vendredi 8 septembre 2006
Neil Labute, un réalisateur américain méconnu
Par Jean-Jacques Birgé,
vendredi 8 septembre 2006 à 07:34 :: Cinéma & DVD
J'ai récemment parlé ici de Nurse Betty sorti en 2000, comédie pimpante au scénario surprenant. J'ai depuis reçu des États Unis les DVD de deux autres films, Your Friends and Neighbours (Entre voisins et amis, 1998) et The Shape of Things (Fausses apparences, 2003). Nous sommes en présence d'un véritable auteur, auteur de théâtre d'abord, car Neil Labute adapte souvent ses propres pièces à l'écran, comme Bash: Latter-Day Plays transposé pour la télévision. En recherchant des informations sur le Net, je découvre que le réalisateur est très imprégné de son appartenance à l'Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, un culte américain qui échappe certainement aux lecteurs français comme moi. En essayant de comprendre en quoi consiste les croyances des Mormons, on s'aperçoit que Neil Labute est un sacré rebelle qui fait exploser les fondements mêmes de son église comme la loi de chasteté, l'homosexualité et surtout "l'abstinence de rapports sexuels sauf entre un homme et une femme légalement mariés" ! Il semble en effet peu probable que ses films soient des dénonciations de la liberté sexuelle ; ils montreraient plutôt, et de façon extrêmement critique, la différence entre les hommes et les femmes. Je les vois comme des blasphèmes, provocateurs aussi bien pour sa congrégation que pour qui que ce soit, même les spectateurs les plus athées. Cela vaudra évidemment au réalisateur d'être mis à l'écart par ses Mormons. Aux USA, ses films ont toujours été controversés, certains voyant par exemple dans In the Company of Men une apologie de la misogynie, d'autres du féminisme. Ses œuvres suivantes ne laissent aucun doute de ce côté là, mais interroge la cruauté de son regard sur la faiblesse des hommes et la puissance des femmes. Les hommes restent des petits garçons, assez lâches, tandis que les femmes gardent la tête froide, manipulatrices libérées de leur désir. Le sado-masochisme semble sous-jacent. Les jeux de l'amour mis en scène par Labute sont sans hasard. Les parties carrées n'y sont pas rares. Ses personnages ont du mal à trouver leur équilibre dans une société hypocrite qui a faussé la donne.
Si Your Friends and Neighbours est dépourvue de musique et que tout se joue dans une espèce de silence morbide, chaque nouvelle séquence de The Shape of Things est ponctuée par les chansons d'Elvis Costello. Ici, pas de sirop à l'américaine. Ni dans la bande-son, ni dans les propos. Si Nurse Betty reste mon préféré (le seul dont il n'a pas écrit le scénario et le plus drôle), je suis resté abasourdi par The Shape of Things. Les scénarios sont toujours riches en rebondissements (j'évite toujours ici de les déflorer), les acteurs formidables. Il me reste maintenant à découvrir son premier long métrage, In the Company of Men (En compagnie des hommes, 1997, en coffret avec Maria pleine de grâce et Les flambeurs sur le site de la Fnac) et Possession (2002, disponible sur Amazon.fr), et courir au cinéma découvrir The Wicker, avec Nicolas Cage, si jamais il sort en France...