vendredi 21 novembre 2008
Le septième saut
Par Jean-Jacques Birgé,
vendredi 21 novembre 2008 à 00:07 :: Humeurs & opinions
Avec l'argent et le sexe, la mort est le troisième sujet qui préoccupe le plus les "êtres" humains. Ces trois axes avaient guidé nos choix lorsqu'avec Antoine Schmitt nous réalisâmes le CD-Rom Machiavel. La photo de 1973 prise par Thierry Dehesdin pour le light-show H Lights où Philippe Danton joue le rôle de la Faucheuse me replonge dans le puits sans fond de la question sans réponse. Le calme m'envahit tandis que me reviennent mes propres phrases, précédées par les images d'Ingmar Bergman scellées par le mystère... Et même si c'était le septième, la septième vie, qu'y pourrions-nous si ce n'est apprivoiser l'infini dans la plus grande humilité du plus petit éclat ?
Son nom me fut imprononçable jusqu'à ce qu'elle fut partout. Sarajevo, novembre 1993. Règlement de comptes rondement mené. Je ne la craindrai plus jamais. Elle peut surgir de nulle part tant et si bien que j'apprends à avancer dans son ombre. Bon docteur, Anh-Vân me dit que tant que je souffre je suis vivant. Je me pince en tournant. Preuve par du neuf, matin après matin. Un jour, mes yeux ne s'ouvriront pas. Il y a le temps. Les jeunes gens n'ont nul besoin d'y penser, c'est prématuré. Sauf accident, on ne meurt que lorsque l'on est fatigué de vivre. Sans elle, la vie serait insupportable, elle n'aurait aucun sens. Nous savons où nous allons. J'ai franchi le col depuis déjà longtemps. La vallée n'est pas un mirage, elle abrite le fleuve. Je ne l'attends pas, je vais au devant. Je m'approche, je lui souris. Cela ne l'amuse pas, elle se détourne. Jusqu'à la prochaine fois.
Certains pourraient me croire cynique lorsque j'avoue ma tranquillité à voir mourir celles et ceux que j'aime. Tant que je vous enterrerai je serai vivant. Plus vous serez, mieux je vieillirai. Prenez votre temps. Rien ne presse. Ma tristesse n'en est pas atténuée pour autant. J'ai demandé à Elsa d'être enterré au Père Lachaise, pour la ballade, l'air frais, les oiseaux, les chats, les feuilles des arbres... Rien ne manquera, puisque je ne serai plus là. La passe, un tour de passe-passe. Seuls mes atomes danseront sur mon corps pour réinventer la matière. La conscience m'aura quitté. Je serai libre. Ceux qui restent sont les prisonniers de ceux qui partent. La faux ne signifie rien. Rien de vrai. La mémoire a beau être adhésive, le ruban se décolle à l'humidité des larmes. Par ci par là reste une image, menteuse. On prend son mal en patience et l'on rit. La vie est belle.