Par Jean-Jacques Birgé,
lundi 31 octobre 2011 à 00:02 ::Cinéma & DVD
Formidable coup de projecteur sur la production cinématographique du Canada, l'ONF met en ligne près de 2000 films en accès libre, documentaires, productions interactives, films d'animation et de fiction. Pour couronner le tout une application gratuite pour iPhone ou iPad offre le même panorama avec la possibilité de sauvegarder pour 48 heures son choix de manière à le visionner plus tard hors ligne.
La recherche est très claire, par genre, format, année, durée, par sujet ou cinéaste. Des chaînes virtuelles proposent des thématiques : biographies, arts, classiques, jeunesse, espace vert, grands enjeux, animation, les inclassables, tour du monde, histoire, peuples autochtones, HD et même 3D à condition de posséder les lunettes adéquates. La production canadienne est exceptionnelle, des films d'animation de Norman McLaren aux documentaires de Claude Jutra, Gilles Groulx, Pierre Perrault, en passant par maintes fictions à l'accent québecois très apprécié par les "Français de France" ! J'ai trouvé ainsi des documentaires de Denys Arcand, d'autres sur Robert Lepage, des dessins animés dont je gardais d'excellents souvenirs comme Le chat colla... / The Cat Came Back de Cordell Barker que l'on peut savourer en français ou en anglais. Un simple clic sur le nom du réalisateur permet de découvrir ses autres films. Et grâce au champ "Recherche" j'ai trouvé plusieurs films mis en musique par René Lussier ou Jean Derome. Le catalogue complet compte 13 000 productions auxquelles on aura seulement accès par abonnement.
En ce moment l'opération Code-barre, fruit d'un partenariat avec Arte, présente 100 films réalisés par 30 réalisateurs sur les objets qui nous entourent ; chaque film conte l'histoire de l'un d'eux. Il suffit de présenter son code-barre devant la webcam de son ordinateur ou entrer son code chiffré pour lancer la projection. On peut aussi tout simplement taper son nom et le court-métrage démarre !
Par Jean-Jacques Birgé,
vendredi 28 octobre 2011 à 04:15 ::Cinéma & DVD
Désagréable impression que de présenter sa carte au guichet en annonçant "Polisse !". Il paraît que le CNC (Centre National du Cinéma) n'en délivre plus. La perte de conscience politique et l'affaiblissement syndical y sont probablement pour quelque chose. J'ai fini par faire plastifier la mienne qui s'en allait en charpie.
J'avais aidé Elsa à faire des copies CD à vendre à l'occasion du concert d'Odeia le 2 novembre aux 3 Arts. C'était l'usine, tous les Mac réquisitionnés, la mise en pochette, etc. On a terminé juste à temps pour que je dévale la colline jusqu'au Cin'Hoche.
Ayant beaucoup apprécié Pardonnez-moi et Le bal des actrices, je suis toujours aussi emballé par le troisième long métrage de Maïwenn. Mis à part le sujet, le quotidien de la Brigade des Mineurs, et une direction d'acteurs absolument magistrale, la réalisatrice a de la suite dans les idées. La fiction nous plonge dans un univers documentaire où la manière de filmer des comédiens au sommet de leur art est carrément jubilatoire. À part les rôles principaux tenus par Karin Viard, Marina Foïs, Joeystarr, Nicolas Duvauchelle, Jérémie Elkaïm, Karole Rocher, Sandrine Kiberlain, Frédéric Pierrot, Riccardo Scamarcio, Emmanuelle Bercot (co-scénariste), Maïwenn elle-même (témoin discrète), etc., on a l'impression que nombreux personnages sont directement sortis de la rubrique des faits divers, comme si la mise en scène ne s'embarrassait pas de la vérité, illusion entretenue par nombreux documentaristes et adaptateurs, pour ne privilégier que la crédibilité. J'entends la phrase de Cocteau qui me guide souvent : ne pas être admiré, être cru. En outre, le sujet, pédophilie et maltraitance, sans préjugé de classe, éclabousse toute une société dont les cadavres emplissent les placards, et l'image de la police va à contre-courant de celle donnée par les tenants du tout sécuritaire. Qu'il est agréable de se sentir impatient de voir la suite des œuvres d'une cinéaste sans que ce soit par accoutumance (je fais référence aux séries américaines qui finissent par s'essouffler après avoir connu leur âge d'or) !
En rentrant j'ajoutai quelques photos du catalogue de l'exposition Mémoires du Futur à mon article de lundi dernier et un widget offrant d'acheter directement sur iTunes mon roman La corde à linge édité par publie.net. Qualité d'Internet de pouvoir corriger ou actualiser le passé sans avoir besoin d'apporter de démenti ou de continuer à propager des bêtises.
Par Jean-Jacques Birgé,
jeudi 27 octobre 2011 à 06:26 ::Musique
Lorsque les lumières se sont éteintes l'harmonium jouait déjà, seul, sans personne sur la scène. Juste un drone grave. Ève Risser et Antonin-Tri Hoang sont entrés très vite pour attaquer lentement le thème du chef d'œuvre de Carla Bley, Escalator Over The Hill. À genoux sur un coussin et assis sur un minuscule tabouret, les deux musiciens affirment de but en blanc le rôle de l'enfance chez les futurs adultes, a fortiori des créateurs. Plus loin, le mange-disques, le piano-jouet ou le pop-corn se mêleront aux instruments de la pianiste et du souffleur. Le carillon de cloches multicolores, qui tourne sur la platine d'un électrophone en plastique, fut le premier instrument offert à Antonin bébé ! Les petites madeleines parsèmeront ainsi tout le set, à commencer par le programme, J.-S. Bach, Györgi Ligeti, Aphex Twin et Carla Bley, quatre compositeurs hétéroclites choisis pour ce duo par Daniel Yvinec, le directeur artistique de l'ONJ dont font partie tous les musiciens de cette seconde soirée DixCover(s) à la Dynamo. Les deux garnements s'en donnent à cœur joie, insufflant humour et émotion à leurs interprétations originales. Le piano préparé de Ève et les slaps d'Antonin décapent les vieilles cires, le clavecin électrique et l'orgue transposent le passé de quelques octaves, le duo à quatre flageolets remet le choral de Noël à sa place, la flûte traversière de l'une et la clarinette basse de l'autre participant à cette kermesse surréaliste où la déconstruction tient lieu d'édifice, où les rôles s'inversent comme on se prête ses déguisements, où le plaisir du jeu gagne les spectateurs qui retombent en enfance tandis que le final explose en un tintamarre d'automates livrés à eux-mêmes, la musique d'aujourd'hui croissant sur les ruines insensées et encensées de l'Histoire de les musiques.
La seconde partie confiée au saxophoniste Matthieu Metzger et au bassiste-claviériste Sylvain Daniel paraîtra quelque peu potache après ce feu d'artifice. Comme leurs camarades avaient proposé leurs propres versions d'Anatomy of a Murder de Duke Ellington ou Dark Side of the Moon de Pink Floyd lors de la première session de DixCover(s), ils transformeront le Sign 'O' the Times de Prince en musique de baloche sans assumer pleinement le potentiel sexuel du héros de Minneapolis. Comme c'est souvent le cas chez nos musiciens, un travail sur la mise en scène des concerts apporterait la classe internationale qui manque la plupart du temps aux artistes français en renforçant la part du rêve, jouissance régressive du public venu la partager.
P.S. : extraits vidéo présentés par Daniel Yvinec sur le site de l'ONJ.
Par Jean-Jacques Birgé,
mercredi 26 octobre 2011 à 00:36 ::Cinéma & DVD
Attention, spoiler dans le premier paragraphe ! Pour les non-anglophones, un spoiler révèle l'intrigue en gâchant le plaisir de la découverte, ce que j'évite d'habitude...
Dans l'entretien que Thelma Schoonmaker livre en bonus au sublime film de son mari, le cinéaste Michael Powell, et de son éternel coéquiper Emeric Pressburger, elle passe totalement à côté de l'impact féministe des Chaussons rouges. Elle ne voit dans le suicide de l'héroïne que l'intégrité absolue de l'artiste alors qu'il s'agit aussi du sacrifice que les hommes exigent des femmes. Le producteur-metteur en scène Lermontov accule sa danseuse étoile à la mort, plutôt que de la laisser vivre sa double vie, de femme et d'artiste. Son mari, le compositeur Julian Crasner, ne respecte pas plus la carrière de sa femme en ne privilégiant que la sienne. La dévotion à l'art au détriment des individus est clairement analysée par Powell & Pressburger. Ils montrent aussi comment les hommes s'arrangent entre eux, le producteur achetant le silence du compositeur à qui il suggère de renoncer à faire valoir ses droits lorsqu'il est honteusement pillé par son professeur. Le ballet des Chaussons rouges est une métaphore de l'emballement des protagonistes et de l'inéluctabilité du processus.
La somptuosité du Technicolor de Jack Cardiff retrouvé grâce à la restauration du nouveau master, l'interprétation exemplaire de Moira Shearer (la mère aveugle du Voyeur, mais qui se pensait danseuse plutôt que comédienne) et Anton Walbrook (le "bon" Allemand du Colonel Blimp) et la construction dramatique ont influencé nombreux cinéastes américains tels Martin Scorsese (Thelma est la monteuse de tous ses films depuis Raging Bull), Francis Ford Coppola, Brian de Palma ou George Romero. Darren Aronofsky s'en est largement inspiré pour son Black Swan, "cliché machiste de l'univers de la danse assez tape-à-l'œil" tranchant avec la maestria des deux Britanniques.
Pour les amateurs de ballets classiques Les chaussons rouges est le must absolu, d'autant qu'y dansent Leonide Massine, chorégraphe des Ballets Russes de Diaghilev, et la danseuse étoile Ludmila Tcherina, artiste polymorphe très atypique. Le DVD édité par Carlotta offre également deux documentaires, une évocation américaine redondante du tournage et une analyse réussie du ballet par Nicolas Ripoche, réalisateur maison, plus la comparaison par Scorsese du film avant et après restauration.
Par Jean-Jacques Birgé,
mardi 25 octobre 2011 à 00:31 ::Multimedia
Sur son blog du Tiers Livre, l'écrivain François Bon, fondateur de publie.net, écrit un article intitulé Choisir, acheter une liseuse qui suscite maint commentaire. J'y vais de mon témoignage sous le titre À chaque œuvre correspond un support, et réciproquement :
En 1987 je produisis L'hallali d'Un Drame Musical Instantané, un des premiers CD-audio en France, parfaitement adapté à de la musique "contemporaine" (j'y mets des guillemets alors que sa nature non-académique devrait m'en dispenser). Le silence du numérique, sans frottement de surface, et son bruit de 0 et de 1 suscitèrent la pièce Une passion dévorante que nous n'aurions jamais composée autrement. Les journalistes me remerciaient gentiment, désolés de n'avoir pas encore le matériel pour l'écouter. Un an plus tard les CD avaient remplacé les vinyles, ce qui n'était pas forcément génial, chaque support possédant ses avantages et ses inconvénients.
En 1999 lorsque nous avons créé le CD-Rom Alphabet de nombreuses personnes ont eu envie d'acquérir un ordinateur pour pouvoir jouer avec. Enfin une œuvre qui plaisait aussi aux filles et qui ne s'encombrait pas de limites d'âge, en amont comme en aval. Le contenu fit vendre le support. Seuls les fabricants de hardware profitèrent de l'aubaine qu'apportaient ces objets rêvés, les sociétés d'auteurs ne sachant pas leur imposer d'apporter leur obole ! On en est toujours au même point.
Aujourd'hui publie.net m'offre d'inventer un nouvel objet, littéraire cette fois, mais audiovisuel toujours. Le roman La corde à linge peut se lire sur toutes les liseuses. Pourtant les photographies qui font partie intégrante du récit (l'image qui commence chaque nouvel épisode provoque le texte qui la suit, qui à son tour suscite celle du suivant) sont en couleurs. Sur toutes les liseuses, disais-je, mais, pour l'instant, seul l'iPad permet de jouir des sons qui accompagnent ou ponctuent la lecture (80 minutes de musique pour la plupart inédite, d'ambiances sonores et d'effets ponctuels). Des petits "players" sont disséminés dans le texte ; à chacun de les déclencher ou pas, comme il l'entend. Certains passages agissent tels des pauses musicales prenant le relais sur le texte proprement dit. Le plaisir du livre de lire à son rythme est préservé. Les amateurs de miniatures peuvent également profiter de cette version augmentée sur un iPhone (c'est mon cas).
À savourer confortablement sur l'iPad de ma compagne les productions Hors Collection de publie.net réalisées par mes confrères et consœurs je comprends qu'un de ces jours le contenu va générer l'achat d'un nouvel objet de consommation. Qu'il soit de culture fait passer la pilule de son coût. Je pourrai en profiter allongé en attendant une version amphibie qui sera beaucoup plus adaptée à ma pratique. Si l'iPad est l'idéal à mes yeux d'auteur, il est néanmoins plus cher qu'une liseuse à encre numérique. Il a néanmoins l'avantage de posséder mille autres qualités qui le rangent au rayon des couteaux suisses, objet insurpassable que je découvris à huit ans.
P.S. : il aurait été honnête de préciser que ce jour-là, mon anniversaire, j'ouvris les six lames en même temps et me coupai. J'en tirai la conclusion qu'il est merveilleux de faire trente six choses de sa vie, mais qu'il est prudent de n'en faire qu'une à la fois. Précepte que je n'ai pas toujours suivi.
Par Jean-Jacques Birgé,
lundi 24 octobre 2011 à 00:01 ::Multimedia
Mémoires du futur, à La Maison Rouge à Paris jusqu'au 15 janvier, dessine le portrait du collectionneur Thomas Olbricht, en nous épargnant les spécialités obsessionnelles que ses semblables accumulent jusqu'à l'indigestion. Il fait se côtoyer des œuvres anciennes depuis le XVIe siècle et des pièces si contemporaines qu'elles n'auront pas le temps de figurer dans le catalogue, construisant un labyrinthe dialectique où chaque pièce renvoie à une autre. Ce jeu de kyrielles ou pensées-valises obéit au besoin instinctif de se faire peur. Car là où l'artiste aime souvent provoquer son public le collectionneur agit ici comme s'il cherchait à se provoquer lui-même, choisissant des thématiques dans des univers extrêmement variés, de la métaphysique aux formes les plus récentes de la représentation. Les amateurs d'art abstrait en seront pour leurs frais, on nage dans la figuration sans craindre les plus actuelles, mais les sentiments et réflexions qu'elles produisent nous renvoient à notre tour à des interrogations qui dépassent le statut de l'art dans une société qui a perdu ses repères jusqu'à promouvoir tout et n'importe quoi sans plus aucun discernement. Le choix du commissaire de l'exposition, Wolfgang Schoppmann, se comprend dans les synapses conscients ou inconscients que chaque œuvre produit avec les autres.
Le cabinet de curiosité exposé dans l'une des salles est le modèle de l'ensemble, petit échantillon de la collection qui comprend 2500 pièces quand seulement 150 sont présentées ici, ce qui est déjà considérable à assimiler tant la richesse des occurrences permettra à chacun de suivre son petit chemin. En sélectionnant nombre de vanités et de memento mori ("souviens-toi que tu vas mourir"), photographies de crime ou portraits tordus, merveilles de la nature et représentations grotesques, le collectionneur semble chercher à éprouver ses limites, le "jusqu'où on peut aller trop loin" cher à Cocteau. En plein accrochage il ne cessait d'apporter des pièces toutes fraîches, le nombre daté de 2011 est incroyable, échos les plus contemporains à ses trouvailles les plus anciennes. Mémoires du futur affirme la généalogie, la constance, l'universalité, l'enracinement face à l'éphémère et à la mode.
Cela n'empêche pas Damien Hirst, David La Chapelle, Pierre et Gilles de figurer aux côtés de Dürer, Abraham Jansz. van Diepenbeeck, Frans Pourbus ou de Jake et Dinos Chapman. Les cadres noirs des Plaster Surrogates d'Allan Mc Collum font face aux portraits robots de Super Us (NY) de Maurizio Cattelan. Les rhinocéros se déclinent d'une gravure de 1563 de Conrad Gesner à la boîte ionesquienne de Charles Matton en passant par quelques naturalia. Des portraits de femmes hyperréalistes (Franz Gertsch, Marlene Dumas), fantasmés (John Currin, Désirée Dolron) ou torturés (Eva Aeppli, Cindy Sherman, Dawn Mellor) se répondent. Et partout rôde la mort, angoisse génératrice que l'art tente sans cesse d'apprivoiser, de l'installation grotesque Sex I des frères Chapman inspirée par Goya aux peintures de Marc Quinn ou Daniel Richter mettant en scène la sauvagerie des hommes, authentifiée par les photos de presse de Robert Capa ou Eddie Adams. Les œuvres conceptuelles de Kitty Kraus ou Claire Fontaine interrogent la collection comme Georges Condo, Julie Heffernan, Wolfe von Lenkiewicz, Marianne Gartner ou le vidéaste Antoine Roegiers l'histoire de l'art.
La salle du Kunst und Wunderkammer (cabinet d'art et de curiosités) est exemplaire des motivations qui ont guidé les choix du collectionneur, véritable theatrum mundi tentant d'embrasser tous nos tourments et émerveillements via naturalia, artificialia, scientifica et exotica. Le sapin de Rebus de Giampaolo Bertozzi et Stefano Casoni est orné de boules en céramique avec des scènes du Kamasutra. Un crocodile empaillé pend au plafond. La sphère d'Alastair Mackie est formé de crânes de souris. Le corps écorché Homeostasis de Liza Lou faisant face au mur est recouvert de minuscules perles de verre, rose chair et rouge sang. Plus loin, la collection de crânes (Hirst, Sherman, Chapman, Cattelan, René Wirths, Kris Martin, Carolein Smit, John Isaacs...) dominé par le Christ en néon d'après Goya de Kendell Geers dresse un pont entre le passé et le futur.
Au sous-sol règne l'unheimliche freudien, une inquiétante étrangeté qui ne nous surprendra guère après ce que nous avons vu plus haut. Gregor Schneider a posé par terre des mannequins cauchemardesques. Le gentil dessin animé de Nathalie Djurberg tourne au sordide. Les mutations génétiques de Patricia Piccinnini interrogent notre avenir.
Vouloir tout se rappeler est une autre vanité. Tempête sous mon crâne. J'imagine l'intégralité d'une telle collection comme si le monde pouvait y entrer tout entier, pareille à la fin de Citizen Kane où l'amas de caisses rappelle une gigantesque agglomération de gratte-ciel. Mémoires du futur est un portrait en creux du collectionneur que l'on découvre dans l'intimité de ses choix, traduit en un jeu de lois suffisamment personnelles et variées pour qu'elles nous parlent à tous.
Par Jean-Jacques Birgé,
vendredi 21 octobre 2011 à 00:18 ::Humeurs & opinions
Depuis quelques temps la question de la mort est réapparue au moment de m'endormir ou parfois au réveil. Question sans réponse que Charles Ives accompagne tandis que je louvoie. L'angoisse n'a que peu d'intérêt tant la peur de mourir oblitère le temps de vivre. S'y complaire c'est lâcher la proie pour l'ombre. La plongée dans l'abîme est peine perdue. Chaque mort qui survient me rappelle que je suis vivant ; lorsque les mauvaises nouvelles s'éteindront c'est que mon tour sera venu ; j'en arrive à souhaiter en connaître d'innombrables.
Ayant longtemps dit que je préférais l'enterrement à l'incinération, je me rends compte que cela n'affectera que celles et ceux qui me survivront. À moi peu me chaut. Je ne suis sûr de rien, mais certain que les versions en vigueur chez les croyants ne tiennent pas la route. Le calcul de probabilité ne joue pas en leur faveur. Si je ne crois pas, je ne sais pas non plus. Accepter l'inconnu comme conceptualiser l'infini, plus ou moins, tendrement, tendre vers plus ou moins l'infini. Les mathématiques sont d'une aide précieuse.
Lorsque je sens monter le vertige de l'inconnu je m'imagine illico à Sarajevo fin 1993. C'est dans la ville assiégée que j'ai résolu mon problème avec la mort, c'est du moins ce que je feins de croire. En quelques secondes mon cœur reprend un rythme régulier et le calme le dessus. Je me souviens. On pouvait mourir à n'importe quel instant. Il suffisait que l'obus tombe ici plutôt que là. En me projetant dans le passé j'entends qu'aucun obus ne vient s'abattre où je suis, ici, maintenant. Mon heure n'a pas sonné. Il est trop tôt pour s'inquiéter et si je vis assez vieux j'espère m'en aller tranquillement, rassasié. La mort fait obstacle à ma curiosité, cet appétit de vivre et d'apprendre, une boulimie suspecte qui brûle les stops et confond l'utile et le vain dans l'accumulation.
Aux jeunes gens je répète qu'il est trop tôt pour s'en inquiéter. Encore qu'avec les vieux ils sont les seuls à traverser la rue sans regarder. Les uns ont fini par s'en fiche, les autres n'en ont pas encore conscience. Sauf accident ce n'est pas dans l'ordre des choses. La mort est parfois injuste lorsqu'elle est prématurée ou douloureuse, mais toutes et tous sont égaux devant elle. J'espère que l'on meure lorsque l'on en a marre de vivre. L'angoisse qui montre le bout de son nez vient peut-être des rares moments où je suis fatigué. Comme des signes avant-coureurs. Quand mon corps se relâche et que je n'ai plus envie de penser. La course contre la montre, entendre qu'on la montre, ne mène nulle part, ici ou ailleurs. Et le spectre de se fondre dans les mots.
Par Jean-Jacques Birgé,
jeudi 20 octobre 2011 à 08:39 ::Musique
Le film de Pierre Oscar Lévy, Un monde dans tous ses états, dont l'auteur est Hubert Védrine, sera diffusé sur Arte le 21 février 2012. J'ai d'abord évoqué les enjeux quant à la composition musicale, puis raconté les séances d'enregistrement. Pierre Oscar en a envoyé quelques extraits vidéo à Hervé Nisic pour sa saga Nos vies. En marge des propres choix de Pierre Oscar Lévy pour son film, il ne me restait plus qu'à réécouter les rushes pour construire un nouvel album, qui constitue la 85ème heure de musique en écoute et téléchargement gratuits sur le site drame.org !
Voici donc 23 morceaux de musique souvent symphonique enregistrés avec Antonin-Tri Hoang (sax alto, clarinette, clarinette basse et piano) et Vincent Segal (violoncelle). J'avais préparé quelques pièces pour orchestre, le séquenceur déclenchant des instruments virtuels, et programmé les machines de manière à avoir un orchestre au bout des doigts et pouvoir improviser avec mes deux camarades. J'ai également utilisé le Tenori-on, des guimbardes, un rhombe, mon violon et ma trompette à anche, mais j'ai surtout cherché à retrouver les effets imaginés si le budget avait permis d'enregistrer comme prévu avec un véritable orchestre symphonique, probablement dans un pays de l'Est ! Antonin et Vincent se sont inspirés de ce que j'avais déjà écrit et nous avons passé deux jours exquis en compagnie de Pierre Oscar qui jubilait dans son coin en prenant quelques photos.
Pour faciliter les choses, garder la santé et avoir la conscience tranquille j'ai proposé que nous signions à trois toute la partition comme je l'ai presque toujours fait depuis mes débuts. L'appât du gain affecte considérablement la création lorsque la situation n'est pas claire pour tous les participants. Le succès d'une œuvre tenant parfois à un détail, il est plus juste de partager avec ceux qui vous ont déjà fait le cadeau de leur inspiration et de leur créativité. Le résultat est là, avec les débuts avec Birgé Gorgé Shiroc, trente-deux ans d'Un Drame Musical Instantané et tous les projets collectifs dont ce dernier qui me permet d'envisager de nouvelles collaborations pour d'autres musiques de film par exemple. B.O. vient s'ajouter à mes 25 disques déjà parus et aux 32 albums virtuels du site.
Par Jean-Jacques Birgé,
mercredi 19 octobre 2011 à 07:43 ::Musique
Non, ce n'est pas une partie de tennis. Dans le désert de la production discographique actuelle, entendre l'absence d'émotion forte, se pointent coup surcoût les albums de deux divas, Björk et son attirail technologique, Camille dans la simplicité des cordes, vocales et quatuor. Remettre sa peau en jeu à chaque nouvelle mue n'est pas chose facile pour un artiste. Camille étale la fraîcheur d'une jeune maman quand Björk, plus jamais femme-enfant, se dissimule derrière une fausse simplicité et la raideur contraignante de ses mécaniques. Plus l'on vieillit, plus il devient difficile d'inventer. Les racines d'une œuvre, enfouies dans l'enfance, se révèlent généralement à l'adolescence pour se décliner de manière de plus en plus lâche à l'âge adulte. Se remettre en question exige de rechercher les intentions initiales sans crainte de déplaire. Le public est sévère lorsqu'il imagine qu'un artiste reproduit les mêmes effets parce qu'il est vénal alors qu'il cherche seulement à faire plaisir à celles et ceux qui l'ont aimé. C'est ainsi que l'on s'encroûte et que l'inspiration s'évade ! La maternité, ou pour certains la paternité, aide à retomber en enfance tout en nous plaçant face à nos contradictions. Camille en joue et en jouit merveilleusement. Comme la compositrice Hélène Sage s'en était fait l'apôtre, elle s'enregistre dans des lieux aux acoustiques particulières, dans la rue, des églises et plus banalement en studio, jusqu'à ce que nous visualisions les ondes dans l'espace. Là où Björk, coincée entre une instrumentation redoutablement raide et un concept aux prétentions scientifiques, trace des formes rectilignes Camille dessine des courbes élégantes de sobriété. Si l'on avait oublié la puissance inventive de la chanteuse islandaise on pourrait se laisser porter par son timbre unique, mais la déception est flagrante. Pas une chanson ne vient nous hanter lorsque tout est fini. J'ai déjà évoqué ici son application pour iPad, mais cette valeur ajoutée ne fait que révéler le manque d'inspiration musicale et l'absence de groove. Faire swinguer les machines est pourtant un enjeu excitant, c'est même le seul qui trouve grâce à mes yeux si l'on ne veut pas être le jouet des robots que nous croyons contrôler. Björk est malheureusement devenue un carré emphatique, un cube dont toutes les faces ont fini par se ressembler. En comparaison Camille (site) est une boule, une planète où les continents dérivent les uns vers les autres sans se cogner.
Laissons donc Biophilia pour le Ilo Veyou de Camille. Aujourd'hui, naïf a capella, fait un peu peur avant que la musique ne reprenne le dessus sur l'essoufflement de l'émotion. C'est certainement le disque à offrir à toutes les jeunes mamans. L'étourderie qui suit est le tube mignon dont les radios seront friandes. Camille est créditée du chœur d'enfants de Allez allez allez où elle semble interpréter elle-même tous les rôles. La ballade Wet Boy accompagnée par la guitare de l'heureux papa, Clément Ducol, précède deux autres chansons en anglais, She Was et Mars in No Fun, avant Le berger tendrement médiéval et Bubble Lady dont les bulles annoncent l'enfant impatiemment attendu. Ilo Veyou qui donne son titre à l'album (articulation personnelle de I Love You) est du Camille pur jus, second tube prévisible. Suivent deux facéties rétros, Message et, plus encore, La France, canular déconnant qui rappelle La vieille chanteuse de la "cousine" Claire Diterzi sur Tableaux de chasse (dont on attend le prochain album avec impatience, l'espoir d'une autre surprise). My Man Is' Married But Not To Me est rythmé par le piano préparé de Ducol comme Pleasure est travaillé au corps. Le banquet, dédié à Sophie Calle, sait se moquer de la virilité avec l'humour qui colore l'ensemble, surtout marqué par l'amour. Tout dit (sic) renoue avec l'a capella dans la réverbération de l'Abbaye de Noirac.
L'édition limitée est accompagnée de "17 vidéos illustrant le disque" (Emi) tandis que celle de Björk ajoute trois morceaux paradoxalement les plus intéressants, même si là encore les rythmes mécaniques oblitèrent la pauvreté mélodique (Universal). Le film de 60 minutes (le CD n'en dure que 40) réalisé par Camille et Jeremiah, qui évite l'écueil de la succession de clips en resituant les chansons dans le quotidien de la jeune femme, est une version originale du projet, interprétée avec le naturel qui caractérise l'artiste.
Par Jean-Jacques Birgé,
mardi 18 octobre 2011 à 00:11 ::Musique
Il ne devait pas y avoir beaucoup de musiciens dans la salle du Grand Rex à avoir joué avec George Harrison, ni d'ailleurs avec Eric Clapton, l'ami très présent dans le documentaire que Martin Scorsese a consacré au Beatle tranquille George Harrison. Dans cette colonne j'avais raconté ces rencontres improbables qui me valent probablement d'avoir été gentiment invité lundi soir par le rédacteur en chef de Schnock et adjoint à Technikart, Laurence Rémila, pour la Première de Living in the Material World.
Ayant proposé à ma fille de m'accompagner, puisque George avait été aussi son Beatle préféré avec poster au-dessus de son lit d'enfant, nous avons passé ensemble une agréable soirée, malgré une première partie plutôt ratée avec Philippe Manœuvre en présentateur lamentable, la veuve et le fiston Harrison consensuels en tournée promo et neuf "jeunes" chanteurs français massacrant pour la plupart le répertoire du défunt. Le film durant 3 heures 30 on pouvait craindre le pire de ce genre qui alterne documents inédits et interviews saucissonnés dans le but d'élever une statue à l'artiste épinglé. Les précédents essais de Martin Scorsese consacrés à The Band et aux Rolling Stones ne m'avaient pas emballé (je n'ai pas vu celui sur Bob Dylan).
Le mérite revient ici au monteur David Tedeschi en charge de 600 heures de rushes, car l'évocation est plutôt réussie malgré quelques longueurs à la fin sur le mysticisme bon enfant de George. Le personnage ne se prenant pas pour un dieu comme beaucoup d'égéries pop, Living in the Material World peut en dégager la tendresse, l'humour et l'opiniâtreté. Le rythme des images et du montage son ne donne pas l'impression désagréable d'incessant coïtus interruptus, habituelle dans ces documentaires biographiques. Les témoignages sincères de Paul Mc Cartney, Ringo Starr, Yoko Ono, Patty Boyd, Olivia Harrison, Tom Petty, Phil Spector, etc., sont plus attendris qu'ils ne dispensent de louanges à tel point que l'honnêteté est le qualificatif le plus approprié, loin des révisionnismes en vigueur, sans tentation d'exhaustivité forcément réductrice ni révélation qui ne soit déjà répertoriée sur Wikipédia ! CD+DVD sortis hier chez Capitol.
Avant la séparation des Beatles j'avais aimé George Harrison parce qu'il était le plus expérimental des quatre, d'abord avec la partition du film de Joe Massot, Wonderwall Music, dont la variété d'inspirations résonnait avec mes propres aspirations, ensuite pour Electronic Sound entièrement réalisé au synthétiseur Moog, pas son plus réussi, mais le plus gonflé compte tenu de son image. Comme le formidable Revolution 9 réalisé avec John Lennon et Yoko Ono sur le disque blanc, ces incartades surprenantes m'indiquaient que l'on pouvait s'autoriser toutes les libertés, quitte à déstabiliser son public et ne pas chercher le succès à tout prix ! Plus tard je rachetai l'incontournable coffret All Things Must Pass en réédition CD, mais je lui dois surtout d'avoir participé à mon entrée à l'Idhec. Réalisant mon enquête sur les dévots de Krishna pour le concours d'entrée à l'école de cinéma, je rencontrai George Harrison jusqu'à l'accompagner à l'harmonium chez Maxim's comme évoqué plus haut... Je me souviens d'un homme calme et attentif, étouffé par le succès et ses fans hystériques, en quête de lui-même dans un monde matériel où chacun doit vivre avec ses contradictions...
Par Jean-Jacques Birgé,
lundi 17 octobre 2011 à 00:03 ::Pratique
J'en ai repris trois tranches, mais les mots ne sont pas venus. Comment exprimer l'émotion gustative ressentie en savourant le saucisson acheté sur le marché de Florac cet été ? S'il en reste assez pour la photo aujourd'hui c'est bien que je le mange avec la plus grande parcimonie, comme la relique d'un temps révolu que l'on voudrait durer toujours.
Trois tranches, ce n'est pas raisonnable lorsque l'on souhaite maigrir. Trois tranches, c'est trop ou pas assez lorsque l'on cherche les mots. La première éblouit le petit déjeuner, comme un flash irradiant, émotion inattendue. Pour accompagner le pain de campagne aux effluves de foin et aux couleurs d'automne. La seconde est expérimentale. Pour convoquer les adjectifs, mais quels termes utiliseraient les grands cuisiniers ? Je reste aussi sec que le saucisson. Avec juste ce qu'il faut de gras pour mixer la salive à la viande en une savante émulsion dont le parfum remonte au cerveau via les chémorécepteurs. Comme chaque carré de chocolat en appelle un autre, la troisième tranche est inévitable. Toutes mes espérances résident dans cette ultime tentative. Hélas j'ignore tout de cette langue que je ne parle pas et qui ne sait s'exprimer seule. Longtemps après je lui laisse faire le tour du palais dont les parois sont recouvertes de l'humus adoré. À force de salive ma chair reprend le dessus sur celle du porc. Une odeur de fumée. Un sucre animal. Le sel de la vie...
Quelles épices secrètes le petit producteur a-t-il ajoutées ? La femme qui fabrique artisanalement sa charcuterie tient stand sur la place carrée, dans l'allée qui monte à gauche lorsque l'on tourne le dos à la rue où sont situés un magasin de spécialités gastronomiques pour touristes et un bio qui sert de dépôt au grand livre de Mika. Ses tréteaux sont recouverts d'exquises terrines qui nous tiendront de pique-nique sur la route du retour des vacances. Je n'ai pas mangé d'aussi succulents saucissons depuis la fuet catalane dont je rapportais des chapelets en fraude.
Devant mon incapacité à décrire, à partager mon émoi, les questions me donnent le vertige. Par quel miracle manger produit-il tant de plaisir, cet envahissement total de la conscience qui submerge toute autre pensée ? L'orgasme gustatif est-il la manifestation d'une autre régression ? Lorsque nous étions enfants et que mes parents rentraient du spectacle mon père venait nous embrasser en nous demandant ce que nous voulions; j'avais l'habitude de marmonner en dormant "un grand verre de lait avec une rondelle de saucisson !" ; ou bien il faisait passer la chose au-dessus de mes narines que je faisais frémir comme si l'odeur m'avait réveillé. Quel alliage magique fait la différence entre l'exquis et le commun ? Quelle culture s'y rattache ? Sera-t-on un jour capable de diffuser fidèlement les odeurs et les goûts comme on a su le faire avec les images et les sons ? J'ai encore sur les lèvres le goût sauvage de la dernière tranche. Elle en devient obsessionnelle. Invasive. Au point de devoir mettre un terme à ma quête. Ne plus ajouter un mot à cette description impossible. Sens unique.
Par Jean-Jacques Birgé,
vendredi 14 octobre 2011 à 01:09 ::Pratique
J'avais autre chose à faire qu'à passer la journée à mettre à jour mon iPhone. J'aurais pu faire semblant que je n'allais rien faire, me prélasser sur le divan, lire, siroter mon thé avant qu'il refroidisse, répondre aimablement aux sollicitations domestiques, je me raconte souvent ce genre de billevesée sans qu'Apple ne s'en mêle, mais là, que nenni ! J'aurais pu simplement travailler à l'un de mes nombreux projets, le concert de Strasbourg où Linda, Birgitte et moi allons convoquer les esprits lors d'une séance musicale de spiritisme devant trois mille étudiants au Musée d'Art Moderne, le design sonore des nouveaux objets Internet de Readiymate, le duo électoral avec Jacques Rebotier, une séance de trompette, mon second roman, mon prochain disque, ah oui, j'ai retrouvé mon entrain légendaire ! Mais, pauvre de moi, j'ai commencé la matinée si tôt, les yeux encore à moitié fermés, en mettant à jour le nouveau système iOS5. Mama mia (qui n'y entend rien et même se met en colère si on lui parle nouvelles technologies), j'aurais mieux fait de rester couché encore un quart d'heure, ç'aurait été déjà cela de gagné !
Il a fallu mettre à jour iTunes, faire une sauvegarde du smartphone, lancer la mise à jour proprement dite qui prend des plombes, mais cela ne s'est pas arrêté là, c'eut été trop beau. Pourtant tous les experts le savent, dès que l'on met le doigt là-dedans c'est tout le bras et le ciboulot qui y passent. Les dossiers dans lesquels sont rangées les applications étaient tout mélangés, il faut décliquer et recliquer certaines pour qu'elles acceptent de réapparaître sur l'iPhone, faire des tas de réglages dans les préférences, etc. Mon téléphone quittait dès que je voulais m'en servir, j'ai dû aller dans Réglages, puis Général, puis dans le menu Réinitialiser sélectionner "Réinitialiser les réglages réseau". Et resynchroniser je ne sais combien de fois après avoir résolu les contrariétés une par une. Franchement, à part le temps passé, cela valait le coup, je préfère le croire.
Le centre de notifications permet de paramétrer toutes sortes d'annonces y compris en mode verrouillé, iMessage d'envoyer gratuitement SMS, photos, vidéos, lieux et contacts à tout autre utilisateur du même système et recevoir des accusés de réception, le Kiosque de s'abonner automatiquement à journaux et magazines, Rappels à votre bon souvenir, Twitter intégré, prendre des photos avec le bouton de volume au lieu de mettre le doigt sur l'écran qui, lui, servira à mettre au point et choisir l'exposition, retoucher, on peut même synchroniser son truc en wi-fi et sans posséder d'ordinateur, plus de meilleures affichages de Mail et iCal, etc. Ce serait trop sympa si les bugs étaient absents de la nouvelle version, mais ce sera corrigé dès que les fous gueux auront essuyé les plâtres.
La nuit tombait déjà, il ne me restait plus qu'à aller faire couler mon bain et espérer passer une soirée de farniente. Mais ça c'est une autre histoire...
Par Jean-Jacques Birgé,
jeudi 13 octobre 2011 à 07:28 ::Multimedia
J'ai dû voler l'iPad de Françoise pour commander l'album interactif de Björk, en retrouvant ses codes, non sans mal, qu'elle avait oubliés !
Je partageais déjà le goût de Björk pour les instruments bizarres (AirFx, Tenori-on, etc.) et les produits dérivés qui font œuvre (en 1997 le CD-Rom Carton offrait un jeu interactif pour chaque chanson sur des images du photographe Michel Séméniako). Me voilà excité par ses variations interactives conçues pour la tablette graphique d'Apple. Car Biophilia me rappelle agréablement Alphabet, le CD-Rom que Murielle Lefèvre, Frédéric Durieu et moi-même imaginâmes en 1999 d'après le livre de l'illustratrice tchèque Kveta Pacovska et produit par les Japonais de NHK Educational. Pourtant, douze ans plus tard, les avancées techniques ne se voient guère. La souris a été remplacée par le toucher tactile, la 3D a pris son envol, l'élégant minimalisme sur fond noir de m/m remplace la palette de couleurs des jeux d'enfant, mais le même plaisir du jouet les anime. L'interactivité est enfin reconnue ! Dans notre "hit" (salué par plus de quinze prix internationaux) près de 50 tableaux interactifs animaient les 26 lettres de l'alphabet. Ici les compagnons de l'artiste islandaise ont imaginé 10 scènes, une pour chaque chanson. Pas de parano, j'aurais aussi pu citer Small Fish de Kiyoshi Furakawa, Masaki Fujihata et Wolfgang Munch de la même année ou d'autres œuvres de l'époque produites sur CD-Rom, dont le langage de programmation en lingo du logiciel Director reste inégalé.
Comme Alphabet, Biophilia a son propre univers, original et unique. Je teste ses tableaux un par un...
1. Selon la position des doigts sur l'écran, Thunderbolt fabrique des arpèges plus ou moins rapides. C'est rigolo, mais l'effet musical reste très limité.
2. Le clavier de lettres associées aux samples de Sacrifice rappelle évidemment les menus d'introduction d'Alphabet, mais tout autant le Piano Graphique de Jean-Luc Lamarque, dont j'apprends avec tristesse la disparition en janvier dernier, qui le créa en 1993 avant de l'ouvrir à d'autres artistes comme Nicolas Clauss et moi-même pour Sudden Stories. Sacrifice ne possède pas pour autant les ressources graphiques du piano de Lamarque.
3. Virus permet de faire bouger et multiplier les métastases du gameleste, croisement entre celeste et gamelan inventé par la chanteuse, et du hang, sculpture sonore en métal, mais l'objet reste raide et frustrant.
4. Mutual Core est aussi décevant musicalement. S'il permet de construire des accords selon l'ordre des strates, l'effet de résistance du matériau est loin d'égaler les expériences d'attractions-répulsions dont Durieu s'était abondamment servi pour rendre sensuels les objets virtuels que nous avions imaginés.
5. De même pour Hollow on préfèrera la version linéaire chantée avec les jolies animations de Drew Berry plutôt que de devoir taper comme des malades sur les enzymes, d'autant qu'un bug oblige à quitter l'application.
6. La harpe de Moon est un séquenceur un peu rébarbatif où l'on accorde chaque note séparément. J'avoue tester la machine pour les possibilités qu'elle offre réellement à l'interprète qui a acheté Biophilia et pour la qualité du résultat potentiel, la question pointant chaque fois la jouabilité et l'esthétique musicale produite.
7. Solstice, conçu par Björk, James Merry et Max Weisel, rappelle terriblement la boîte à musique programmable de la lettre Q, moins facilement contrôlable mais dans une déclinaison originale sur orbite planétaire. Elle oblige malgré tout à lire les instructions de jeu là où Alphabet était entièrement intuitif sans aucun mode d'emploi. Mais nous n'avions pas l'exquise voix de Björk !
8. Les clusters de Dark Matter me laissent sur ma faim, comme si l'application n'était pas terminée... L'image rappelle aussi FluxTune.
9. Enfin Chrystalline est un jeu de rapidité pour construire son propre cristal aux travers de tunnels infinis.
10. J'ai sauté Cosmogony qui anime joliment le menu cosmique principal de m/m.
Mais le projet de Björk (björk.fr) ne s'arrête pas aux jeux interactifs supervisés par Scott Snibbe. Le concept de l'album est une vulgarisation de l'état des sciences par la musique, la voix et l'animation graphique, une transposition poétique de l'univers et de la technologie. En plus de l'interprétation interactive où chaque utilisateur prend la main pour recomposer les rêves de Björk, sont proposées la version linéaire chantée plus deux animations type karaoké de la chanson, la première telle que livrée sur l'album, l'autre qui voit défiler graphiquement la chanson ("Animation") et permet de la rejouer instrumentalement ("Score") pour peu que l'on possède une interface midi ; sont évidemment joints paroles, crédits, plus les analyses musicales et caution scientifique de Nikki Dibben. Rien n'est laissé au hasard. C'est marketé de main de maîtresse, et puisque l'objet est aujourd'hui vénéré comme un culte j'ajouterai de main de prêtresse ! Malicieusement l'achat de l'album restera probablement indispensable à celles et ceux qui ont vraiment envie d'écouter la musique, plutôt pauvre en regard d'un chef d'œuvre comme Homogenic. Le feu d'artifice confère à l'Pad une aura qui pourra profiter à d'autres artistes des nouveaux médias, mais il ne peut cacher le manque d'inspiration flagrant de la chanteuse. Celles ou ceux qui ignorent ses premiers albums ou l'histoire des arts interactifs me trouveront peut-être sévère. L'expérience mérite pourtant ses 7,99 euros (sans compter les différentes déclinaisons du CD) !
Par Jean-Jacques Birgé,
mercredi 12 octobre 2011 à 01:27 ::Cinéma & DVD
Nous hésitons parfois entre un film de divertissement et une œuvre qui nous nourrisse. Tout dépend de l'heure et de l'humeur. En cas de fatigue nous aurons tendance à choisir une comédie, un polar ou un blockbuster qui vous prend en charge et vous déconnecte d'une journée trépidante, alors que d'autres soirs nous prenons notre courage à deux yeux pour regarder un documentaire, un drame, un muet, un film réputé difficile ou un a priori qui nous fait repousser la projection sans cesse à demain. Heureusement nous nous trompons souvent. Ainsi la série Borgia de Tom Fontana sur Canal + est aussi bavarde que la version avec Jeremy Irons et engluée dans un sirop musical qui nous empêche de réfléchir. J'en viens à me demander si la musique omniprésente au cinéma n'est pas une démarche politique pour nous abrutir en détruisant toute profondeur et ne laisser à l'écran qu'une surface bien lisse.
Dans Brève rencontre (1945) David Lean, dont Carlotta édite un coffret des premiers films, n'utilise la musique qu'en situation, comme Jean Renoir. La finesse de son analyse et sa maîtrise du montage révèlent son influence sur Michael Powell. Ses personnages, sortes de Monsieur ou Madame Tout Le Monde à qui rien n'est censé arriver, sont confrontés au désir de vivre autrement et à la nécessité de préserver celles ou ceux que nous aimons. Les femmes en particulier, écartelées entre une passion inattendue et les interdits sociaux, sont poussés à sacrifier la possibilité d'un rêve à la sécurité d'une vie stable. Sa comédie L'esprit s'amuse s'en affranchit mieux que ses mélodrames, de Heureux mortels (1944) à Madeleine (1950), peut-être parce qu'une fantaisie autorise à braver certains tabous. Excellent technicien, David Lean se banalisera avec la couleur en réalisant des films à grand spectacle tels Jivago ou Lawrence d'Arabie qui ne posséderont plus la finesse psychologique de ses débuts. Ce qui corrobore l'absurdité de nos choix le soir après dîner !
Au Cin'Hoche de Bagnolet, j'ai récemment vu trois films. Sean Penn en rock star décatie y est comme d'habitude formidable, mais There Must Be The Place n'est pas mon préféré de Paolo Sorrentino. Peut-être justement le travail sonore n'est-il pas à la hauteur des précédents ? Il se rapproche des Conséquences de l'amour dans sa torpeur patiente et son rapport à la vieillesse et à la mort. C'était de toute manière tellement mieux qu'avec L'Apollonide, souvenirs de la maison close de Bertrand Bonello avec lequel j'ai enchaîné dans la petite salle. Les actrices sont bien, le climat est juste, mais la paresse du scénario et les clichés me feront l'oublier au bout de 24 heures, si ce n'est l'utilisation branchouillée de musique actuelle qui me fait évoquer un syndrome Marie-Antoinette qui risque hélas de perdurer. La guerre est déclarée me fait osciller entre la déception prévisible et l'admiration envers la légèreté du traitement d'un sujet aussi pénible, la maladie d'un enfant. Malheureusement les clichés s'accumulent jusqu'à la séquence ralentie finale sur la plage, artifice que je n'apprécie que dans Appelez-moi Madame tandis que le travesti en robe de mariée court vers nous. Le film de Valérie Donzelli me rappelle plutôt Claude Sautet et la Nouvelle Qualité Française, une de mes bêtes noires. Là encore les morceaux musicaux choisis pour leur opportunité de sens me hérissent le poil devant tant de banalité.
Quitte à voir une bluette, Tomboy de Céline Sciamma est un film fragile et tendre qui nous laisse à nos réflexions lorsque la réalité reprend ses droits, quand la lumière se rallume. Au cinéma le silence laisse la place à l'émotion intime du spectateur plutôt qu'à celle que le réalisateur veut lui imposer. C'est pourtant à la diversité des interprétations que se reconnaît un chef d'œuvre. Meek's Cutoff nous endort, la rétrospective perso de Tom DiCillo nous laisse sur notre faim, celle de David Mamet nous fait passer le temps, mais deux films dits grand public retiennent notre attention. D'abord Death at A Funeral, le dernier Neil LaBute (remake d'un film britannique de 2007 !?), comédie burlesque et cinglante, qui a l'extrême mérite de dresser le portrait d'une famille bourgeoise afro-américaine sans insister sur ses origines raciales. Comme j'en parle à Jonathan Buchsbaum il me conseille Attack The Block, film anglais de Joe Cornish, une bande de voyous du sud de Londres aux prises avec une invasion d'aliens dans leur immeuble, drôle et punchy, qui donne pour une fois à de jeunes blacks le beau rôle. Intéressant de constater ici comment la musique générationnelle peut fonctionner avec tel film et figurer une insupportable manipulation dans d'autres... Ce film de science-fiction se rapproche plutôt des Gremlins et des autres œuvres de Joe Dante par ses sous-entendus socaux-politiques. Fortement recommandé aux quelques lecteurs qui pensent que j'ai souvent des goûts trop intellos ! Comme Les beaux gosses de Riad Sattouf dont nous craignions que ce ne soit qu'une grivoiserie potache avant que nos éclats de rire rincent la moquette... Il y a tout de même un temps pour tout.
Par Jean-Jacques Birgé,
mardi 11 octobre 2011 à 00:13 ::Multimedia
J'ai encore créé un objet qui ne ressemble à rien. C'est un livre qui se lit sur écran, dont les 47 photographies en couleurs font partie intégrante du récit et que le son vient éclairer d'un jour nouveau. D'une certaine façon ce premier roman pourrait aussi répondre à la dénomination d'un drame musical instantané !
Gwen Catalá a sué sang et eau pour en terminer la maquette. Le sang était thaï, l'eau bretonne, mais ne me demandez pas pourquoi, je l'ignore. Nous conversons par courrier électronique, communication de notre temps, tout comme La corde à linge naquit numériquement dans cette colonne. Mis à part le roman, le fait que l'objet vienne d'un blog et que chaque épisode commence par une photographie a tout de suite accroché François Bon qui s'est empressé de me répondre, chose inhabituelle dans le milieu de l'édition. C'est lui qui m'a poussé à ajouter du son, "un musicien comme vous !", et m'a suggéré de changer le titre. Je l'avais d'abord nommé Une étoile est sans ciel, jeu de mots un peu lourd m'obligeant à l'expliquer laborieusement chaque fois que je le prononçais ! La corde à linge se réfère au procédé d'écriture décrit dans l'introduction. Si le titre s'était rapporté au récit il se serait plutôt agi d'une corde pour se pendre ou du fil d'Ariane pour éviter de se perdre et revenir là d'où Max, le personnage principal, était parti. Quant au linge il ne s'est jamais cantonné à la famille. J'ai pris l'habitude de l'étaler au soleil, prenant le risque de dévoiler ses secrets. Voilà ce que c'est que d'en fréquenter du beau ! Pourtant non, le titre n'a rien à voir ni à entendre avec cette histoire.
Puisqu'il est numérique l'ajout de 80 minutes de son et de musique est une idée formidable, exploitant les capacités inédites de ce nouvel objet virtuel. J'ai toujours adoré les jouets technologiques. Je joue des synthétiseurs depuis 1973, l'année suivante nous utilisons la pause du cassettophone pour réaliser nos montages radiophoniques cut appelés aujourd'hui plunderphonics, sautons sur les premiers échantillonneurs comme sur les programmes informatiques de composition musicale dès leurs débuts, dans mon domaine je produis le premier CD en 1987, l'un des premiers CD-Rom d'auteur dix ans plus tard, la création de mon site remonte aussi à 1997, etc. Encore aujourd'hui, sans fétichiser l'outil, la moindre avancée technologique me pousse à imaginer des œuvres nouvelles jusqu'alors impossibles, ne délaissant pas pour autant les élucubrations plus roots à la Géo Trouvetout !
L'iPad, ou l'iPhone pour les amateurs de miniatures dont je fais accessoirement partie, est la plateforme idéale pour apprécier La corde à linge en son format ePub. Les sons et la mosaïque des images, qui permet comme la table des matières de sauter à l'épisode souhaité, seront par contre absents sur les autres tablettes numériques, format Mobipocket. Dans la version optimale sur iPad et iPhone (P.S. : ça marche aussi en streaming sur Internet sous navigateurs Safari ou Chrome), les sons sont optionnels ; on peut les jouer, les mettre en pause, les faire défiler, les rejouer, voire en wi-fi sur des enceintes distantes, et l'index des musiques renvoie directement au player correspondant. Chaque utilisateur peut choisir entre six polices de caractères, leur taille (très pratique pour les presbytes dont je fais maintenant partie) et la luminosité de l'écran. On peut rechercher un mot, insérer des marque-pages et, toujours sur l'application iBooks, le double-clic sur un mot ou groupe de mots offre de le copier, rédiger une note, surligner ou effectuer une recherche. La tirette qui apparaît au bas de l'écran permet de retrouver n'importe quel chapitre sur la ligne chronologique. Dans mon cas je préfère parler d'épisodes, ce qui correspond mieux à la méthode que j'utilisai pour écrire, ignorant moi-même ce qui allait se passer dans le suivant. J'ignore encore la nature de ce que j'ai écrit. Polar ? Science-fiction ? Politique ? Voyage initiatique ? Ou petite musique ?
Pour 3,49 euros, on peut tenter l'aventure ! Les éditeurs qui publient leurs best-sellers à des prix exorbitants, proches de ceux du papier, n'ont rien compris à ce nouveau mode de diffusion qui devrait plutôt profiter aux "produits de niche", comme la poésie ou dans mon cas, par exemple ! Publie.net représente le fer de lance de cette avancée, me poussant à lire plus souvent sur tablette des ouvrages que je peux facilement commander en ligne, réceptionner instantanément et emporter avec moi sans que cela pèse un âne mort.
Je tiens aussi à remercier celles et ceux qui m'ont aidé, Françoise Romand, Sonia Cruchon, Pascale Labbé, Antoine Schmitt, Philippe Blaizot, Vincent Segal (également violoncelle), ainsi que tous les musiciens présents sur la version sonore, Bernard Vitet (trompette), Sacha Gattino (clavier/échantillonneur), Birgitte Lyregaard (voix), Elsa Birgé (voix), Lol Coxhill (saxophone soprano), Brigitte Vée (piano), Baco (voix), Philippe Deschepper (guitare), Nem (platines), Lucien Alfonso (violon), Karsten Hochapfel (violoncelle), Pierre-Yves Le Jeune (contrebasse), Francis Gorgé (guitare) et Nicolas Clauss (ralenti).
Par Jean-Jacques Birgé,
lundi 10 octobre 2011 à 01:14 ::Théâtre
Je me souviens du rire à s'en étrangler de Georges Perec lisant à haute-voix un texte de Bobby Lapointe à la radio. Il aurait certainement été plié en deux à la mise en scène de L'augmentation qu'Anne-Laure Liégeois présente au Théâtre du Rond-Point à Paris. Je me souviens aussi de Sami Frey sur son vélo, mais la pièce de ce soir appartient à la veine plus caustique, moins nostalgique, de son auteur. Deux acteurs fantastiques, Anne Girouard et Olivier Dutilloy récitent mécaniquement « Ayant mûrement réfléchi ayant pris votre courage à deux mains vous vous décidez à aller trouver votre chef de service pour lui demander une augmentation...». La salle rit jaune. Vont-ils débiter ainsi leurs phrases en boucle ? La fantaisie critique d'Anne-Laure Liégeois est aussi huilée que la mécanique imperturbable du rouleau-compresseur de Perec. J'ai tellement ri que j'en ai oublié la dureté des bancs de la petite salle.
Trois heures plus tôt, nous assistions à Débrayage de Rémi de Vos, une autre mise en scène d'Anne-Laure Liégeois dans cette même salle avec les mêmes acteurs augmentés (façon de parler, quand vous aurez vu la précédente) de François Rabette, tout aussi remarquable. Les temps ont changé. En 1968 le pauvre salarié exploité rêvait d'une augmentation, aujourd'hui il est à la recherche d'un emploi ou risque de se faire virer. Devant le décor déprimant des alpages collés sur le mur du couloir, les trois comédiens affublés de diverses perruques interprètent chacun plusieurs rôles si pitoyables qu'ils en deviennent hilarants. Je me souviens d'Alec Guiness dans Noblesse Oblige, sauf qu'ici c'est Misère Oblige. Le monde du travail inspire Anne-Laure Liégeois, qui prépare d'ailleurs une troisième pièce sur le sujet, qu'elle traite chaque fois incisivement, malgré la tendresse pour ses personnages bafoués par la hiérarchie et l'exploitation dont ils sont victimes.
Supposons que vous hésitiez entre l'adaptation fidèle (dans les limites du texte), mais explosive dans sa mise en scène, de L’Art et la manière d’aborder son chef de service pour lui demander une augmentation (article de Christine Marcandier avec l'organigramme du texte !) et les quatre extraits et un inédit de Débrayage. Ou bien vous y êtes, ou bien vous n'y êtes pas. Si vous y êtes, enchaînez les deux, De Vos à 18h30, Perec à 21h (2 petites vidéos en ligne), "les deux peuvent être vus le même soir", je dirais même plus, l'ensemble fait sens et la montée en puissance est d'autant plus jouissive.
Illustration de Stéphane Trapier et photos de Christophe Raynaud de Lage.
Par Jean-Jacques Birgé,
vendredi 7 octobre 2011 à 09:40 ::Musique
Chaque sortie d'un nouveau disque de Frank Zappa, disparu fin 1993, pose la question de sa légitimité. À la soixantaine d'albums parus de son vivant s'ajoutent une grosse vingtaine de parutions posthumes sans compter les compilations thématiques gérées par La Famille (the Zappa Family Trust) dirigée par sa veuve Gail, raide comme le sont souvent les ayant-droits. Le compositeur américain conservait l'enregistrement de tous ses concerts et la moindre de ses expérimentations dans son bunker (The Vault) dont Joe Travers est le gardien. Tout était classé, étiqueté, commenté pour que le Maître du Château puisse monter à loisirs ce qui lui plaisait, mixant un solo d'une date avec l'accompagnement d'une autre, jouant de la colleuse comme il l'avait fait de sa guitare électrique. De ses archives colossales ne sortira jamais aucune révélation majeure qui bouleverse la connaissance que l'œuvre anthume n'ait apportée. Rappelons que longtemps la surprise fut la règle, du moins les premières années, chaque nouveau vinyle se découvrant totalement différent du précédent. Chansons caustiques, rock instrumental virtuose, pièces symphoniques, expérimentations électroniques participent autant au mythe Zappa que ses combats politiques et ses idées artistiques. Les albums posthumes peuvent démonter les œuvres en livrant leurs analyses documentaires ou leurs versions alternatives, mais, pour l'instant du moins, dans les limites stylistiques balisées. Feeding The Monkeys At Ma Maison, exclusivement vendu sur Internet par La Famille, est un CD entièrement réalisé au Synclavier, puissant synthétiseur-échantillonneur sur lequel Zappa enregistra la même année Jazz From Hell (1986) et que l'on peut déjà entendre sur The Perfect Stranger et Francesco Zappa (1984), comme sur les excellents albums posthumes Civilization Phase III (1994) et The Lost Episodes (1996). Si des versions très écourtées des pièces Buffalo Voice et Secular Humanism étaient déjà sorties sur Civilization Phase III, ainsi que quelques mesures de Worms From Hell sur la Video From Hell, les longues suites Feeding The Monkies At Ma Maison (le blogueur Dark Clothes suggère que le titre viendrait d'un tableau peint par John Alexander en 1985, rien à voir avec les sorbets en relief de la pochette Lenticular Lascivity) et Samba Funk sont des inédits. La musique se rapproche des pièces classiques de Zappa, immédiatement reconnaissables, mécanique timbrale avec cassure de rythmes, inspirée par Stravinski et Varèse, virtuosité que seule la machine est capable de rendre, mais que le compositeur s'évertuait à rechercher en dirigeant ses musiciens, parfois de manière quasi inhumaine. Le rapprochement avec les pianos mécaniques de Conlon Nancarrow est aussi inévitable. Le Synclavier est utilisé ici comme un orchestre virtuel avec transformations électro-acoustiques plutôt que pour créer des sonorités électroniques inouïes. Zappa réalisera la synthèse rêvée depuis sa jeunesse lors de sa collaboration avec l'Ensemble Modern, The Yellow Shark, juste avant de mourir. S'il avait souvent cité la phrase de Varèse "The present-day composer refuses to die" (le compositeur d'aujourd'hui refuse de mourir), on ne peut s'empêcher, à l'instar d'une de ses propres boutades (Jazz is not dead, it just smells funny / Le jazz n'est pas mort, il sent juste drôlement), de penser que les albums posthumes de Zappa exhalent tout de même un drôle de parfum qui n'est pas sans rappeler celui du billet vert.
Par Jean-Jacques Birgé,
jeudi 6 octobre 2011 à 00:03 ::Multimedia
Pour fêter son 10ème anniversaire Le Cube a choisi l'empathie comme sujet du premier numéro de sa revue en ligne. Le centre de création numérique a donc demandé 2000 signes à des artistes, universitaires, journalistes, psychanalystes, chefs d'entreprises liés aux nouvelles technologies.
La question était présentée ainsi : "Dans son dernier ouvrage « Une nouvelle conscience pour un monde en crise – vers une civilisation de l’empathie », l’économiste américain Jeremy Rifkin nous invite à repenser la société dans une approche aussi radicalement nouvelle qu’a pu l’être celle des philosophes des Lumières en leur temps. Il place l’empathie au cœur de ce projet, comme vecteur d’une nouvelle conscience biosphérique. Mais le psychologue Serge Tisseron, dans son ouvrage « L’empathie au cœur du jeu social », pointe notre faculté à renoncer si facilement à l’empathie alors qu'elle est si profondément enracinée en nous. D'où viennent donc les forces qui nous en éloignent ? Comment réveiller l’empathie pour penser global et agir local, et pour qu’émerge une conscience collective qui seule, selon Rifkin, peut nous permettre de relever les grands défis à venir ? Les nouvelles technologies peuvent peut être nous y aider, en suscitant de nouvelles dynamiques d’interaction sociale, de mutualisation des connaissances, de mémoire collective, d’expression participative… Mais elles peuvent aussi nous rendre plus égoïstes, indifférents et isolés dans les virtualités d’une société de l’image ou relation rime souvent avec consommation. Le numérique est-il une chance pour construire une société de l’empathie ? Comment ? La Revue du Cube vous invite à répondre à cette question."
Y ont répondu Sylvie Allouche, Étienne Armand Amato, Roland Cahen, Jean-Louis Fréchin, Don Foresta, Christian Globensky, Gaël Hietin, Michel Jaffrenou, Éric Legale, Yann Leroux, Vincent Lévy, René Licata, Yann Minh, Dominique Moulon, Joseph Nechvatal, Éric Sadin, Dominique Sciamma, Serge Soudoplatoff, Rémi Sussan, Serge Tisseron, Hugo Verlinde...
Si quelques uns tombent dans le panneau sur le mode "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil" dans le meilleur des mondes informatique, la passionnante contribution de Serge Tisseron démonte consciencieusement la mystification de l'économiste américain, en commençant par pointer la différence entre empathie, sympathie, compassion et identification. Mon humble texte d'humeur, reproduit ci-dessous, rejoint son point de vue sur la manipulation tentant de "nous faire croire que les technologies numériques augmenteraient les capacités empathiques de l’humanité" alors qu'elles "sont porteuses d’autant de menaces que de promesses".
Tout partager entre tous
Comme l’inconscient ignore les contraires, les outils peuvent servir le pire et le meilleur des desseins.
Le numérique rapproche les humains d’un bout à l’autre de la planète, mais il isole chacun face à son clavier. Avant de renvoyer les images, les écrans sont les miroirs de ceux et celles qui les saturent.
Qu’importe l’outil, il est nécessaire de fourbir nos armes si nous voulons changer le monde en évitant le pire qui se profile. Mais les multinationales qui façonnent et commercialisent hardware et software obéissent toutes aux lois de l’ultralibéralisme et de la dérégulation. Seul le détournement des objets qu’elles produisent laisse espérer un miracle, prise de conscience des peuples apprenant la manipulation dont ils sont l’objet, qui ne date pas d’hier (cf. religions, nationalismes, guerres…) et sans cesse remise au goût du jour (démocratie de façade, liberté surveillée…), avant la catastrophe.
S’agit-il pour autant de désirer et d’œuvrer dans le sens de l’empathie ? Devons-nous nous identifier à qui que ce soit, vibrer en sympathie avec les propositions de nouveaux gourous ou prendre en main notre avenir par une forme de démocratie directe, rapports de proximité aidant, saine utopie à l’encontre de la solution actuellement envisagée par les politiques les plus solidaires, un gouvernement mondial imposant une régulation totale des échanges de tout acabit ? Cette éventualité, pourtant non émise de gaîté de cœur, permettrait d’enrayer le phénomène entropique entraînant notre monde à sa perte.
Dans l’Histoire l’empathie n’a jamais échappé au pire. Il faudrait préciser qu’elle devrait s’exercer sans distinction de classe, de sexe et de culture (j’évite le mot « race » toujours erroné comme celui de « religion », arme d’oppression avérée sur les trois termes précédents). Elle s’assimilerait alors à une solidarité absolue. Le numérique nécessitant une telle consommation d’énergie et de matières premières serait alors condamné à n’être qu’un avatar sur le chemin du sauvetage.
N.B. : le haut du photogramme de Leni Riefenstahl a été intentionnellement coupé pour rendre l'illustration plus universelle. Pourtant toute analogie avec celle d'hier est purement fortuite !
Par Jean-Jacques Birgé,
mercredi 5 octobre 2011 à 04:04 ::Expositions
Nabaz'mob, notre opéra pour 100 lapins communicants s'est installé à Beauvais jusqu'au 22 octobre dans le cadre du Festival Oise en Scènes consacré au dialogue entre arts et sciences. Antoine et moi étions passés repérer les lieux avec Marie Rouhète, nommée depuis à Montreuil, et Josette Galiègue, conservateur en chef du Musée Départemental, avant de nous envoler pour Tallinn. L'architecture et l'acoustique de la salle Thomas Couture permet d'étaler les petits robots wi-fi sur toute sa surface sans avoir besoin de les sonoriser, donnant ainsi plus de profondeur à la musique et à la scénographie.
Dix-neuf spectateurs maximum à la fois, sécurité oblige, juchés sur une estrade recouverte d'une confortable moquette noire légèrement éclairée en rouge, assistent au spectacle plongé dans l'obscurité. Toutes les vingt-cinq minutes les lapins proposent une nouvelle interprétation de l'œuvre.
La cour de l’ancien Palais des Evêques-Comtes de Beauvais, au pied de la cathédrale, où sont installées la pièce Monster Happy Tapes de Colin Ponthot et d'amusantes petites poteries sur tige de fer, nous plonge dans un univers à la Lewis Carroll que n'importe quel lapin aimerait traverser ! Au premier étage du musée où les nôtres entonnent leur chœur, tantôt céleste tantôt abyssal, les draps blancs qui recouvrent les œuvres les transforment en gentils fantômes. Quand la magie opère les siècles se confondent.
Par Jean-Jacques Birgé,
mardi 4 octobre 2011 à 06:05 ::Musique
J'ai suivi la piste Hal Willner, dans cette jungle peuplée de milliers d'albums. Un indice d'abord, le seul album sous son nom, bourré de samples de 78 tours des années 20, s'appelle Whoops, I'm an Indian. Reprendre la même recherche à intervalles plus ou moins réguliers ne produit pas les mêmes résultats. J'ai commencé en 1981 avec la compilation Amarcord Nino Rota avec Jaki Byard, Carla Bley, Bill Frisell, Muhal Richard Abrams, Steve Lacy, etc., et That's The Way I Feel Now: A Tribute to Thelonious Monk (1984) avec John Zorn, Peter Frampton, Dr John, Carla Bley, Steve Lacy, Randy Weston, Eugene Chadbourne, etc. De ce producteur spécialiste de compilations dont chaque contribution est un hommage, j'ai déjà évoqué ici Lost in the Stars: The Music of Kurt Weill (1985) avec Sting, Marianne Faithfull, Van Dyke Parks, Lou Reed, Tom Waits, Elliott Sharp, Charlie Haden, etc. et Weird Nightmare: Meditations on Mingus (1992) avec Bill Frisell, Vernon Reid, Henry Rollins, Keith Richards, Charlie Watts, Don Byron, Henry Threadgill, Gary Lucas, Bobby Previte, Leonard Cohen, Diamanda Galás, Chuck D, Elvis Costello sur des instruments de Harry Partch. J'aurais pu ajouter Stay Awake: Various Interpretations of Music from Vintage Disney Films (1988) avec Sun Ra, Sinéad O'Connor, Ringo Starr, Yma Sumac, Suzanne Vega, ou September Songs: The Music of Kurt Weill (1995) avec Nick Cave et P J Harvey... La distribution ressemble au trottoir de Sunset Boulevard ! Les étoiles apportent leurs tributs à l'édifice. se succèdent Stormy Weather: The Music of Harold Arlen (2005), Rogue's Gallery: Pirate Ballads, Sea Songs, and Chanteys (2006), Harry Smith Project: Anthology of American Folk Music Revisited (2006) sans citer ses propres contributions à maints albums de ses invités... Il produit autant d'hommages live que d'étonnants albums, proposant aux artistes des rôles inattendus. Ses projets sont des remix inventifs où le passé et l'avenir se percutent en une série d'imprévisibles accidents. Ce chroniqueur encyclopédiste, jamais aussi bon qu'au service de ceux qu'il aime, dessine un portrait culturel de l'époque sans craindre de mêler les éléments populaires aux trucs les plus hirsutes.
En cherchant d'autres albums que son sublime travail sur Carl Stalling (avec Zorn en directeur artistique !) je tombe sur ses collaborations avec des écrivains, et en particulier deux albums avec William Burroughs, Dead City Radio (1990) avec un accompagnement de Sonic Youth, Donald Fagen, John Cale et d'autres, et Spare Ass Annie and Other Tales (1996) avec The Disposable Heroes of Hiphoprisy. Ah, que tous les amateurs de slam écoutent le flow de Burroughs, voix rugueuse et tranchante, portrait au couteau anticipant notre civilisation décadente, et le groove de Michael Franti et Rono Tse. Les citations classiques jouent les contrepoints en un mixage radiophonique pétillant d'à propos. J'ai commandé le premier, ainsi que The Lion For Real d'Allen Ginsberg avec Bill Frisell, Philip Glass, Paul McCartney, et deux autres CD contributifs, Leonard Cohen I'm Your Man et In With the Out Crowd de Bob Holman. En cherchant sur le Net on trouve la plupart pour moins de 8 euros. Closed on Account of Rabies (1997) d'Edgar Allan Poe avec Iggy Pop, Diamanda Galás, Abel Ferrara, Christopher Walken, Gabriel Byrne, Marianne Faithfull, Dr John, Jeff Buckley, semble plus dur à trouver à un prix raisonnable. J'aurais bien indexé chaque nom en hypertexte, mais il n'en resterait plus aucun qui ne soit pas souligné. Il serait temps de rendre hommage à son tour à ce touche à tout effervescent.
Par Jean-Jacques Birgé,
lundi 3 octobre 2011 à 00:04 ::Multimedia
J'ai fait trois clichés, mais ce ne sont pas les images qui manquent : sur le blog des Éditions Volumiques, sur leur site, sur celui de la Gaîté Lyrique où Étienne Mineur et Bertrand Duplat présentent jusqu'au 6 octobre (premier volet de Persistance, entrée libre) leurs merveilleuses inventions de papier inspirées par le monde des nouvelles technologies. Lors du vernissage les invités mitraillaient à tout va le livre dont les pages font s'envoler et redescendre des ballons de baudruche, le livre dont les pages se tournent toutes seules, le livre qui s'efface, les astucieux pliages, nos ondes cérébrales qui font sourire des petits personnages et la multitude de prototypes de jeux composés d'un iPhone ou d'un iPad et des objets qu'ils reconnaissent lorsqu'on les pose dessus. Car ce sont essentiellement des jeux d'un genre nouveau que proposent les Éditions Volumiques.
L'encre thermique sous chaque pion ou petite maison est reconnue par l'écran de l'iPad qui pourra répondre aux mouvements que nous leur imposerons. Le jeu de miroirs offre un mini-spectacle cinématographique derrière les fenêtres qui s'éclairent. Les montgolfières semblent voler au-dessus de l'écran qui reconnaît les cartes à jouer déposées à sa surface. L'iPad devient la plateforme de jeux nouveaux dont les possibilités semblent infinies. Premier testeur des élucubrations de son père, Wim, le fils d'Étienne, a dessiné la famille de fantômes. Et tous les geeks de retrouver leur âme d'enfant ! Les prototypes sont encore peu sonores, mais l'on peut imaginer maintes sollicitations et réactions bruitistes ou vocales, un champ d'expérimentation ouvert où tout reste à inventer pour les designers sonores ! Ces jouets intelligents sont des applications où l'interactivité trouve tout son sens, l'imagination débordante d'Étienne Mineur et Bertrand Duplat nous montrant généreusement l'immensité des possibles...
--- 20e année ---
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CONCERTS Apéro Labo 6, avec Roberto Negro et Catherine Delaunay
Studio GRRR, 8 décembre 2024
Avec Lionel Martin & Co
à Lyon le 26 février 2025
Festival Château Perché
dans la nuit du 24 au 25 juillet
2 NOUVEAUXCD
BirgéAnimal Opera sur le label GRRR, dist. Socadisc
TCHAK, inédit d'Un Drame Musical Instantané enregistré en 2000, label Klanggalerie
ALBUMS RÉCENTS
Apéro Labo 4 live au Studio GRRR avec Fabiana Striffler et Léa Ciechelski
Apéro Labo 2 (Codex) live au Studio GRRR avec Fanny Meteier et Maëlle Desbrosses Apéro Labo 1 live au Studio GRRR avec Mathias Lévy et Antonin-Tri Hoang LP La preuve de Poudingue rock expérimental (GRRR, dist. The Pusher)
CDPerspectives du XXIIe siècle avecN.Chedmail, J-F. Vrod, A-T. Hoang, S. Lemêtre... (MEG-AIMP, dist.Word and Sound)
Double CD Pique-nique au labo avec 29 musiciennes et musiciens
(GRRR, dist. Les Allumés du Jazz) Également sur Bandcamp
CD Pique-nique au labo 3 avec 20 musiciennes et musiciens (GRRR, dist. Les Allumés du Jazz) Également surBandcamp Le superbe vinyleFictions duo avec Lionel Martin sérigraphie d'Ella & Pitr est sur Bandcamp
Reformation du Drame avec F.Gorgé et D.Meens Plumes et poils - 2022 CD GRRR, sur Bandcamp
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