mercredi 28 mai 2008
Erika & Emigrante
Par Jean-Jacques Birgé,
mercredi 28 mai 2008 à 00:00 :: Musique
J'avais déjà rédigé mon article pour Muziq lorsque j'apprends que le disque n'est pas encore sorti et que ses auteurs cherchent un label. En attendant une future publication, je me dis que le blog permet de parler de choses qui n'existent pas encore, ce que la presse papier s'interdit. En espérant donc que mon enthousiasme aide Erika & Emigrante à trouver les moyens dont ils rêvent pour cette Tzigane Experience :
« Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan ! C'est la meute des honnêtes gens qui fait la chasse à l'enfant… » Les mots de Prévert me viennent à l’esprit tandis qu’aujourd’hui les sans papiers sont expulsés du territoire sous les plus odieux stratagèmes. Le groupe Emigrante porte bien son nom en hissant haut les couleurs de notre beau pays des droits de l’homme. Sans affadir la musique en une world déracinée, l’orchestre réunit le guitariste syro-égyptien natif de la Goutte d’or Sergio Leonardi, l’accordéoniste moldave Victor Koman, le violoniste roumain Georges Mihail Serioja, le bassiste camerounais DD Bell, le tabliste rajastanais Latif Ahmed Khan ainsi que les batteurs François Laizeau et Buj. Cette brochette de musiciens virtuoses entourent la chanteuse Erika Serre dont la palette vocale n’a d’égal que son sens dramatique. Tantôt mutine, tantôt grave, la jeune Tzigane rivalise d’invention, d’humour et d’une merveilleuse veine lyrique dans un répertoire original qui rappelle les chemins de traverse empruntés depuis des siècles par les nomades, ici adapté au temps et à l’époque. Originaire de Hongrie, Erika, qui a grandi aux côtés du groupe Ando Drom, nous emporte sur les chemins de l’exil avec un raggae enrubanné d’arabesques, le classique manouche « Johnny » de Les Paul et Francis Lemarque traité à la Vian, un reggae bollywoodien, la valse de rigueur, les Balkans et l’Andalousie, mélodies lentes, rythmes trépidants, le Sud… Ces musiques accrochent un public jeune qui apprécie la fête et la danse tout en se rapprochant doucement des autres blues et du jazz qu’il découvre en cherchant à comprendre leur engouement pour ces métissages captivants. Ils représentent tellement mieux notre culture hexagonale que le protectionnisme hypocrite des exploiteurs patentés à la botte des multinationales. Adopter Erika & Emigrante est un geste de résistance qui donne le sourire et l’envie de se remuer.