Les mini-séries apparaissent comme de très longs métrages diffusés en plusieurs parties à la télévision américaine. De plus en plus de metteurs en scène de cinéma y viennent, attirés par des formats et une liberté que Hollywood ne permet pas. Si Boardwalk Empire initié par Martin Scorcese est un ratage à l'image de tous ses deniers films, Mildred Pierce de Todd Haynes, qui se passe dix ans plus tard en pleine Dépression, soulève d'intéressantes questions sur le statut des femmes, aujourd'hui comme hier, comme il l'avait déjà abordé avec Safe et Loin du paradis. Fidèlement adapté du roman de James M. Cain, également auteur du facteur sonne toujours deux fois, Haynes s'affranchit de la magnifique version de 1945 de Michael Curtiz avec Joan Crawford en confiant le rôle omniprésent à Kate Winslet et en creusant pendant quatre heures trente les fantasmes de la classe moyenne et le malaise de la "femme au foyer" dans un mélodrame qui rappelle Douglas Sirk et Fassbinder.


Vouloir le meilleur pour ses enfants les gâte souvent, tout en leur fournissant le moyen de s'éloigner quand le but était de se les attacher. Le conflit entre la mère et la fille interprétée adulte par Evan Rachel Wood naît de leur émancipation à toutes deux. La lâcheté des hommes est un handicap qui ne leur facilite pas les choses, que ce soit Bert l'ex-mari de Mildred, l'ami de la famille Wally Burgan ou le playboy Monte Beragon, respectivement interprétés par Brían F. O'Byrne, James LeGros et Guy Pearce. Seules sa voisine (Melissa Leo) ou les serveuses de son restaurant montrent une véritable solidarité avec elle.
Le film prend son temps, les neuf ans du drame se déroulant au fil des cinq parties produites par HBO (ce ne sont pas des épisodes comme dans les séries proprement dites). La musique est un peu trop illustrative, à l'image de la reconstitution historique soignée, sauf lorsque Veda, la fille de Mildred, s'acharne sur son piano ou, mieux, lorsqu'elle chante l'Air des Clochettes de l'opéra Lakmé de Léo Delibes, dont les paroles réfléchissent parfaitement son désespoir à elle, "fille de parias, rêvant de douces choses"... C'est bien le nœud de toute l'histoire, le désir d'ascension sociale que le statut de femme rend d'autant plus complexe. Et les meilleures évocations historiques prennent tout leur sens à la lumière de notre actualité.