mardi 6 mai 2008
Plume
Par Jean-Jacques Birgé,
mardi 6 mai 2008 à 00:24 :: Humeurs & opinions
Côté jardin, un moineau est venu mourir sur le rebord de la fenêtre. La position des pattes reflète-t-elle un atterrissage périlleux ou la détente des membres après sa longue vie de passereau ? Il y a quelque chose qui coince. Une raideur. Pour peu que l'on s'y penche, le corps inanimé fait surgir la liberté passée, le ciel d'avant. Il n'y a pas d'après, rien d'autre que le souvenir de ceux qui continuent à voler. L'homme a besoin de temps pour apprivoiser la mort, l'égalité annoncée. Le sujet fait rarement plaisir. L'angoisse des jeunes est prématurée. Elle devrait, mûrie, se dissiper. Vivre ou mourir très vieux permettraient de l'apprécier. On verra bien. Ou pas.
Côté cour, ce week-end, j'ai relu Maus d'Art Spiegelman pour comprendre ce qui me rend si triste. L'histoire remonte à loin. D'orgueil, de naïveté, de résistance, de courage, de lâcheté, de bêtise, d'humanité et d'inhumanité... Les origines d'un monde. Racines arrachées et trimbalées, voyages salvateurs ou assassins, renaissances et trahisons. Puis la fin des haricots à vouloir les planter coûte que coûte. Non, non, non, la faim ne justifie pas les moyens. Tous ne sont pas bons. Il y a l'art et la manière. La culture de la lumière s'est perdue dans de nouvelles paranoïas. Il ne fait jamais de mal de se souvenir. Extraordinaire texte de Stéphane Hessel, 91 ans, ambassadeur de France, dans les pages Rebonds de Libération. De quoi l'accusera-t-on cette fois ?
Baisser de rideau. Cette nuit, l'absence de solidarité du milieu musical m'a tenu éveillé. J'ai décidé de prendre du recul. D'aller voir ailleurs si j'y suis. Savoir tirer sa révérence avant d'être submergé par l'amertume. Je préfère le sucre qui rend les enfants joyeux. L'acide qui ouvre sur d'autres mondes. Le sel, en terre ou en grain. À force de répétitions, la machine a fini par se gripper. Il a semblé facile d'en commander une toute neuve. Restera la manière de s'en servir. Je retrouve le sourire, à l'aide d'un chausse-pied certes. C'est un combat de chaque instant. À l'heure des urgences, je cherche un répit, mais j'entends les trois coups.