dimanche 29 juin 2008
À porter au crédit d'un motocycliste condamné récemment pour conduite en état d'ivresse
Par Jean-Jacques Birgé,
dimanche 29 juin 2008 à 06:28 :: Théâtre
Il est trois heures du matin. Nous sommes à Pigalle en 1994, grande époque du vol à l'arraché de sacs de dames. Françoise avait laissé le sien sur le siège arrière de sa voiture. Deux gars ouvrent la portière, s'en emparent et remontent en courant la rue Germain Pilon. Françoise a beau faire des signes désespérés aux passants qui les croisent et crier "Au voleur !", aucun ne bronche. Une Vespa qui descendait la rue s'arrête à sa hauteur. "Vite, vite, ils m'ont volé mon sac et sont partis par la rue Véron". Comme le galant fait un demi-tour chevaleresque, elle veut monter à l'arrière de son scooter, mais il refuse parce que ça peut être dangereux. Elle continue de grimper à pieds tandis qu'il disparaît à la poursuite des deux voleurs. Avant qu'il ne parte, elle a le temps de lui crier d'au moins récupérer ses clefs et ses papiers. Dix minutes plus tard, le voilà qui revient et sort de sa poche le trousseau de clefs. C'est génial, s'exclame-t-elle, elle est sauvée, elle peut au moins rentrer chez elle. Mais ce n'est pas terminé, il est en négociation avec les deux junkies qui veulent bien rendre le sac à condition de conserver le liquide. Elle sait qu'elle ne possède que 50 francs : "qu'ils gardent le fric !". Lorsque le petit gars revient avec le sac, elle lui propose, pour le remercier, un coup à boire comme elle n'habite pas loin. Il a un petit côté étudiant en droit ou en médecine avec ses lunettes rondes et l'air sympa. Ce soir, il n'a pas le temps, mais comme il travaille au Théâtre de l'Atelier, il propose à Françoise de passer le voir. Elle imagine qu'il déchire les billets à l'entrée. Là-dessus, le courageux jeune homme enlève son casque et, coup de théâtre, elle reconnaît Guillaume Depardieu qui n'est évidemment pas du tout ouvreur, mais joue à l'Atelier. "Incroyable", fait-elle, "je suis réalisatrice et c'était justement ce soir la première de mon film" (Passé-Composé) ! C'est la raison pour laquelle elle était un peu dans la lune et n'a pas senti venir les deux voleurs. Françoise se rendra compte qu'ils ont aussi piqué sa montre Swatch dont elle voulait justement se débarrasser parce qu'elle faisait trop de bruit pendant les projections. L'aventure coûta le prix d'une place de théâtre ! Pour remercier Guillaume Depardieu, elle lui enverra Pourquoi j'ai mangé mon père de Roy Lewis.
N.B. : petit détail amusant en ce qui me concerne, sa traduction est l'œuvre de Vercors et de sa compagne Rita Barisse.
P.S. : Guillaume Depardieu vient d'être condamé par le tribunal de Versailles à deux mois de prison ferme pour conduite en état d'ivresse au volant de son deux roues.