jeudi 21 janvier 2010
Le bureau des pleurs
Par Jean-Jacques Birgé,
jeudi 21 janvier 2010 à 00:12 :: Perso
J'aurais bien aimé écrire un article rigolo ou évoquer les films d'Albert Dupontel dont nous venons de voir le court-métrage et ses trois premiers longs métrages, mais j'ai du mal à me concentrer avec les tracas qui m'occupent depuis une semaine.
Tout a commencé par un impayé. Nous aurions dû toucher le solde de notre dernier spectacle à l'issue de la dernière représentation, fin décembre, mais on nous apprend ce soir-là que les chèques sont toujours postés pour le 10 de chaque mois. C'est pourtant notre client qui a rédigé les termes du contrat ! Comme je n'ai pas de nouvelles le 12, je tente de joindre la responsable qui est partie en vacances jusqu'au mois prochain. Qu'importe, il suffit de s'adresser à la comptabilité qui, tiens tiens, ne retrouve pas notre dossier. Depuis sa villégiature, notre correspondante a la gentillesse de nous rappeler, mais c'est pour nous annoncer que le chèque est parti le 4 et qu'il a été encaissé. Vérifications, suspicions, enquête. La comptabilité revient sur ses allégations en démentant l'encaissement et réclame une lettre de désistement de ma part. J'insiste pour recevoir un accusé de réception de cette missive, deux jours de plus ! Il faudra encore attendre je ne sais combien de temps pour que l'on nous envoie un "second" chèque. Ce sont déjà trois semaines gagnées pour notre débiteur !
Au bureau des pleurs, j'ajoute que je travaille sans contrat depuis trois mois sur un autre projet pour lequel j'ai peu de retour bien que des bruits circulent de la satisfaction qu'apporte ma musique. Je dois composer une nouvelle partition par manque de précision de la partie adverse alors que j'ai accepté un prix d'ami. Les fantasmes de mes interlocuteurs sont tels que je reste exceptionnellement bloqué devant la tâche. Il n'y a pas de situation plus démobilisante que la sensation que mon travail ne plaira pas. A contrario il n'est pas de meilleure exhortation à l'excellence qu'un environnement serein où je peux donner libre cours à mon imagination sans me poser d'autres questions que celles relatives à l'œuvre qui se construit.
Les délires kafkaïens d'UPS n'arrangent pas les choses. Bloqué en vain lundi, je reçois un message m'informant que je vais recevoir une carte postale parce que mon nom n'est pas précisé pour la livraison !!! Il faut 48 heures pour reprogrammer un nouveau passage, et rebelote, je reste aussi penaud mercredi malgré les promesses qui m'ont été faites. N'envoyez jamais rien par UPS, c'est chaque fois une énorme galère. Alors, que nous réserve aujourd'hui ? J'espère mieux commencer la journée qu'hier matin où j'ai heurté mon petit orteil pour la énième fois. Cela va pourtant déjà mieux de l'avoir écrit, et pardonnez si je vous barbe, mais tout cela flatte si bien mon côté obsessionnel.
Heureusement, j'ai composé un truc "world" assez monstrueux pour un projet post-colonialiste que nous essayons de sortir des ornières. Je continue à m'entendre à merveille avec Antoine qui planche sur le nouvel objet communicant de la sympathique équipe qui a inventé Nabaztag, ainsi que sur notre nouveau spectacle intitulé Mascarade... Étienne Auger vient de terminer la page web consacrée à la mise en ligne de notre scratch vidéo interactif Machiavel, j'en parle bientôt, promis... Nicolas est trop occupé pour attaquer le graphisme de mon nouveau site, mais je compte sur lui à la prochaine éclaircie ! J'ai donc enregistré hier l'introduction générale de 2025 à cloche-pied. La musique arrache bien. Ça décape. Monter le son à tue-tête me fait l'effet d'une purge intellectuelle.
Quant au cas Dupontel, sorte de Keaton contemporain qui aurait décidé de faire la peau des cinémas français et américain réunis par leurs tics en toc, il mériterait mieux qu'une conclusion. C'est drôle, intelligent, incisif, original, voire cinématographique, et cela fait oublier les journées de merde. Nous n'avons pas vu le dernier qui vient de sortir, Le vilain, mais de Bernie à Enfermés dehors en passant par Le créateur c'est de mieux en mieux. La fidélité d'une équipe montre qu'une aventure est aussi marquée par l'ambiance chaleureuse qui l'anime. Me viennent à l'esprit Cassavettes, Vecchiali, Lelouch, Straub et Huillet, Fassbinder, Sorrentino... Ici on repère Boukhrief dans la garde rapprochée (Dupontel joue le rôle principal de l'excellent Le convoyeur), plus Terry Gilliam et Terry Jones en guest stars ! Il y a une vie du cinéma après que les lumières se soient rallumées.