Après la visite de l'exposition où nous devons intervenir (26 janvier au Musée d'Art Moderne de Strasbourg), la préparation du spectacle et les séances de travail en studio, nous mettons en ligne les premiers enregistrements de La chambre de Swedenborg. Lors de cette séance de spiritisme musicale la chanteuse danoise Birgitte Lyregaard tient le rôle de MC, la percussionniste suédoise Linda Edsjö joue du marimba, du vibraphone et des percussions, je jongle avec de drôles d'instruments électroniques et de bizarres créatures acoustiques. Comme pour tous les albums récents produits par GRRR le téléchargement et l'écoute en streaming sont gratuits.

Tout le monde y gagne. Nous ne dépensons plus des sommes faramineuses pour presser des disques dont les recettes équilibrent rarement les dépenses. L'auditeur peut se délecter de musique sans que cela lui coûte un sou. Le rayonnement international d'Internet permet de toucher infiniment plus d'amateurs que la diffusion physique. On peut néanmoins se demander comment les artistes peuvent survivre s'il n'y a pas d'échange marchand. Dans notre petit domaine de la musique inventive la production de disques n'a jamais été lucrative. Elle a toujours joué un rôle promotionnel pour vendre des spectacles ou susciter des commandes. Pour que ces nouveaux usages fonctionnent correctement il reste encore à convaincre la presse de relater ces initiatives. Pour l'instant, contrairement à ce qu'elle prétend, elle boude la création numérique. Son manque à gagner dans la perte provisoire de ses annonceurs explique en partie son boycott. Le succès des blogs se comprend très bien par la confiance que les lecteurs octroient aux rédacteurs qui n'écrivent que par passion, sans but lucratif ni pression économique, du moins pour la plupart. Les amateurs, étymologiquement ceux qui aiment, prennent de l'avance sur les "professionnels". La presse aurait pourtant besoin d'alimenter ses colonnes avec du neuf. Les journalistes vivent de nos créations. Ils l'oublient souvent. Lorsqu'un secteur artistique s'effiloche les colonnes qui le commentait disparaissent à leur tour. Nous sommes liés les uns aux autres par un système tacite qui devrait valoriser la solidarité et le partage. Occulter la création numérique et les nouveaux supports met en danger nos existences à tous et toutes dans une période critique où l'art figure l'un des derniers bastions de résistance contre le formatage et la manipulation de masse.

Photo © Sonia Cruchon