C'est rare que je ne m'ennuie pas au théâtre, je l'ai exprimé ici tandis que je travaillais pour Anne-Laure Liégeois, un moment rare, une partie de pur plaisir (lire le billet sur Une Médée du 7 février et celui 5 février sur l'art appliqué). A parte matinal : Anne-Laure reprend sa pièce ''Ça'' à l'Espace Chapiteaux de La Villette du 2 au 27 mai (on en reparlera, mais il faut y aller, alors réservez déjà vos places !).
Donc hier soir, je suis allé au Théâtre Paris-Villette voir ''Cet enfant'' écrit et mis en scène par Joël Pommerat, et j'en suis resorti emballé et remué. Tout a commencé par la rencontre de femmes vivant dans les cités en Normandie et les comédiens de la troupe. Pommerat s'en est inspiré pour écrire une pièce où éclate au grand jour la difficulté qu'ont parents et enfants à se comprendre et à s'entendre. J'ai l'habitude de dire qu'on a parfois de bons enfants, on n'a jamais de bons parents. Il faut toute une vie pour s'affranchir des fantasmes que les parents collent sur le dos de leur progéniture. Il n'y a pas que leurs défauts qui soient handicapants, mais aussi leurs qualités, modèles inaccessibles. Cet enfant est une suite d'instants aigus de pure confrontation. La puissance du texte est soutenue par une mise en scène sobre et extrêmement efficace, et par un traitement de la lumière et du son remarquables de simplicité et d'intelligence théâtrales. L'effet de l'orchestre collé derrière l'écran tient lieu de rêve, il donne aux acteurs une échappatoire fantasmée. Je suis heureux d'entendre un travail sur le son au théâtre comme je l'aime, il transporte délicatement la scène dans un ailleurs mouvant qui la replace en situation quasi naturellement. Ça m'a fait plaisir de découvrir la création sonore de François Leymarie qui semble avoir travaillé avec ses fils (Grégoire est à la régie son et Antonin a composé la musique, mais sont-ce ses fils ? Je l'ignore), c'est du beau boulot, expédiant le théâtre dans un imaginaire qui lui est propre sans tomber dans les travers mécaniques qui m'horripilent ! Les ambiances, à peine audibles, comme les effets de réverbération, situent l'action en la dramatisant. La musique donne aussi leur respiration et leur rythme aux scènes qui se succèdent, et la bande-son nous fait voyager de fenêtre en fenêtre comme dans une maison de poupées. Et puis, les acteurs sont formidables. Alors, allez-y, c'est à 21 heures, ça dure juste 1h05, c'est jusqu'au 20 mai et ça vaut le coup !