Notre Ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, écrit dans Libération de lundi : "Il faut créer dans l'espace numérique des projets inédits, qui ne peuvent se faire nulle part ailleurs et qui permettent des relations nouvelles avec le public." Voilà une phrase qui réchauffe en ces temps de disette et de peau de chagrin où le Capital essaie de faire passer sa rapacité pour de la crise !
Si depuis toujours je me suis passionné pour les nouvelles technologies, j'ai chaque fois cherché à créer des œuvres qui correspondent aux différents supports, d'où une mauvaise interprétation de mon travail entraînant parfois la qualification de touche-à-tout, qui n'a pourtant rien pour me déplaire... En ce qui concerne le numérique, le CD L'hallali produit en 1987 permettait l'enregistrement de la pièce Une passion dévorante qu'il aurait été impossible d'imaginer plus tôt. Dès 1995 je plongeai dans la création de CD-Roms dits d'auteur, déménageai sur Internet à l'abandon absurde de ce support pour retrouver enfin avec l'iPad un enthousiasme légendaire. L'interactivité retrouve ses lettres de noblesse.
Mais qu'en est-il hélas de toutes les œuvres créées sur les anciennes machines ? La technologie galopante se moque de ces incompatibilités, mais elle n'est pas la seule responsable, même si seul l'appât du gain à court terme explique le gâchis à l'œuvre. En effet, presque chaque fois que j'ai dérogé à la règle de l'indépendance qui me pousse à produire mon propre travail j'en ai perdu la trace. Il en fut ainsi, par exemple, du CD de Crasse-Tignasse, passé scandaleusement au pilon par Naïve avec le reste de la collection Zéro de Conduite et la plupart de celle de Silex, des films réalisés à Point du Jour tels Idir et Johnny Clegg a capella ou ceux que nous avons tournés à Sarajevo pendant le siège, de la cinquantaine de CD-Roms qui m'ont permis de poser les bases du design sonore interactif tels Carton, Machiavel ou Alphabet, et des sites ou entreprises qui ont mis la clef sous la porte. Quel regret de n'avoir aucune trace de Magado réalisé par Étienne Mineur avec Möbius ! Le nouveau Ministère de la Culture permettra-t-il de sauver les centaines d'œuvres patrimoniales rendues inaccessibles faute de combattants ou de technologie dite caduque ?
De même que j'ai décidé de mettre en écoute et téléchargement gratuits les neuf chansons pour les enfants qui veulent avoir peur de Crasse-Tignasse sur drame.org, le collectif surletoit a remis en ligne les sept années de jeux pour enfants des P'tits repères. Vous trouverez donc plus d'une trentaine de jeux brintzingues, scénarisés par Martine Brux, Sonia Cruchon et Farnaz Bidgoli Rad, avec les animations de Mikaël Cixous et Benjamin Hofseth que je choisis de sonoriser entièrement avec la bouche. Les jeux secrets exigent trois mots de passe : framboise, fraise, orange. Deux initiatives qui réjouiront les mouflets et leurs parents !