Wolf Ka m'a demandé d'écrire un petit texte pour le dossier du Poème symphonique pour 100 vélos que nous souhaitons créer en 2010.
Composer pour 100 vélos est un rêve d'avenir, porteur d'espoir d'une réappropriation humaine de la ville. C'est d'abord composer pour 100 cyclistes amateurs, étymologiquement ceux qui aiment se promener sur deux roues à la découverte d'autres paysages. Les miens sont sonores. Ils sont aussi mobiles, la symphonie se répandant dans l'espace grâce à la chorégraphie de Wolf Ka. Ces déplacements produisent eux-mêmes les sons des instruments imaginés avec le luthier Sylvain Ravasse. L'orchestre est constitué de flûtes qui prennent l'air, de cornemuses dont la poche est cachée sous la selle, de rayons frottés, de sonnettes accordées, de percussions cycliques, tout un monde inouï suggéré par nos balades. Et les cyclistes qui se croisent et tournent en rondes, pétaradant comme des gamins facétieux tels des clowns musiciens ou fendant l'air sur leurs montures customisées, dessinent un poème symphonique. Ils racontent ce que pourrait être la ville, dialoguant avec les oiseaux, recomposant l'espace urbain avec leur corps, mollets alertes, oreilles au vent et le cœur en bandoulière.
Compositeur et cycliste urbain, je ne pouvais que sauter de joie à la proposition de Wolf Ka de composer pour 100 vélos. Après les 100 métronomes de Ligeti et mes 100 lapins de Nabaz'mob dirigés avec Antoine Schmitt, le chiffre magique nous fait diviser l'orchestre en 10 familles d'instruments. La simplicité et la particularité de chaque appareil fabriquent une complexité inattendue. Les déplacements assurent à la partition un renouvellement constant, plein de surprises. Les sonorités inouïes des instruments fabriqués par Sylvain Ravasse lui apportent humour et poésie. Mon rôle consistant à organiser la symphonie dans le temps et dans l'espace, ce qui pouvait paraître archaïque se révèle visionnaire et futuriste. Au-delà de l'œuvre se dessine la ville de demain.