Panne sèche
Par Jean-Jacques Birgé, lundi 15 février 2010 à 00:38 :: Pratique :: #1622 :: rss
Il fallait bien que cela arrive un jour. C'est comme la bouteille de gaz qu'il faut toujours changer au moment du dîner. Autant que ce ne soit pas dans un moment de panique lorsque l'on est pressé. La panne tournerait au cauchemar. J'avais décidé de réattaquer la numérisation de mes archives, cette fois pour mettre en téléchargement gratuit des inédits d'Un Drame Musical Instantané à l'occasion de la réactualisation du site, prévue pour début avril. J'ai été bloqué net par l'entraînement du magnétophone à bande. Courroies détendues ? Points de graisse figés, étalés dramatiquement au-delà de leurs limites ? Pour entretenir la bonne santé de ce genre d'appareil, il faut les faire tourner régulièrement, ce que je ne fais pas assez souvent. Le pire, c'est que les deux autres 4 pistes sont à peu près dans le même état critique. Les 8 pistes ont depuis longtemps disparu du studio, mais j'ai absolument besoin des 2 pistes, 4 pistes et lecteurs à cassette pour relire et copier la foule de bandes originales accumulées avant l'ère numérique. Cela commence par des problèmes de rembobinage et dégénère rapidement vers un pleurage qui n'a rien à voir avec la vitesse ajustable du PR99. Il ne me reste plus qu'à espérer que Mélison ou Scoop aient une solution pour les pièces de rechange. J'avais passé pas du temps à nettoyer à l'alcool le chemin encrassé par le résidu magnétique de bandes vieilles d'un demi-siècle. Les particules se collent sur les têtes et filtrent le son. Mais là, je suis aussi stupide que devant un moteur automobile.
J'avais retrouvé quantité d'inédits : Socialize, un album entier issu de la mise en musique du film muet L'argent de Marcel L'Herbier ; la longue série des Poisons en trio ou en quartet avec la chanteuse Tamia ; des commandes des chorégraphes Karine Saporta et Jean Gaudin ; d'autres pour des films ; les remix du Drame par Thurston Moore, Le Tone, Yoshihiro Hanno, Aki Onda ; des concerts, des pièces de théâtre musical et des ciné-concerts ; deux créations radiophoniques de plus de trois heures ; un enregistrement du K en public avec Daniel Laloux ; notre adaptation de Let My Children Hear Music de Mingus en trio ; une pièce de John Cage ; une quinzaine de chansons et autant d'inédits des plus grands compositeurs joués au piano par la jeune prodige Brigitte Vée, sans oublier le raton-laveur. Nous sommes peu de chose face à une technique que l'on ne maîtrise pas. Ici, en plus, on risque la perte de mémoire. Dimanche aurait dû figurer une journée de pause avant de remonter dans le train en marche. Mais le passé traîne les pieds. Beaucoup plus encombrant à négocier que l'avenir, il se rappelle à notre bon souvenir pour exprimer qu'il n'est pas aux ordres. On peut tout inventer, mais pas faire marche arrière. Les courroies ou les points de graisse ? On sait rêver de jours meilleurs quand le passé ne propose qu'un travail de deuil. Le soir, le gaz est tombé en panne.
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Désactivés, mais...
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