samedi 14 février 2009
Buirette et Labarrière sur un Plateau
Par Jean-Jacques Birgé,
samedi 14 février 2009 à 00:09 :: Musique
Buirette et Labarrière sont sur un Plateau, les deux filles se jettent à l'eau, qui est-ce qui reste au Plateau ? Le public enchanté par ces soli croisés où la chanson fait texte ou prétexte... L'une chante, l'autre pas, commente le programme. Mensonge ! Les voix s'entremêlent au rappel. On y songeait.
Hélène Labarrière interprète librement à la contrebasse solo des tubes de Vincent Scotto, Alain Goraguer, Georges Van Parys, Léo Ferré, Michel Berger et d'elle-même. L'archet laisse échapper sa colophane en saine poussière, les doigts pincent les cordes à l'ange, les morceaux rendent leur jus, la musicienne son eau. Pas l'ombre d'un flottement, mais une navigation hors-bord pour répertoire hexagonal qu'il est toujours du meilleur aloi de substituer aux standards américains du début du siècle dernier. Les murs de l'Atelier du Plateau fraîchement repeints en rouge sang sont éclaboussés par son hommage aux deux adolescents électrocutés pour avoir eu peur de la police. Les paroles tues portent la musique.
Après un court entr'acte, Michèle Buirette reprend le flambeau. Sur le feu, Prévert, Queneau et Nougaro qu'elle accompagne à l'accordéon. Les nouvelles chansons sont aussi de sa composition, mais elle en écrit maintenant les paroles. Île et elle me fait frissonner. La voix est mutine. Une petite histoire amusante annonce chaque chanson, comme un cadre souligne la perspective. Michèle a gagné en naturel, mettant le public dans sa poche pour le ressortir illico lors d'un chant à répondre comme pour un fest-noz. La colère succède à l'ironie, l'humour à la tendresse. L'enthousiasme des spectateurs la pousse à tester des chansons inédites, à peine terminées. En fin de programme, sa reprise me fait apprécier Syracuse pour la première fois de ma vie. J'entends tout. L'accordéoniste fait sonner les mots comme des objets en volume, elle souffle sur les braises, s'enflamme sans se brûler. La complicité des deux filles fait plaisir à voir.
Dans la salle, je reconnais des visages perdus de vue depuis dix ou vingt ans, parfois plus. Il y a aussi des jeunes qui découvrent des univers d'avant et d'avant avant, joués comme si c'était demain. La musique n'a pas d'âge. La chanson est éternelle.