samedi 6 décembre 2008
Claire Diterzi et Camille, ingénieuses du son
Par Jean-Jacques Birgé,
samedi 6 décembre 2008 à 00:05 :: Musique
Amusant comme la moindre variétoche anglo-saxonne passe pour de la pop ou du rock tandis que les artistes hexagonales sont associées à la chanson française ! Pourtant, dégageant autant de fraîcheur que d'inventivité, tout en prouesses vocales et originalités instrumentales, Claire Diterzi ou Camille sont bien les cousines continentales de Björk. La première a sorti un CD salué par de nombreux journaux et magazines sans qu'elle ait encore gagné les faveurs du grand public, la seconde a mis en libre téléchargement son concert au Zénith pendant la semaine qui a suivi la soirée du 25 novembre. Les deux filles prennent toute leur dimension en spectacle vivant qu'elles peaufinent redoutablement. L'une comme l'autre écrivent leurs paroles, composent et interprètent elles-mêmes leurs élucubrations. Diterzi jouent des guitares et de nombreux autres instruments, programme ses machines et joue le rôle d'ingénieuse du son. Camille écrit aussi paroles et musique, joue du piano et se donne des claques puisque, bien qu'accompagnée par une huitaine d'autres musiciens, l'ensemble ne fait appel à aucun autre instrument si ce n'est quelques effets d'ambiance rythmiques.
En s'inspirant d'une dizaine d'œuvres d'art, de Fragonard à Lucian Freud en passant par Turner, Toulouse-Lautrec ou Rodin, Claire Diterzi s'approprie ses exercices de style en lorgnant du côté de Gotainer et Mistinguett. Jouant de toutes les facettes de son Tableau de chasse, elle donne à la variété française ses lettres de noblesse et en justifie les termes en pleine modernité.
Camille prend toute sa mesure sur scène. J'avais été déçu par son récent album, Music Hole, mais son spectacle homonyme m'enchante comme m'avait emballé Le fil. J'ai regardé et écouté les deux heures téléchargées sur son nouveau site avec une joie partagée. Passées les premières minutes un peu trop démagogiques et politiquement correctes à mon goût, Camille reprend son souffle et nous embarque dans un monde orange et noir bien à elle, avec son naturel, son toupet et sa légèreté. L'orchestre que constituent les choristes jouent des percussions corporelles, les virtuoses rivalisent de prouesses à la basse vocale et à la percu buccale, la pianiste est parfaitement en phase, tous époustouflants de virtuosité sous la houlette de la nouvelle étoile. Camille a beau faire semblant de minauder comme une ado, on sent qu'elle dirige l'ensemble avec une poigne de faire et de parfaire. En analysant le montage en direct du film de la soirée, on comprend que tout est répété, calculé, maîtrisé et représente un travail considérable, du bel ouvrage ! Camille, à l'instar des plus grand(e)s, sait passer la rampe en entraînant son public dans les nuages.