Je devrais m'arracher les cheveux, mais ils sont beaucoup trop courts pour pouvoir les attraper. La société Violet m'a demandé de fabriquer de nouveaux jingles pour dal:dal, une boule de cristal qui fait de la lumière et produit des sons comme Nabaztag, mais qui ne parle pas. J'avais déjà livré il y a plusieurs mois des sons midi à intégrer dans la puce interne, les douze heures de l'horloge avec variation de timbres pour chacune d'elles et des chimes pour ses humeurs. Le casse-tête réside dans la nécessité de rendre explicites les services en préservant l'identité du nouvel objet communicant et sans paroles. Par exemple, la météo doit exprimer le temps qu'il fera ; on peut toujours imaginer quoi faire pour le soleil, la pluie et l'orage, mais comment rendre la neige, les nuages ou le brouillard ? Pire, je dois suggérer la température ! Un autre exemple, le trafic sur le périphérique : la densité de la circulation doit pouvoir se comprendre, mais je dois aussi respecter le côté "cool" de dal:dal, donc pas question de faire des bruits d'embouteillage ! De toute manière, mon idée n'est pas d'être réaliste, mais d'imaginer une transposition poétique, en sons, des services programmables par l'utilisateur. Et me voilà donc à chercher une logique globale, une palette sonore, qui colle à l'objet et ses fonctions, que ce soit la qualité de l'air ou les cours de la Bourse...
J'obtempère pour une transposition musicale avec des instruments plutôt "new age", enfin avec moi c'est une façon de parler, en misant sur l'apprentissage progressif des codes, un peu comme les jeux de lumière avec lesquels Antoine jongle de son côté. Cela ne m'empêche nullement d'essayer d'évoquer toutes les nuances qu'énumère le cahier des charges. La flûte collera bien à la météo, les arpèges de harpe à la Bourse, le trombone et le cor d'harmonie pour le trafic, un hautbois pour la qualité de l'air, des claviers de percussion pour le réveil et des sons de percu sans hauteur déterminée pour le reste, envois et réception d'emails, de contenu, Twitter et tutti quanti. Ensuite il faut que je trouve les effets particuliers à chaque instrument pour rendre le plus explicite possible les réponses de dal:dal aux interrogations de l'utilisateur, du glacial à la canicule, de l'arrêt complet au fluide, etc. J'embrasse dans le même élan la vue d'ensemble et le traitement de chaque signal. C'est tout un équilibre.
Au fur et à mesure que j'enregistre, les sons s'articulent les uns avec les autres, l'ensemble trouve sa logique, et les premiers tests commencent à me rassurer. Cet exercice périlleux exigera encore que mon travail plaise à mon interlocuteur. Je mise sur le fait qu'Olivier Mével est un chef d'entreprise visionnaire ayant su insuffler de la poésie à ses créations technologiques. Je dois chaque fois assimiler toutes les données du cahier des charges, les tacites et celles que l'on a oublié de me fournir mais que je me targue de subodorer ! Chaque objet, comme chaque projet, obéit à sa propre logique. Il n'est pas question de le laisser ressembler à un autre, car c'est dans sa spécificité que résident les enjeux et les solutions.
Pour le son de bienvenue qui ne joue qu'une seule fois à la première utilisation de l'appareil, je choisis de rappeler la musique que j'ai composée pour les clips vidéo de Nabaztag et Mir:ror (pas encore en ligne), histoire de donner un air de famille à tous les objets Violet. Simplement j'ajoute un effet de sparkling stick aux arpèges du glockenspiel, en d'autres termes j'essaie de faire pétiller les lames du métalophone en mixant une piste suraigüe désynchronisée à la mélodie principale, me rapprochant ainsi de l'idée initiale.
Il ne suffit pas d'imaginer, il faut trouver la solution pour faire basculer les rêves du côté de la réalité, ou du moins les rendre crédibles.