samedi 10 juillet 2010
Partout j'écris ton nom
Par Jean-Jacques Birgé,
samedi 10 juillet 2010 à 01:44 :: Révélations (coll.)
Écrire, toujours écrire. Chaque jour, tous les jours. S'il n'y avait qu'ici, mais là aussi. Jouer avec les mots ou les sons échappe aux lassantes habitudes. Mon amour pour l'écriture finit par se savoir. En vérité, j'improvise. Ma main ne m'obéit même pas. Elle revnerse les lettres. Sommes-nous tous dyslexiques ? Les idées tricotent. Les bulles de savon éclatent en frôlant la portée. Les clefs perdues, je rentre par la fenêtre. L'assurance se nourrit de la commande. Courte, elle se construit phrase après phrase. Conséquente, l'intro - trois parties - conclusion mène le bal. Ça sonne aux abonnés absents. Le regard perdu sur la ligne bleue des Vosges. Oiseaux devant, oiseaux derrière, peu d'automobiles, autant d'avions, insecte, un autre, encore... Dix lignes pour hier soir, quatre ou cinq feuillets pour début d'août, le nouveau projet pour la semaine prochaine, les comptes, les chèques, signer ou faire signer ? Je passe d'un clavier à un autre. Le merle est revenu. À l'instant ! C'est la fête. Je me demandais.
Si Vincent Segal ne m'avait pas raconté qu'il adorait Fra Angelico, lui aurais-je proposé d'enregistré le playback du Couronnement de la Vierge ? Sur la basse recopiée trois fois, il ajouta la seconde voix. Je n'aurais plus qu'à poser un instrument à vent sur la corde à linge de ses violoncelles. À la recherche de trompettes célestes, j'ai ressuscité le bugle de Bernard Vitet cryogénisé il y a plus de vingt ans dans le S1000. Différents timbres. Mes mains font ce qu'elles peuvent. Je ne pense qu'au sens, à l'émotion que la scène me procure. Enregistré dix prises successives, pratiqué des élisions chirurgicales jusqu'à ne garder que l'essentiel. Sonia y entend de la bienveillance. C'est ma manière de traiter avec le sacré. Idem avec La Vierge aux rochers de Vinci. J'ai demandé à Elsa de la jouer comme Edith Scob dans La voie lactée de Buñuel, comme si elle chantonnait en faisant la vaisselle. "Ne te rase pas mon fils, la barbe te va si bien !". Elle est tendre avec les bambins, bienveillante. Un coup de vent, un ru, je noie sa voix dans l'écho de la grotte (et non pas...). Je n'ai pas pu m'en empêcher. Comme l'illustration de l'article !
Traiter avec l'histoire de la peinture, c'est se coltiner un paquet de bondieuseries. Sans foi, on s'invente sa loi. Pour y arriver, je me glisse souvent dans la peau de l'artiste, je pense à son salaire, au délai qu'il lui fallut respecter, au refus de ses commanditaires, au scandale que sa plume ou son pinceau provoquèrent... À condition de pouvoir jouer sur les deux tableaux, auteur ou sujet, le système d'identification fonctionne aussi bien en musique qu'au cinéma ou au théâtre. Je prends l'accent de mes modèles pour voyager dans le temps.