J'avais imaginé lever le pied pendant les vacances et prendre quelque distance d'avec mon journal, sauter des jours, laisser l'écriture de côté. Il n'en a rien été. J'ai continué chaque matin sans jamais faillir. Pas de grasse matinée. Je me réveille tôt, après avoir empilé les rêves comme on enfile des perles, libéré de la nuit. En me levant, je pensai qu'hier il ne s'était rien passé de marquant. Aucune interrogation, aucune réflexion, rien ne justifiait ces lignes. Je ressassais ma journée à l'affût de quelque point de vue.
J'avais commencé par m'inscrire sur MySpace.com sur les conseils de Jean Morières, histoire de partager, de la musique, des idées... Ils appellent ça se faire des amis... J'avais fait le ménage pour recevoir Elsa et Yann-Yvon qui arrivent aujourd'hui, cette chambre n'ayant pas été ouverte depuis plus de trois ans, à la mort du grand-père. J'ai fait glissé les lourds volets roulants bloqués par des vis et des targettes pour retrouver la lumière. Nous étions ensuite allés nous baigner avec nos nouveaux masques devant la villa des tours, découvrant de nouveaux spécimen, un petit poisson orange à points noirs et trois énormes bestioles que je fus incapable d'identifier. Le tuba a une valve qui permet d'expulser l'eau du tuyau sans avoir besoin de souffler comme un malade. Pendant ce temps, Jean-Claude avait eu le temps de presser du jus de raisin, épais et sucré, et de cuisiner un gratin de pourpier. Après la sieste, nous étions allés au Lumière voir le dernier Michael Mann, un film d'action haletant avec deux flics à Miami. Plus tard, nous avons regardé Un homme avec les loups sur Arte, suivi d'un documentaire formidable sur le cinéaste Jean Painlevé.
Son bestiaire présente des chorégraphies merveilleuses sur des musiques de Maurice Jaubert (Barbe Bleue, film d'animation en pâte à modeler de 1938 tourné en Gasparcolor), Darius Milhaud (le célèbre Hippocampe), Duke Ellington (Black and Tan et Echoes of the Jungle pour Le vampire et Les assassins d'eau douce), Pierre Henry (Les amours d'une pieuvre), François de Roubaix (Cristaux liquides) ou de lui-même (bruits organisés en hommage à Edgar Varèse pour Les Oursins)... Intemporel, Jean Painlevé allie science et fiction sans trait d'union. Nous sommes plus proches d'un surréalisme naturaliste. Fils rebelle du mathématicien et homme politique Paul Painlevé, il est l'auteur de plus de 200 films dont La pieuvre, Le Bernard l'ermite, Crabes et crevettes, Caprelles et pantopodes, Hyas et sténorinques... Il existe d'ailleurs deux DVD, Compilations n°1 et n°2. Sur le site des Documents Cinématographiques fondés par Painlevé, on peut lire un très bon résumé de ses films "issus tant de la recherche scientifique que de l'esprit rebelle de l'avant-garde. Proche de Vigo, Eisenstein, Artaud, il a consacré sa vie à une radiographie luxuriante et joyeuse de l'infiniment petit, avec une prédilection particulière pour la faune aquatique qu'il aborde avec une obstination singulière, une curiosité presque jubilatoire et une absence de sentimentalisme. À l'affût de leçons d'humanité dans l'animalité, pionnier subversif du multimédia, Painlevé a su utiliser et développer les technologies les plus pointues de son époque (caméra sous-marine, trucage, ancêtre du steadycam) et mêler, en visionnaire, ses images aux musiques les plus contemporaines..."
Une journée comme les autres. Quel été !