jeudi 15 avril 2010
Ascenseur !
Par Jean-Jacques Birgé,
jeudi 15 avril 2010 à 00:00 :: Pratique
Ma nièce devait avoir trois ans lorsque sa maman lui demanda d'appeler l'ascenseur. Prenant la chose à cœur elle cria de toutes ses forces : "Ascenseur !".
Quelques années plus tard, elle fera comme tout le monde, elle appuiera sur le bouton. J'avais douze ans à mon premier voyage aux États Unis quand je découvris qu'il n'y avait pas de treizième étage. On passait directement du douzième au quatorzième. Trois ans plus tard, le liftier nous emportait directement jusqu'à l'appartement improbable que l'on nous avait prêté sur un toit de Manhattan, encombré de Moore et de Calder ! Dans l'ancien hôtel de chasse de Richelieu de la rue Vivienne j'empruntais le vieil ascenseur en bois verni pour monter au troisième où mes parents louaient une partie d'un meublé au-dessus d'un cercle de jeu, rue Léon Morane notre rez-de-chaussée en gravier aggloméré escamota la cabine, rue des Peupliers je préférais l'escalier qui allait toujours plus vite à un âge où l'on monte quatre à quatre et où l'on saute des demi-étages, route de la Reine notre neuvième nous épargnait la grimpette sauf les jours de panne, rue du Château notre jeunesse nous rendait forcément paresseux, rue de l'Espérance j'avais pignon sur rue, l'ascenseur du boulevard de Ménilmontant était beaucoup trop capricieux pour être pris autrement que lorsque nous étions chargés... Anh-Van s'est d'ailleurs retrouvé coincé dedans au mois d'août avec personne dans l'immeuble. Il avait calculé combien de jours il pourrait tenir en buvant son urine. Les ascenseurs m'ont toujours fait penser à des cercueils en route pour les étoiles ou les ténèbres, un sous-marin renversé, une cellule pas si moderne. Le mari de Claudette avait eu le temps de sauter avec sa môme avant qu'il ne s'écrase en bas...
Ces pensées se télescopaient tandis que je quittais le magnétiseur. En général, je grimpe avec et redescends sans, sauf si je transporte mon Brompton. Habitant une maison à quatre niveaux, j'ai l'impression de vivre en abscisse et ordonnée pour entretenir ma santé. Si un jour je construisais quelque part un ascenseur je voudrais qu'il soit suffisamment grand pour en faire une pièce à part entière, chambre ou petit salon avec vue sur la nature ! Mais rien de tout cela ne vaudra jamais le garçon d'ascenseur des Galeries Lafayette de mon enfance, annonçant les rayons à chaque étage, dont celui des jouets... Et Bourvil de chanter en 78 tours, sa mélodie suivant les aller et retours : "Ça monte toujours en l'air, puis ça redescend en bas !"