mercredi 9 décembre 2009
Il n'y a pas d'amour heureux
Par Jean-Jacques Birgé,
mercredi 9 décembre 2009 à 00:24 :: Humeurs & opinions
Une amie me fait part de sa dépression en invoquant son hyper-lucidité. On le serait à moins, à regarder la planète se laisser épuiser par les profits à court terme, l'inexorable exploitation de l'homme par l'homme, la barbarie des états ou le cynisme des puissants. Mais à contempler nos enfants, on peut aussi se dire que le monde leur appartient et qu'ils n'ont pas moins de ressources que nous n'en avions à leur âge. Le combat ne peut souffrir aucun répit, dans la construction de notre équilibre comme dans la résistance à ce qui nous est souvent présenté comme inéluctable. Notez que j'évite soigneusement le concept du bonheur, repensant à la réponse d'Aragon à qui l'on reprochait d'avoir écrit "Il n'y a pas d'amour heureux" (ici mis en musique par Brassens) ; le poète expliqua qu'il avait composé ces vers pendant l'Occupation allemande et qu'il aurait été un salaud de chanter le contraire.
Pierre-Oscar Lévy a réalisé un petit film passé clandestinement mardi soir sur Arte à 0h15 pour être certain qu'il ne fasse pas trop de vagues. La peur, toujours la peur. Celle de diffuser cette somme de questions légitimes à une heure décente ? Ou celle qu'entretiennent les médias, passés quatrième corps d'armée dans la lutte pour le pouvoir et la suprématie ? La peur est une arme de manipulation pratique, rentable et efficace dès que l'on souhaite enfumer la population. Lever des fonds militaires ou policiers, justifier l'agression de pays producteurs de richesses naturelles, forcer le vote sécuritaire, accuser l'ennemi de ses propres horreurs... Rien de mieux que la frousse pour galvaniser les foules, les aveugler ou les transformer en bêtes féroces. Et là, aucune autre bête ne leur arrive à la cheville ! Lorsque l'on dit que la peur est mauvaise conseillère, ne sont pas visés ceux qui en usent et abusent !
Pierre-Oscar Lévy se demande pourquoi communiquer massivement sur des agressions aussi rares que les attaques nucléaires ou chimiques. Les attentats sont le plus souvent commis avec des armes classiques ou bidouillées avec les moyens du bord, recettes de marchand de couleurs trouvables gratuitement sur Internet. Retraçant rapidement l'histoire de quelques attaques récentes et de l'usage des gaz mortels, il rappelle leur emploi massif dès 1915 pendant la première guerre mondiale (ypérite dit gaz moutarde, chlore, etc.)... Il n'y a de terrorisme que d'État, n'eus-je de cesse de répéter. À qui profite le crime ? Étrange comme le gouvernement américain a étouffé l'affaire de l'anthrax, par exemple ! Les groupuscules sont toujours noyautés et soutenus par tels ou tels services secrets. Et P.O.L. à son tour de l'exprimer : "Le contre-terrorisme ne commence-t-il pas à se confondre avec le terrorisme et la terreur ne finit-elle pas prendre la pensée en otage ?" Il ajoute prudemment : "Seule l'histoire pourra en juger..." en susurrant que "le risque terroriste ne fait plus la une depuis la crise financière" ! Sur son blog, un lecteur lui reproche de ne pas révéler qui tire les ficelles. Et P.O.L. ne répondre judicieusement : "C'est mon deuxième film sur le terrorisme, j'ai pu comprendre que lorsque l'on croit savoir une chose, très précisément, c'est qu'on a été manipulé..."
Je ne souhaite pas vous faire peur, mais il ne reste plus que cinq jours pour voir ou revoir les 28 minutes du film De l'usage politique des armes de destruction massive sur le site d'Arte, malencontreusement attribué à un autre réalisateur (?) et antidaté... Le film est évidemment de 2009.