Tous les matins du monde
Par Jean-Jacques Birgé, mardi 1 avril 2008 à 07:52 :: Perso :: #884 :: rss
Un poil était planté dans le blanc de mon œil gauche comme d'autres l'ont dans la main. J'avais besoin d'en parler. Notre merle chantait à tue-tête bien que ce ne soit pas encore l'heure légale. Je me suis levé pour savoir si je voyais clair. Des échafaudages barraient la porte d'entrée. Ce n'était pas une sortie. Je suis descendu écrire pour savoir ce qui était de l'ordre du rêve et ce qui tenait de la réalité. Tout était vrai, clarinette, sauf l'histoire de l'œil que j'avais inventée, et l'échelle du peintre. Dans ce no man's land de la pensée, la conversation avec Agnès Varda et une autre fille portait sur ceux et celles qui dorment peu et se lèvent tôt tant ils sont heureux de vivre. À force de remuer je craignais d'empêcher ma compagne de se reposer. Je bouge beaucoup, alors je me cale au bord du futon le long d'un précipice de quelques centimètres et je tourne sur moi-même comme un poulet à la broche. Si je vais pisser, je jette toujours un œil à la fenêtre qui donne sur la rue. À ces heures-là, il n'y passe généralement personne. J'enfile un peignoir et des chaussons en laine des Pyrénées pour ne pas attraper la crève. Dans le noir, je me trompe de paire, elles sont trop petites, ce ne sont pas les miennes. En bas, le chat me fiche la paix. Lui sait bien que ce n'est pas l'heure. Pendant quelques secondes, l'écran est flou, j'en baisse la luminosité et j'éclaire la pièce. Le rideau se lève sur un soleil. Il pleuvra plus tard.
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