70 Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

lundi 24 juillet 2006

Pétitions pour le Liban


Dix jours après mon billet du 14 juillet (Autodestruction), je recopie les messages des cinéastes libanais et israéliens, en les faisant précéder par un texte de Berger, Chomsky, Pinter et Saramago que je viens de traduire.

UNE LETTRE

Le dernier épisode du conflit entre Israël et la Palestine a commencé quand les forces israéliennes ont enlevé deux civils, un docteur et son frère, de Gaza. Un incident à peine relaté, sauf par la presse turque. Le lendemain, les Palestiniens ont fait prisonnier un soldat israélien - et proposé de l'échanger contre des prisonniers en Israël - ils sont approximativement 10 000 ans dans les geôles israéliennes.
Que ce "kidnapping" soit considéré comme une provocation, tandis que l'occupation militaire illégale de la rive ouest et l'appropriation systématique de ses ressources naturelles - en particulier l'eau - par les forces de défense (!) israéliennes sont considérées comme un regrettable, bien que réaliste, fait divers, est typique du double discours régulièrement servi depuis 70 ans par l'Occident aux Palestiniens, sur la terre qui leur a été allouée par des accords internationaux. Aujourd'hui la provocation en suit une autre ; des missiles artisanaux en croisent des sophistiqués. Ces derniers atteignent habituellement leur cible là où vivent entassés les déshérités, attendant ce que l'on a coutume d'appeler la Justice. Les deux catégories de missiles déchiquètent les corps dans l'horreur - qui d'autres que les officiers sur le terrain peuvent l'oublier un seul instant ?
Chaque provocation et contre-provocation est contestée et prônée. Mais tous les arguments, accusations et vœux qui s'en suivent, ne servent qu'à distraire et détourner l'attention du monde d'une incessante pratique militaire, économique et géographique à long terme dont le but politique n'est rien d'autre que la liquidation de la nation palestinienne.
Ceci doit être clamé haut et fort parce que cette pratique, seulement à moitié avouée et souvent secrète, avance ces jours-ci rapidement, et, à notre avis, doit être reconnue, sans délai et pour toujours, pour ce qu'elle est, et dénoncée.

John Berger, Noam Chomsky, Harold Pinter, José Saramago

PÉTITION POUR LE LIBAN DES CINÉASTES LIBANAIS

Le Liban brûle.
Depuis une semaine, Israël bombarde le Liban, Jusqu'à présent, le bilan est de plus de 300 morts et d'un millier de blessés. 500 000 personnes ont quitté leurs maisons et sont devenues des réfugiés. Et le peuple libanais est pris en otage sur son sol, en violation de toutes les conventions internationales. Parallèlement Israël procède à la destruction de toutes les infrastructures (routes, ponts, centrales électriques, aéroports et ports civils...) et institutions de la République Libanaise (armée, défense civile, croix rouge...).
À l'heure où certains clament que toute nation a le droit de se défendre, le Liban, même à genoux, refuse cet engrenage irresponsable. L'armée libanaise, continuellement bombardée, a reçu comme consigne de ne pas répliquer. Face à ce message de Paix, Israël poursuit pourtant ses attaques.
Face à une situation humanitaire catastrophique, nous cinéastes, intellectuels, artistes libanais demandons l'arrêt de la violence et exigeons un cessez le feu immédiat.
Nous lançons un appel à la communauté internationale et particulièrement au peuple français, à ses cinéastes, à ses intellectuels, à ses artistes, afin de faire pression sur ses représentants politiques et exiger le respect des résolutions des Nations Unies sans exception et surtout le respect des droits de l'homme.
C'est un cri, un appel pour la défense de la République et de la Nation Libanaise, message et symbole de pluralité et diversité. Votre mobilisation, votre signature, comptent.
Envoyez vos signatures à : info@neabeyrouth.org / danielle@neabeyrouth.org

MESSAGE DE SOLIDARITÉ AUX CINÉASTES PALESTINIENS ET LIBANAIS

Nous, cinéastes israéliens, saluons tous les cinéastes arabes réunis à Paris pour la Biennale du cinéma arabe. À travers vous, nous voulons envoyer un message d'amitié et de solidarité à nos collègues libanais et palestiniens qui sont actuellement assiégés et bombardés par l'armée de notre pays.
Nous nous opposons catégoriquement à la brutalité et à la cruauté de la politique israélienne, qui a atteint de nouveaux sommets au cours des dernières semaines. Rien ne peut justifier la poursuite de l'occupation, de l'enfermement et de la répression en Palestine. Rien ne peut justifier le bombardement de populations civiles et la destruction d'infrastructures au Liban et dans la bande de Gaza.
Permettez nous de vous dire que vos films, que nous nous efforçons de voir et de faire circuler autour de nous, sont très importants à nos yeux. Ils nous aident à vous connaître et à vous comprendre. Grâce à ces films, les hommes, les femmes et les enfants qui souffrent à Gaza, à Beyrouth, et partout où notre armée déploie sa violence, ont pour nous des noms et des visages. Nous voulons vous en remercier, et vous encourager à continuer de filmer, malgré toutes les difficultés.
Quant à nous, nous nous engageons à continuer d'exprimer, par nos films, par nos prises de paroles et par nos actions personnelles, notre refus de l'occupation et notre désir de liberté, de justice et d'égalité pour tous les peuples de la région.

Nurith Aviv, Ilil Alexander, Adi Arbel, Yael Bartana, Philippe Bellaïche, Simone Bitton, Michale Boganim, Amit Breuer, Shaï- Carmeli-Pollack, Sami S. Chetrit, Danae Elon, Anat Even, Jack Faber, Avner Fainguelernt, Ari Folman, Gali Gold, BZ Goldberg, Sharon Hamou, Amir Harel, Avraham Heffner, Rachel Leah Jones, Dalia Karpel, Avi Kleinberger, Elonor Kowarsky, Edna Kowarsky, Philippa Kowarski, Ram Loevi, Avi Mograbi, Jad Neeman, David Ofek, Iris Rubin, Abraham Segal, Nurith Shareth, Yael Shavit, Julie Shlez, Eyal Sivan, Eran Torbiner, Osnat Trabelsi, Daniel Waxman, Keren Yedaya.
contact :
Simone Bitton : simoneb@noos.fr / Avi Mograbi: mograbi@netvision.net.il

PÉTITIONS A SIGNER :
http://epetition.net/julywar/index.php et http://www.PetitionOnline.com/Jul06Leb/

MANIFESTATION : Cessez le Feu !
Rassemblement pacifique mardi 25 Juillet, à 19h30, Mur de la Paix, Champ de Mars.

Giraï, 96 ans


L'oncle de Françoise a survécu au génocide arménien de 1915. Les paysans turcs, qui ne pouvaient pas avoir d'enfant ou qui avaient besoin de main d'œuvre, adoptaient les garçons ravis à leurs parents. À Trébizonde, le père de Giraï, négociant en tabac, a été pendu à la cave, le bébé a été étouffé, sa mère s'est cachée pendant deux ans derrière une commode aménagée chez des amis. Elle a laissé filer son fils pour lui sauver la vie. Le petit s'est retrouvé à garder des vaches dans la montagne. Au passage de l'armée russe, les soldats montrèrent des photos aux gamins. Giraï aurait reconnu ses parents sur l'une d'elles. Récupéré par un oncle à Batoum et envoyé seul sur un cargo vers Constantinople, il ne retrouvera sa mère que quatre ans plus tard. Dans ce qui deviendra Istamboul, on ne persécutait pas les Arméniens comme en Anatolie. La mère et son fils fuirent à Paris, où ils vivront ensemble dans une toute petite chambre, même après la naissance de Rose en 1927. Rosette a dix-sept ans d'écart avec son frère.
Giraï, bien qu'il ait été freiné par le bris du col du fémur, est toujours aussi drôle, taquin et passionné par le monde en mouvement. Il y a encore deux ans, il grimpait toujours la côte à vélo, fomentant de nouvelles inventions vélocyclistes qu'il comptait faire breveter au Concours Lépine à Paris. Il déteste se sentir assisté, ayant très tôt compris que sa longévité dépendait de son agilité, intellectuelle et physique. Giraï (Gérard en arménien) a toujours préféré marcher plutôt qu'on le raccompagne chez lui en voiture. Et tandis qu'il trotinne, il fredonne des chansons des années 30-40, que dis-je fredonne, chante à tue-tête avec un trémolo à donner le vertige, pour exercer sa mémoire. Les jambes et la tête, gages de mobilité !
Cela m'amuse toujours qu'il m'appelle "mon petit", me renvoyant au paradoxe de l'âge. Il se passionne pour les nouvelles technologies, la mémoire des ordinateurs, la qualité des images numériques... Même s'il avait acheté deux magnétophones à bande, dès 1955, pour correspondre avec Françoise et Anny qui vivaient avec leur mère et leur grand-mère à Marseille, ce n'était pas sa sphère d'intervention. Il avait vendu des journaux à une terrasse de café de la Porte de Montreuil fréquenté par tous les gitans. Rosette se souvient bien de Django Reinhardt. Refait à neuf avec des fauteuils en skaï, le café fut déserté. Giraï livrait ensuite les kiosques le dimanche. Lorsqu'Adriana, la nièce de Françoise, est venue avec la décapotable de son père, Giraï n'attendait qu'une chose, aller faire un tour sur le port et le long de la plage. La capote automatique, encore plus que le GPS, le fascine comme le reste de nos gadgets électroniques. Il y a trois ans, je lui avais demandé quel était le plus beau moment de la vie. Il répondit sans hésiter "la jeunesse" et que s'il avait su alors ce qu'il avait appris depuis... Impatient, je le coupai, comme cela m'arrive souvent : "Tu serais une bombe ?!". "Non non non", hocha-t-il, "tout en délicatesse !".
Françoise a tourné une quantité de cassettes vidéo avec et sur Giraï qui serviront très probablement au prochain film qu'elle prépare.