mardi 3 juillet 2007
Houellebecq-Birgé, la presse (1)
Par Jean-Jacques Birgé,
mardi 3 juillet 2007 à 06:59 :: Musique
Il n'est ni agréable ni efficace de faire sa promotion soi-même. Je me suis épuisé à contacter les journalistes littéraires (sans le moindre succès, semble-t-il) et musicaux, à les harceler parfois. J'ai eu de temps en temps la surprise de longues et passionnantes conversations, mais il faut savoir être patient face aux promesses de publication. Aujourd'hui, je cède la place à trois journalistes qui ont écrit sur Établissement d'un ciel d'alternance, cd en duo avec Michel Houellebecq que j'ai composé, réalisé et produit (distribution Orkhêstra). Leur prose me repose et m'honore :
Alors que la cinématique génère de nouveaux chantiers musicaux, où l'on observe l'influence des BOF (Bandes Originales de Film) sur le jazz mâtiné d'electronica, sur le hip-hop échantillonné de dialogues cinématographiques, il convient de rendre à César ce qui appartient à César et à l'invention hélicoïdale ce qui appartient à Birgé. Car Birgé est un nom pionnier. Il est la source de toutes les aventures traversières actuelles, celles gui font fusionner les serpentements du son et les images qui refusent de ramper devant les impératifs du cliché. Réalisateur de spectacles multimédia à partir de 1965, fondateur, en 1976, du groupe Un Drame Musical Instantané, avec Francis Gorgé et Bernard Vitet, Birgé a montré avant tout le monde le parti que la littérature pouvait tirer de l'improvisation sonique (et réciproquement) en créant des évènements autour d'œuvres de Dino Buzzati, d'Edgard Poe ou encore de Zola. Cette capacité d'invention qui le fit composer pour le théâtre, le cinéma, la radio, un orchestre symphonique, un jazz band justifiait qu'on le sollicite afin d'accompagner une lecture de Michel Houellebecq lorsqu'il était ce poète prometteur adoubé par Michel Bulteau, l'homme du "Manifeste électrique aux paupières de jupes". Sous l'impulsion d'André Velter, naguère associé aux secousses transformatiques de la revue Change, il effectue l'exploit de combiner un traitement sonore sur la voix véritablement envoûtante de Michel Houellebecq lisant des fragments du "Sens du combat" (1996) et de "La poursuite du bonheur" (1992). Le spectacle eut lieu à la Fondation Cartier, en première partie de Patti Smith et à l'occasion du 10e anniversaire des Inrocks. Enregistré le 4 novembre 1996, en une seule prise, sans coupure ni mixage, "Établissement d'un ciel d'alternance" est ainsi salué par l'auteur de "La possibilité d'une île" : voici "quelque chose d'assez rare dans ma vie : une collaboration avec un musicien réussie ". Spécialiste des instruments de synthèse, Birgé parvient ici, talentueusement, à porter une écriture marquée par l'errance en rendant distinct le climat fuligineux et cette lumière tremblante qui éclaire le décor de guerre mis en voix par Houellebecq. Nul assemblage bricolé dans la recherche d'un effet, "Établissement d un ciel d'alternance" joue parfaitement son titre, un équilibre de tension entre l'harmonie du désastre et la grammaire des sons sinusoïdaux dont Jean-Jacques Birgé est l'oracle parfait. Signalons que l'opus, présenté sous etui DVD (un clin d'œil à l'image-mouvement) est post-scriptumé d'une pièce instrumentale signée Birgé-Vitet. Conclusion explosive au "poème symphonique" de Michel Houellebecq, elle
s'intitule éloquemment Tchernobyl.
Guy Darol (Jazz magazine, mai 2007)
Pour sa collaboration avec Bernard Vitet, son ancien compère du Drame Musical Instantané, Jean-Jacques Birgé suggère un dynamisme léthargique proche du "poème symphonique" Établissement d'un ciel d'alternance qu'il co-signe avec l'écrivain Michel Houellebecq. L'expression synthétise avec goût cette lecture suffocante, comme happée par le vide, qui rebondit et s'embrase dans le fourmillement électronique - contrepoint idéalement visqueux à la voix lasse et quasi-désincarnée de Houellebecq, pour une musique d'un noir d'encre où l'écrivain chante des "territoires de la terreur" aux confins de Pierre de Mandiargues et d'Alain Robbe-Grillet...
Franck Mallet (Classica répertoire, mai 2007)
Ça se passe le 9 novembre 1996 à la Fondation Cartier pour le dixième anniversaire des Inrockuptibles. On attend Patti Smith et on patiente avec Houellebecq-Birgé. Des perruches (mais que faisaient-elles là ?) donnent de la voix, piaillent leur néant.
Ça se passait aussi quelques jours plus tôt au studio GRRR de l'ami Birgé. Sans les perruches, les deux hommes se soudaient d'une inconsolable fatalité ; celle de l'après chaos, celle du requiem des mondes. Celles de mécaniques obsessionnelles, répétitives, explorant l'étouffement des hommes, la fatalité des haines. La nuit est presque rouge dit l'un ; le cri ne sera bientôt plus capitonne l'autre. Mais lequel est le stalker de l'autre ? Lequel invente le récit ? Houellebecq est satisfait de la rencontre et le dit dans le livret ; Birgé parle de confiance... Le courant est passé qui mériterait de repasser.
Tout se termine avec Tchernobyl, composition du tandem Birgé-Vitet. Éloge du métallique et du fuyant, la peur s'en est allée, laissant au loin les stigmates de l'incertain.
Une musique recommandée et recommandable.
Luc Bouquet (Improjazz, juillet-août 2007)
Sur ce blog plusieurs billets abordent l'album sous des angles variés :
- Sortie chez GRRR de mon duo avec Michel Houellebecq (avec la pochette originale)
- Les chiffres à livre(t) ouvert
- Les pochettes auxquelles vous avez échappé
- Étienne Auger commente son travail (la photo ci-dessus est issue du verso du livret)
- Houellebecq Malentendu