70 Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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lundi 16 juillet 2007

L'inconscient ignore les contraires


Lorsque Dominique Soto, présidente de SOS Racisme (une émanation de Parti Socialiste auquel d'ailleurs il appartient), défend Rachida Dati, ministre de la Justice (on dit aussi Garde des Sceaux), en affirmant qu'elle est attaquée "parce qu'elle est jeune, femme, et d'origine maghrébine", elle l'affuble de toutes sortes d'insignes dangereusement apolitiques.
Il me semble qu'en critiquant les projets politiques répressifs et réactionnaires de Rachida Dati, le discours est fondamentalement moins ségrégationniste que celui de ceux ou celles qui montent en épingle ses appartenances communautaires. En d'autres termes, le racisme ou le machisme vont parfois se nicher, certainement involontairement, dans des discours qui prétendent les attaquer.
Si le racisme est la haine d'une part de soi-même, si le machisme cache une fragilité fondamentale, si la haine des jeunes exprime un regret de ne plus l'être, si celle des homos souligne un refoulement de ses propres pulsions, alors on peut émettre un doute sur les idéaux de ceux qui réduisent les actes et les paroles des personnalités politiques à leur apparence ou appartenance communautaire, à leur vie privée ou à leurs racines.
Rachida Dati ne peut être jugée que pour ses propos, ses projets et ses actes, tous éminemment politiques. Hélas !

Illustration : Jean Bruller, dit Vercors

Robert Lepage au pays des merveilles


Il y a deux ans nous avions découvert le film de Robert Lepage, La face cachée de la lune, adaptée de l'une de ses pièces, qui, avec le temps, se révèle l'un de nos films préférés de ces dernières années. L'onirisme de Lepage n'y a d'égal que son intérêt pour les nouvelles technologies et les formes récentes d'expression qui ancreraient fondamentalement le théâtre dans une contemporanéité non coupée des arts populaires. Derrière lui, est réunie une équipe de chercheurs et d'artistes formant la troupe-laboratoire Ex-Machina. Le sérieux de ses recherches me rappellent la passion de Denys Arcand pour les manuscrits de la Mer Morte sur lesquels il s'appuya pour Jésus de Montréal dans lequel joue justement Lepage. Le metteur en scène cumule les rôles d'acteur, de scénographe et de réalisateur avec le même brio. Les acteurs québecquois bénéficient d'une direction exceptionnelle qui fait souvent défaut dans le cinéma européen. Ses personnages ont une profondeur analytique qui ne laissent jamais l'humour sur le bord de la route. Les raccords de montage de ses films sont toujours motivés à la fois par le sens et la beauté plastique des images. La machinerie de théâtre est renouvelée par l'apport de projections sur grand écran, Internet, les ombres et maintes trouvailles scénographiques, travail exemplaire qui devrait en inspirer plus d'un. La magie est au service des grandes interrogations et émotions humaines, elle nous fait plonger dans un émerveillement permanent, nous offrant de voir le monde avec des yeux d'enfant et une distance d'adulte.
Outre La face cachée de la lune, on peut trouver, en cherchant un peu (amazon.com ou fr ou ca), les dvd de Possible Worlds tourné en anglais (Lepage interprète ses pièces indifféremment dans les deux langues), Le confessionnal, et, last but not least, celui qui accompagne le texte de La création Andersen, une de ses dernières créations. La conférence de presse de 40 minutes, les extraits et les autres compléments sont absolument superbes d'intelligence et de sensibilité (la voix et la diction de Robert Lepage sont de plus envoûtantes). C'est la première fois que je vois les nouvelles technologies totalement maîtrisées et justifiées dans l'espace théâtral.
Ne manquez sous aucun prétexte La création Andersen du 14 au 28 décembre prochains au Théâtre National de Chaillot. Pour cette biographie habitée et illuminée, le rôle du conteur danois sera tenu par Yves Jacques, un autre formidable comédien vu chez Arcand, qui a l'habitude de remplacer Lepage en tournée. In-dis-pen-sable. Je pèse mes syllabes.