Il était plus sympa d'aller voir Bernard à l'Hôpital Tenon avec Francis que si nous y étions allés chacun de notre côté. Réunir le trio original d'Un Drame Musical Instantané trente-six ans après sa création ranimait des souvenirs réjouissants plutôt que nous morfondre sur l'état de santé alarmant de notre vieux camarade. Notre visite lui réchauffa le cœur et nous permit à tous de dédramatiser la situation. Bernard étant en isolement, nous avons commencé par enfiler des combinaisons en papier et des gants en plastique qui nous faisaient ressembler à des cosmonautes enceintes tandis que son pyjama le faisait bercer du côté du nourrisson. On aurait pu penser à un remake de notre 20000 lieues sous les mers...
Lui qui a toujours prétendu ne jamais rêver a commencé à se souvenir de ses rêves. Sont-ce les médicaments ou quelque phénomène psychologique, allez savoir ! J'ai entendu cette semaine à la radio un spécialiste du sommeil affirmer que faire des cauchemars est le lot des personnes créatives. Bonjour l'angoisse !
Nous avons bien rigolé tous les trois, malgré la faiblesse de notre ami qui ne pèse plus que quarante kilos. Bernard ayant toujours soigné les apparences plus que la réalité, il vit une période très difficile depuis ces derniers mois. Une infirmière avait tressé ses longs cheveux blancs. Comme il ne répond que rarement au téléphone, il est compliqué de lui parler ou de lui rendre visite. J'ai récemment retrouvé quatre heures d'entretien inédits où Bernard évoque ses premières années de trompettiste, sorte de complément au Cours du Temps réalisé en 2001 pour les Allumés du Jazz. Ce témoignage recueilli quelques années plus tôt n'aborde toujours pas la période vécue ensemble, la plus longue, qui reste encore à écrire.


J'aurais pu choisir un de ses magnifiques chorus avec Gainsbourg, Montand ou Barbara, un de ses nombreux disques de free jazz ou l'une de nos élucubrations, écoutez-le avec Bardot dans Un jour comme un autre... Une histoire de Bernard Vitet...