lundi 26 février 2007
Quand les digues ont lâché
Par Jean-Jacques Birgé,
lundi 26 février 2007 à 10:11 :: Cinéma & DVD
Grosse déception à la projection du documentaire fleuve, When the Levees Broke. Le "Requiem en 4 actes" de Spike Lee est tourné très approximativement et monté plan plan. C'est long, très long, plus de quatre heures, sans que rien ne le justifie. Le réalisateur a tourné une quantité énorme d'entretiens face caméra sur une période relativement courte et les a montés avec les stockshots de la catastrophe qui a noyé la Nouvelle Orleans il y a un an et demi. Le sujet reste extraordinaire par l'ampleur du désastre humanitaire et politique.
On apprend qu'en 1927, lors d'un précédent ouragan, le gouvernement avait fait sauté les digues, noyant les quartiers pauvres pour sauver les riches. C'est toujours la même histoire, cette fois personne n'a bougé avant plusieurs jours après que l'ouragan Katrina a touché la Louisianne, mais surtout après que les digues de la Nouvelle Orleans ont lâché. Construction à la va-vite totalement insuffisante pour retenir les eaux du lac Ponchartrain, désintérêt du pouvoir pour un pays peuplé d'Afro-Américains démunis qui ne votent pas Bush, envoi de la police pour contenir cette population et l'empêcher de s'échapper du bourbier mortifère, etc. Ironie du sort, le président Chavez proposa l'aide du Vénézuela pendant que Bush vaquait à d'autres occupations. Refus des USA de recevoir l'aide internationale, comme par exemple celle des pompiers français (ça, ce n'est pas dans le film). C'est le récit d'une catastrophe sans précédent, après le tremblement de terre de Los Angeles et le 11 septembre (c'est aussi une condamnation sans appel de la politique intérieure de George Bush). Les États-Uniens se croient toujours à l'abri de tout, Thanks God !
La bigoterie est le phénomène pour nous le plus surprenant. Même révoltés par leur gouvernement d'incapables et de cyniques, les habitants de la Nouvelle Orleans acceptent leur sort, ils prient. Beaucoup de points communs avec l'Afrique du Sud d'après l'apartheid. J'avais été surpris par le peu de combativité des noirs qui accordaient leur pardon plutôt que de se relever sous les effets de la colère et de l'iniquité. L'évangélisation a bien fait son travail. Conclusion : l'opium du peuple est efficace, rien n'a changé, les pauvres ont remplacé les noirs, hélas ce sont toujours les mêmes. Aux USA, la religion est partout. La communauté à laquelle chacune et chacun se réfère (My community...) marque avant tout son appartenance à une église.
Dans le film, essentiellement quelques artistes se révoltent et accusent : Wynton Marsalis, natif de la Nouvelle Orleans, Harry Belafonte, très engagé politiquement de puis des décennies, Sean Penn qu'on aperçoit à l'action sur le terrain les pieds dans l'eau, Kayne West avec son George Bush doesn't care about black people en direct à la télévision...
Le pot aux roses se dévoile au large des côtes de la Louisianne, à un peu plus de 5 km du bord, échappant ainsi à la propriété de l'état et tombant dans l'escarcelle du pouvoir central. Le pétroleoff-shore représente 25% des ressources nord-américaines ! Un témoin raconte que si la Louisianne possédait ses propres ressources naturelles, au lieu de se faire piller par les magnats pétroliers (les copains du père de l'actuel président occupant les postes de commande à Washington), ce serait l'Arabie Saoudite et chacun roulerait en Bentley. Au lieu de cela, c'est la misère, une misère terrible qu'aussi bien aux USA que dans le reste du monde on feint d'ignorer pour conserver la vision idyllique du rêve américain.
Coffret zone 1 de 3 dvd, les deux premiers avec sous-titres français, le troisième contient un cinquième acte d'encore 1h45 !