dimanche 15 mars 2009
L'axe z
Par Jean-Jacques Birgé,
dimanche 15 mars 2009 à 07:30 :: Perso
Les abscisses et les ordonnées m'ont longtemps fait rêver, avant que je ne connaisse l'axe z de la 3D. Zoom ou travelling, c'est la distance du photographe à son modèle. Ne me cantonnant pas aux claviers, j'apprécie les instruments de musique qui me font faire des gestes amples dans l'espace, Theremin, AirFX, Beam, KaosPad, percussions, rhombes... Mais c'est l'angle et la distance au centre qui m'intéressent.
Ici l'à-plat d'Aperture a transformé Scotch en culbuto. Cela m'étonnerait qu'il accepte ce rôle très longtemps. Je l'épingle illico pour ne pas le perdre. Je fais une petite boule avec le papier du chocolat en aluminium. Ensuite il se débrouille tout seul pendant que je suis occupé à jouer avec des lettres.
Je ne classe aucune de mes photos, espérant que la chronologie suffira à me faire retrouver ce dont j'aurai besoin. Mes tirages papier sont dans un fouillis inextricable. La plupart des négatifs ont été séparés des tirages. Plus moyen de s'y retrouver. Ce sont les seuls séquelles absurdes d'une séparation douloureuse. Lorsque je veux illustrer un billet, je compte sur le hasard. Revoici le troisième axe ! Mais encore faut-il savoir l'orienter. Je courbe les abscisses, fléchis les ordonnées. Rien n'est droit. Tous les chemins serpentent. J'entends des oreilles siffler autour de moi. À quatre pattes je m'arrête pour trier quelques vieux papiers. Certains sont jaunis, effacés par le temps, d'autres brillent un peu trop, ils me font honte. On reconnaît encore bien les jeunes gens et les jeunes filles qui sortent du carton. Mais le temps, porté par une sorte de quatrième axe, réorganise les photons, tantôt avec tact, tantôt avec la plus grande brutalité. Je réfléchis à l'avenir de ces traces. Dois-je les disperser, les léguer, les figer dans leur légende ? L'accumulation révèle la distance parcourue. Les conditions atmosphériques ne peuvent fixer aucun instant privilégié. Raviver les souvenirs ? À la vue de certains, mon esprit s'embue.
Aujourd'hui, Scotch fera comme tout le monde. Il réécoutera Bashung et encore Bashung. Tout s'explique.