dimanche 18 juillet 2010
Flûte alors
Par Jean-Jacques Birgé,
dimanche 18 juillet 2010 à 01:39 :: Révélations (coll.)
Embarqué dans une activité musicale monomaniaque, j'ai de plus en plus de mal à écrire sur autre chose. Vient s'ajouter la crainte de lasser mes lecteurs/trices à en détailler le menu, discours de la méthode que je tente de renouveler chaque jour puisque je me suis fixé de traiter chacun des vingt-deux tableaux de manière radicalement différente. Saurez-vous décrypter le sens caché de ce qui peut, au premier abord, paraître des modes d'emploi ? Dans cet autoportrait en creux, j'espère toujours que l'anecdote ou l'exemple seront suffisamment éloquents pour susciter une critique, une réflexion, ou bien livrer quelque astuce, pour que l'on n'en reste pas à la description rudimentaire de ma tambouille faussement technique !
Aussitôt dit, aussitôt fait, j'ai enregistré les deux pièces pour flûte. Très tôt, j'attaque le Portrait de l'artiste en costume oriental avec la flûte basse en PVC construite par Bernard. Je m'époumone dans son tube de 2 mètres avec une section de 3,5 cm. Cinq prises de 4 minutes chacune plus tard, je crée un espace plausible pour la scène, mais je réverbère la mélodie rythmée accompagnant le chien pour lui donner un effet artificiel, comme si c'était un avatar rêvé du peintre. Pierre Oscar (admirant l'original au Petit Palais) m'apprend que l'animal a été ajouté dans un second temps. À la sortie des 101 dalmatiens en 1961, j'avais été marqué par la scène où les maîtres ont tous un chien qui leur ressemble. Ce phénomène d'identification se vérifie souvent. Si je joue Rembrandt très grave, son ironie devient explicite avec le rythme sur le chien, sujet majeur de la toile.
L'après-midi, j'essaie de transmettre l'érotisme d'Arearea (Joyeusetés) de Gauguin tout en soufflant comme si c'était la jeune fille. La rivière diffusée en playback dans le casque, je joue là aussi en regardant le film, ce qui n'est pas mon habitude, car en général je préfère mémoriser pour profiter des effets magiques du synchronisme accidentel. J'hésite un peu, j'ânonne tout en conservant l'émotion. Je voulais utiliser une petite flûte en bois, mais Pierre Oscar insiste pour que ce soit très doux. J'en sélectionne donc une en plexiglas que Bernard m'avait construite. En fait, c'est ma préférée. J'avais peur qu'elle fasse trop japonaise, mais en choisissant bien la tonalité j'espère m'être approché de la sensualité fragile désirée.