Si j'adore me baigner, je n'ai jamais aimé aller à la plage. Trop de bruit, de bousculade, d'épandage, et surtout, impossible de trouver une position agréable pour bouquiner sur une serviette de bain. Il y a longtemps que je ne m'allonge plus sur le sable pour bronzer. Je laisse faire le soleil sans m'en préoccuper. Si nous sommes nombreux à y aller ensemble, j'apprécie encore de jouer avec les vagues, mais je m'épuise vite. Mon père m'apprit à rentrer dans la mer en courant ; ensuite je m'ennuie et nage rarement très loin. En découvrant il y a une douzaine d'années l'émerveillement de la plongée sous-marine, j'ai du même coup compris les joies du masque et tuba. Équipé ainsi, je ne sens plus le temps passer et les distances s'allonger ; en quelques brasses (je n'ai jamais su nager autrement avec plaisir) je me retrouve au bout du monde. Il suffit que je suive un banc de poissons pour me laisser entraîner loin du rivage, sans qu'aucune fatigue vienne interrompre la baignade. Lorsqu'Olivia et Thierry m'apprirent que la plongée était interdite aux asthmatiques, même légers comme moi, le monde du silence s'écroula. J'aurais pu hurler avec les loups de mer pour noyer mon chagrin. Je ne suis pas certain que je serais capable de suivre leur prescription si l'occasion se représentait tant j'ai adoré me promener dans cette forêt inimaginable au milieu des animaux farceurs. En attendant, Françoise et moi nous adonnons à la nage en surface les yeux rivés vers le fond, admirant pageots, saupes, oblades et girelles.