Qu'il en soit de politique, de culture comme d'agriculture, le pluralisme des sources protège les sociétés et ceux qui les composent de maintes catastrophes programmées inconsciemment, cyniquement ou simplement naturelles. L'unicité a fait ses preuves : "ein Reich, ein Volk, ein Führer !" scandaient les Nazis (Un état, un peuple, un chef !). L'Allemagne se remet à peine d'avoir détruit ou exclu la plupart de ce qui composait sa richesse, la multitude de ses origines. Voulant assurer sa suprématie en imposant un système unique et une prétendue race supérieure, elle a détruit ce qui assurait sa puissance intellectuelle et culturelle depuis des siècles, la biodiversité des êtres qui la composaient. La comparaison peut paraître abusive, mais quelle différence y a-t-il entre les hommes et ce qui les alimente ?
L'association Kokopelli rassemble un catalogue unique de près de 1200 variétés de semences anciennes, produites en agrobiologie, et mène son combat pour la biodiversité depuis une dizaine d'années. Allez jeter un coup d'œil à leur catalogue, cela fait saliver. On a tant perdu le goût des aliments à force de consommer en toutes saisons des fruits et légumes cultivés en batterie, piqués de je ne sais combien de produits conservateurs, conservés dans d'immenses frigidaires, standardisés, calibrés, homogénéisés...
L'industrie agro-alimentaire qui veut imposer ses brevets sur les semences et ses clones génétiques a gagné son procès contre l'association Kokopelli entraînant l'état français dans son combat absurde et criminel. Depuis 15 ans, Kokopelli protège la diversité de nos jardins, de nos champs, de nos assiettes, tout en essayant de faire évoluer le cadre juridique vers une reconnaissance de la valeur agronomique et culturelle des variétés reproductibles... Aujourd’hui, la disparition potentielle de Kokopelli ouvre un boulevard à l’uniformisation culturelle et productiviste agricole. La disparition de la « vraie » biodiversité basée sur la variabilité génétique d’une multitude de variétés locales ne sera jamais, et de très loin, compensée par la multiplicité de quelques variétés clonées... L’association propose aux jardiniers, aux paysans, d’être autonomes et responsables, face au vivant. Dans notre société du tout marchandise, c’est intolérable. Le plus grand grief (sous-jacent) fait aux semences anciennes ou de pays, est d’être reproductibles et qui plus est adaptables à de très nombreuses conditions de cultures, sans le soutien de l’agrochimie. Voilà la faute de Kokopelli : conserver le levain des savoirs populaires, agronomiques et génétiques. À l’heure où l’on veut nous faire croire que le tout hybride, OGM, chimique, énergie fossile, sont les seules possibilités d’assurer notre alimentation, propager l’autonomie semencière par l’exemple est devenu répréhensible. Ce qu’il faut retenir de ces condamnations, c’est la volonté affichée d'éradiquer les alternatives techniques et semencières autonomes.
Malgré les directives européennes, les avis de l’ONU, du Sénat, de scientifiques, d’agronomes affirmant l’urgence de sauvegarder la biodiversité végétale alimentaire, l’état français refuse de libérer l’accès aux semences anciennes pour tout un chacun. C’est ce qui permet aujourd’hui aux magistrats d’infliger ces lourdes peines à l’association Kokopelli... Les semences qui ont nourri nos grands-parents et qui servent à nous nourrir aujourd’hui par le jeu des croisements, seraient donc devenues illégales et dangereuses. Pourquoi condamner une association qui sauvegarde, avec ses adhérents et ses sympathisants, plus de 2500 variétés en risque de disparition ? Pourquoi condamner ces semences dont la FAO (Food and Agriculture Organization for United Nations) reconnaît qu’elles sont une des solutions pour assurer la souveraineté alimentaire, face aux dérèglements climatiques et à l’augmentation de la population mondiale ? Pourquoi les mêmes variétés, selon qu’elles sont vendues par Kokopelli ou d’autres opérateurs entraînent condamnation ou mansuétude ? Pourquoi les grandes surfaces vendent des fruits et légumes issus des variétés interdites à Kokopelli, en toute impunité ? La FNPSP a obtenu du tribunal une confirmation de la condamnation de Kokopelli... Cette fédération des sociétés de la semence potagère regroupe des petites maisons semencières mais aussi et surtout les grandes multinationales qui ont pris l'agriculture et les agriculteurs en otage : Limagrain, Syngenta (le grand ténor de l'agriculture toxique) et Monsanto, le n° 1 mondial de la semence sous tous aspects et le n°1 mondial de la semences potagère.
Après avoir tenté d'interdire le purin d'ortie, engrais naturel, extrêmement efficace, quasi gratuit, l'industrie agro-alimentaire fait jouer ses lobbys pour imposer ses semences manipulées et faire interdire ce qui devrait être labellisé "patrimoine de l'humanité", et l'état français, une fois de plus, se rend complice de la main mise de l'industrie sur ce qui appartient à tous, notre véritable héritage.