soi sur de nouveaux appareils conçus pour cela. On téléchargera les livrets et les images que l’on pourra imprimer à sa guise, ou suivre sur son écran ce qui les remplacera. Les téléphones portables vont se développer en ce sens. Pour les amateurs d’objets, qui aiment les tenir en mains, il suffira d’inventer de nouveaux « emballages », beaux et infalsifiables, de vrais objets avec un pouvoir d’attraction. Il est certain que le CD dans son boîtier cristal n’a jamais suscité de fascination chez les collectionneurs, comme le furent les pochettes de 33 tours par exemple.

PRODUITS DU TERROIR

On pourrait penser que les multinationales de l’industrie phonographique risquent de laisser la place à de nouveaux magnats constitués par ceux qui détiennent les tuyaux par où passe le flux musical, à savoir les fournisseurs d’accès à Internet. Sony et Universal disparaîtraient au profit de Wanadoo (France Telecom) ou Club-internet (Matra Hachette) ! Mais quatre des cinq majors ont déjà un pied dans la place, et leurs ventes de DVD se portent très bien, merci pour elles ! Citons également les constructeurs de matériel informatique qui y trouvent parfaitement leur compte. Alors, quelles répercutions y aura-t-il sur les producteurs indépendants ? Cela ne changera pas grand chose aux difficultés des artisans que nous sommes. Nous nous adapterons peut-être plus facilement que les multinationales qui ont des structures énormes et engrangent des profits considérables. Pour nous, le danger est ailleurs. Après avoir assassiné dans les faits les petits disquaires, les grandes surfaces dites culturelles ont réduit le choix des œuvres proposées, et ce faisant, se sont mises à leur tour en danger face à la grande distribution des hypermarchés. Le déréférencement automatique a considérablement réduit le choix (à partir d’un seuil minimal d’exemplaires vendus l’ordinateur central exclut les labels qui ne vendent pas assez). L’incompétence grandissante des vendeurs ne fait plus la différence avec un magasin virtuel tel cdiscount.com. Aux Allumés du Jazz, nous avons choisi de nous grouper, de nous tourner vers la vente par correspondance et les circuits alternatifs, et nous ouvrons maintenant notre site qui permettra de rayonner à l’étranger, en nous battant avec le seul élément dont nous disposons, la musique.

Aussi, si chacun accuse une baisse dramatique de ses ventes, les causes ne sont pas forcément les mêmes, ni bien identifiées. La frilosité des multinationales du disque à signer de jeunes artistes ne pousse pas à découvrir de nouveaux talents qui seront un jour les « locomotives » de demain. La standardisation des produits, à laquelle la concentration des maisons de disques n’est pas étrangère (le chiffre de cinq majors pourraient encore se réduire après l’éventuelle fusion de BMG et Warner), empêche la révélation d’auteurs différents. Ainsi, l’avant-garde est un concept qui a fait long feu. La promotion d’artistes Kleenex qui ne durent qu’une saison ne permet pas de prendre le temps pour imposer des musiques nouvelles à un public plus apte à reconnaître qu’à connaître. Le manque d’ambition artistique de ces multinationales leur est fatal. Nous savons pourtant qu’il n’est de plus grand risque que de n’en prendre aucun ! Les nouveaux talents sont d’abord signés par un petit label qui sait qu’il devra les vendre plus tard à une major qui, elle, aura ses entrées à la télévision. Mais la demande étant de plus en plus orientée par les services de marketing, il y a de moins en moins de place pour des auteurs authentiques qui font fi de la mode, quitte à la créer plus tard. On va de revival en revival. Les dernières révolutions remontent à plus d’une dizaine d’années avec les mouvement techno et rap. La méconnaissance de la langue anglaise permet de faire avaler des inepties insipides aux auditeurs du monde entier, cette même méconnaissance fait rater le train du rap a bon nombre. Il eut été astucieux de sous-titrer les clips à la télé, histoire de permettre de trier le bon grain de l’ivraie. On peut toujours rêver. L’esprit critique n’est pas une qualité très recherchée de nos jours ! On est dans le consensuel, le politiquement correct, l’universalité, l’exhaustivité. Ce qui n’est pas le propre de cet article, j’en conviens ! Nous sommes loin du « parti pris ». Et la création de grande consommation s’épuise, et l’industrie du disque se casse la figure, en essayant de faire porter le chapeau à des phénomènes extérieurs à leur propre politique…

AUX ARMES MUSICIENS

Du côté des indépendants ça ne va guère mieux mais nous en avons pris l’habitude depuis longtemps. Il y a des amateurs qui continuent à se passionner pour ces professionnels qui ont gardé l’amour comme fond de commerce. L’amour de son métier et du travail bien fait, un travail d’artisan, un travail d’amateur, de celui qui aime, la passion qui permet de tenir malgré les périodes de vaches maigres. Nous savons que les œuvres que nous produisons sont millésimées, le secret est de tenir longtemps. Nos catalogues restent disponibles, même trente ans plus tard, pas de disque au pilon ! Les ventes sont catastrophiques mais nous ne les imputons pas aux cousins du Net. Les disquaires n’ont que faire du jazz et de ses avatars européens, pas assez de volume de vente, à peine 5 % du marché ! Il est bien loin le temps où l’on vendait 1000 exemplaires dans le premier mois d’une nouveauté de musique « bizarre », celui où la Fnac nous offrait gracieusement une de ses vitrines pendant des mois… Ne soyons pas nostalgiques puisque nous sommes toujours vivants, ce n’est pas le cas de tout le monde, chaque année des labels mettent la clef sous la porte tandis que se montent de nouvelles structures de production.

Les disques sont trop chers, trop nombreux, trop semblables, les magazines musicaux trop consensuels, les rubriques de la presse généraliste trop réservées, mais il y a pire, et ce pire est notre œuvre. La gangrène nous a gagnés, nous avons à notre tour perdu toute ambition, celle de changer le monde, de penser de nouveaux espaces, de nouvelles formes. Si nous voulons résister à l’industrialisation, l’uniformisation, la mondialisation, la mode et ses chimères, nous n’avons d’autre solution que d'inventer. Il nous faut inventer de nouveaux objets, de nouvelles musiques, rendre perceptible l’invisible, surtout ne pas nous retrancher dans la morosité ou l’intégrisme faciles, mais nous battre avec nos armes, celles de l’imagination et de la création, défendre les acquis qu’on tente de nous arracher alors qu’ils ont été conquis de haute lutte. Il est temps de les recenser : défense des droits d’auteur, extension du spectacle vivant, statut des intermittents, solidarité interprofessionnelle, appropriation des nouveaux supports, etc.

SOIGNE TES DROITS

Commençons par les droits d’auteur, vaste sujet autour duquel circulent les bruits les plus étranges, qui suscite maintes questions et mérite quelques explications.

En France, même si la SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques) gère les formes dramatiques et audiovisuelles (opéra, ballet, création radiophonique…), la musique dépend essentiellement du répertoire de la SACEM (Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique). Avec la SCAM (Société Civile des Auteurs Multimedia), plus axée sur le documentaire et le multimedia, elles sont regroupées au sein de la SDRM (Société pour l’administration du Droit de Reproduction Mécanique) qui délivre les autorisations de reproduction et perçoit les droits correspondants. Les producteurs qui font presser des disques payent des droits à la SDRM qui les reverse aux différentes sociétés d’auteurs. Depuis la loi de 1985, les droits voisins (interprètes, producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes) sont gérés par d’autres sociétés (SPEDIDAM et ADAMI pour les premiers, SCPP et SPPF pour les seconds). Ces sociétés sont mandatées pour percevoir au nom des artistes qui y adhèrent, et répartir ces sommes en fonction de leur exploitation.

Il est important de signaler que le droit moral est perpétuel et incessible. L’auteur peut ainsi faire prévaloir l’intégrité de son œuvre. Contrairement au copyright américain qui permet la cession pour une somme définitive, les droits d’auteur protègent la propriété de l’artiste qui conserve le « final cut » ad vitam eternam, et même plus, puisque les droits sont reversés aux ayant-droits 70 ans (plus les années de guerre) après le décès de l’auteur !

Lorsqu’on est un compositeur atypique il est indispensable de faire évoluer les statuts de la société dont nous faisons partie (comprenez-moi bien, la SACEM c’est nous) pour pouvoir percevoir les sommes qui nous sont dues, et éventuellement être protégés contre toute atteinte à nos droits. J’écris « éventuellement » parce qu’il n’est pas très lucratif de plagier nos musiques contemporaines ! Je raconterai ici mon propre parcours d’obstacles. A mon adhésion en 1975, j’ai commencé par refuser le statut particulier de compositeur électroacoustique, dénomination réductrice sous prétexte de non dépôt d’une partition traditionnelle (avec Gorgé nous avions gribouillé des petits dessins). Ensuite j’ai dû passer un examen de cosignature pour avoir l’autorisation de cosigner à deux (cet examen n’existe plus). Pour pouvoir cosigner à trois, avec Bernard Vitet et Francis Gorgé, nous avons dû passer un examen de groupe ! Il est aujourd’hui plus facilement admis de cosigner. Nous avons aussi fait accepter le statut d’improvisateur de jazz, qui permet de percevoir sans le dépôt d’une partition, mais attention, cela ne permet aucune protection de ces musiques. Avec la multiplication des œuvres électroniques, il est devenu courant de déposer une cassette ou un CD plutôt qu’une partition, mais, même topo, pas de protection sans dépôt papier. La SACEM est une vieille dame qui ne demande qu’à s’adapter aux nouvelles formes musicales. Après ponction de 15,1% des sommes perçues pour frais de gestion, la Société reverse leurs droits aux auteurs, compositeurs, éditeurs (1/3 chacun); en l’absence d’un de ces protagonistes, les sommes sont réparties équitablement entre les autres), mais attention là aussi, « on ne dépense pas des francs pour toucher des sous », il est donc parfois difficile pour des petits de percevoir facilement ce qui leur revient. Les réclamations sont parfois nécessaires. Je ne souhaite certainement pas tirer à boulets rouges sur la SACEM qui m’a permis d’acheter ma maison grâce à mes droits. Il est plus malin de la défendre vis à vis de l’extérieur, et de se battre à l’intérieur pour la faire changer. Certaines campagnes de presse sont télécommandées par des lobbys qui auraient tout intérêt à voir disparaître la société qui nous protège. Le système du forfait, comme le copyright, est une façon de nous barboter nos droits, il suffit de l’inclure contractuellement aux sommes fixes négociées !

Une part importante de la perception est appelée irrépartissable. Ces sommes non versées pour de multiples raisons (perception générale non nominale,  auteurs non identifiés, etc.) sont soit reversées au prorata des sommes déjà perçues (là c’est franchement immoral), soit versées aux fonds d’action culturelle ou sociale. Le fonds d’action culturelle tente de rétablir un équilibre avec des musiques qui n’ont pas l’audience qu’elles méritent mais qui assurent heureusement le renouvellement du patrimoine, en soutenant la création sous toutes ses formes. Jeunes artistes de variétés, spectacles vivants, festivals, disques (MFA), formation, audiovisuel, compositeurs de jazz, contemporains, improvisateurs, etc. peuvent bénéficier d’aides spécifiques. Notre Journal des Allumés du Jazz reçoit d’ailleurs un soutien conséquent de la SACEM, dont le site regorge d’informations : www.sacem.fr

SUR TOUS LES FRONTS

Rappelons aussi que toute utilisation du moindre extrait dans une œuvre nouvelle est sujet à demande d’autorisation. La tolérance des huit mesures est un mythe. L’échantillonnage est interdit sans autorisation, quelle que soit sa durée. On peut néanmoins s’interroger sur son utilisation. De tous temps les compositeurs se sont inspirés, ou ont cité, des œuvres antérieures. Il n’y a pas de génération spontanée. Il y a une différence entre un emprunt dans une création qui le transforme radicalement pour faire œuvre, et un plagiat ou la reproduction pure et simple d’un sample (en français « échantillon ») qui serait utilisé dans le même esprit que l’original. Tout cela se plaide , et il y a une tolérance si l’on peut prouver que l’original est lui-même un emprunt.

Dans Le Monde Diplomatique de septembre 2001, Joost Smiers s’interroge si le droit d’auteur ne spolie pas les artistes du tiers-monde et ne gèlent pas la création. C’est une question extrêmement intéressante qui méritera qu’on y revienne. Mais il est toujours dangereux d’attaquer un système protecteur sans en mettre en place un nouveau, plus juste. Ces derniers temps, on peut voir le MEDEF (avec l’aval du gouvernement, impuissant et incapable) tenter de saccager le régime des intermittents, certes critiquable en l’état (il pourrait être amélioré et étendu à d’autres professions précaires tels que photographes, graphistes, écrivains, etc.), en proposant une réforme catastrophique qui risque de faire reculer considérablement la création dans notre pays.

Il est aussi nécessaire de soutenir le spectacle vivant qui est une saine alternative à la mécanisation et à la reproduction des objets d’art ! Il est indispensable de communiquer pour faire prendre conscience au public de la responsabilité qu’ont les créateurs de donner une âme à leur pays, à ses régions, et sans en voler le patrimoine tel que cela se pratique avec les musiques du monde (par ici, le recyclage des ouvres tombées dans le domaine public paralyse le renouvellement du répertoire, et les indépendants en ont été les instigateurs !). La culture marque un enjeu crucial dans une époque brutale où les droits de l’homme les plus élémentaires (et des autres espèces) sont bafoués par un culte du profit tous azimuts et un impérialisme plus arrogant et destructeur que jamais. Cela passe tant par la protection des droits que par la circulation des idées, car la création est, avant tout, œuvre de l’esprit. On en viendra peut-être un jour à revoir tout ça, et déclarer l’héritage hors-la-loi, ce qui serait une autre façon d’empêcher la concentration des pouvoirs et des richesses entre les mains de quelques uns au détriment de la population entière du globe. En attendant de proposer de nouvelles utopies, si nous vivons selon les règles en vigueur nous sommes obligés de défendre les droits des auteurs, penseurs et autres rêveurs de nouveaux mondes pour que celui-ci cède un jour la place à un meilleur, plus juste et plus clément. Ce n’est pas demain la veille, mais si ce n’est déjà à l’œuvre, ça commence aujourd’hui.

à suivre