lundi 26 avril 2010
Ni dieu ni maître
Par Jean-Jacques Birgé,
lundi 26 avril 2010 à 01:22 :: Musique
Je craignais être le seul parano à voir le show du Dictateur. Un master of ceremony américain galvanisait la foule des spectateurs, plagiant les trucs des prêcheurs évangélistes pour entraîner les petites brebis dans la transe. Homme orchestre sans instruments, mais avec pédales d'effets sur sa voix et sur les rythmiques préenregistrées plus sub-basses si affinités. J'ai trouvé une paire de boules Quiès au fond de ma poche, probablement d'un précédent festival. Dan Deacon ressemble à un moniteur du Club Med, mais à l'américaine ! Le rituel est super en place, signes de connivence avec les plus partis, démagogie 100% coca, les bidouilles lumineuses bricolées et les bras levés me faisaient penser à Metropolis. C'est packagé maxi concept par un gros américain chauve qui se trémousse à mort, pressé par la foule sur le plancher-même de la danse. Quasi freudien ! On comprend bien les catastrophes qu'ont pu produire sur les foules le timbre d'une voix, une intonation particulière, éclairés par les ors des jeux du cirque.
Politiquement tout le contraire de ce que nous racontons avec notre opéra. Les 100 lapins gardent même une distance avec la partition qui ne laisse place à aucun centralisme, fut-il démocratique ! Ni dieu ni maître. Sans faire tout ce bruit. Pianissimo comme à chaque représentation, la meute questionne l'organisation du chaos et l'abandon du contrôle. Belle représentation quasi acoustique avec seulement quatre microphones pour reprendre l'ensemble. Lorsque l'on nous demande si ça va, nous répondons que nous nous adaptons. La salle hyper réverbérée nous convenait mieux qu'à un orchestre avec batterie comme Turzi, du Pink Floyd noisy joué avec fougue par des "génération techno". Comme cela se passait dans le palais du Parlement c'était bourré de flics en uniformes, ce qui n'empêchait pas de jeunes Bucarestois de s'envoyer dans les airs à deux pas avec de la locale.
Autre ciel promis, trois jeunes prostituées attendaient les hommes seuls à la réception de l'hôtel. Le cliché Europe de l'Est finit par réduire le paysage. S'il n'y avait les responsables du festival on pourrait croire à une carte postale délavée. Leur dynamisme et leur gentillesse font oublier certains aspects surréalistes de notre voyage. J'ai fait un grand sourire aux filles pour décliner l'invitation, mais j'ai pensé au travail, au leur, deux airs, tandis que je montais m'éclater en tapant sur mon clavier au lieu d'aller me coucher.