70 août 2013 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 30 août 2013

Lèvres en feu du Trio Journal Intime


Jimi Hendrix a laissé un corpus d'enregistrements incroyable pour une carrière qui ne dura que cinq ans. Depuis sa disparition à l'âge de 27 ans, quantité de guitaristes l'ont imité ou s'en sont inspirés sans ne jamais l'égaler, même si quelques musiciens se sont risqués à arranger son répertoire dans des orchestrations inhabituelles. Je me souviens, par exemple, avec délectation du Purple Haze du Kronos String Quartet en 1985 ou de If 6 was 9 par Denis Colin et les Arpenteurs en 2002. Quarante-trois ans après la disparition d'un des plus grands musiciens du XXe siècle tous genres confondus, le Trio Journal Intime a enregistré Lips on Fire, un album qui lui rend hommage en prenant des libertés qui auraient probablement plu à cet expérimentateur de génie. On sait qu'avant de mourir il envisageait de travailler avec Gil Evans et Miles Davis, s'étant déjà rapproché des jazzmen, jouant avec Roland Kirk, Larry Young, John McLaughlin, Dave Holland...
Sur l'album Lips on Fire le trio de souffleurs Journal Intime propose des versions renversantes, d'une étonnante invention, de Lover Man, If 6 was 9, Angel, Hey Baby, 1983... (A Mermaid I should Turn To Be), Villanova Junction et All Along The Watchtower, titre composé par Bob Dylan. Bien au delà de l'hommage qu'ils perpétuent avec des pièces de leur composition comme Foxy People, Viens!, Odysseus Praeludium, Lips on Fire, Little Blowing, le trompettiste Sylvain Bardiau, le trombone Matthias Mahler et le saxophoniste basse Frédéric Gastard s'approchent de l'essence-même de la musique d'Hendrix, distordant les harmonies par des effets de timbres, éructant, slapant, vrombissant et swinguant comme des fous. Pour le répertoire d'origine ils ont invité deux cautions rock, le percussionniste Denis Charolles et le chanteur-guitariste Rodolphe Burger qui s'en sortent très bien, le premier connu pour ses couleurs extravagantes, le second en mezzo-voce dramatique. Étonnamment je n'ai jamais retrouvé, ici ou ailleurs, le placement de la voix d'Hendrix, cri mixé légèrement en arrière, comme s'il accompagnait la guitare par son chant, contrairement à l'usage. Effet chewing-gum lysergique. En coda la ghost track convoque le mythe, fantôme magnétique qui continuera longtemps à hanter nos jours et nos nuits.
Lips on Fire est un album explosif, de mystérieux alliages de cuivres se fondant en une alchimie abrasive où le trio met le feu aux poudres en soufflant sur les braises.

jeudi 29 août 2013

L'herbe est toujours plus verte


De l'autre côté de la colline, l'herbe est toujours plus verte. Pour savoir ne jamais me heurter à un mur, je contourne l'obstacle. Le prendre à revers c'est tromper l'ennemi qui se réfléchit dans la glace. Les pentes sont à pic. Les distances sont trompeuses. Une vallée peut en cacher une autre. Aucune ne se ressemble. Nous prenons l'habitude du panorama avec ses cimes inaccessibles qui disparaissent chaque matin dans un suffocant nuage de brume et jaillissent à midi sous les rayons d'un radiateur cosmique. Un léger changement de repères et la végétation chavire. Les fleurs ont beau marier le jaune et le mauve ici aussi, ce ne sont pas les mêmes. Les soleils se transforment en clochettes, des cristaux remplacent les étoiles. Et puis il y a l'espace. Space, name it, and I go ! Si la pleine lune nous offre une nuit américaine, quinze jours plus tard l'obscurité de la campagne fait apparaître des millions de trous d'épingle parmi lesquels se meuvent des réflexions satellitaires, des clignotants rouge et vert et des coups de rasoir autorisant les vœux inavouables. Le jour ne peut offrir cette uniformité de l'infini. On aperçoit la route, l'immensité du vert sur lequel se devinent les bestiaux paissant sur l'estive. Nous apprenons à jouir de chaque paysage. Car si ailleurs ou demain l'herbe est plus verte, chaque instant offre un point de vue unique sur le temps qui passe. Il serait dommage de ne jouir de la vie que sous un seul angle !

mercredi 28 août 2013

La gifle


Une simple gifle assénée à un môme insupportable transforme la vie d'un cercle d'amis en pugilat. Si cette série télévisée se passait ailleurs qu'en Australie, par exemple en France, on n'en aurait probablement pas fait tout un plat. Encore qu'avec la manière dont les nouveaux parents calquent leurs habitudes sur le modèle américain, on peut se poser sérieusement la question. La gifle (The Slap) est une évocation très réussie d'une famille de la classe moyenne, immigrée récente et débordant déjà de racisme larvé. L'histoire se poursuit d'épisode en épisode, mais chacun est centré sur un des personnages. Et nous voilà incapables d'aller nous coucher avant d'avoir épuisé toute la série, soit huit fois 52 minutes qui nous entraînent jusqu'au milieu de la nuit !
Les dialogues subtils sont portés par d'excellents comédiens évoquant les angoisses de chaque génération, de l'adolescence à la vieillesse en passant par la quarantaine, qu'elle soit féminine ou masculine. Constatant que la névrose est familiale, on assiste aux dégâts provoqués par les traumatismes de l'enfance et les non-dits aboutissant souvent à des catastrophes. De mensonge en révélation, cette série australienne inspirée du roman éponyme de Christos Tsiolkas expose la vie aussi pitoyable qu'impitoyable d'une famille d'origine grecque en butte aux turpitudes de la sexualité que les réalisateurs ne se privent pas de filmer, même en son absence. La difficulté de s'intégrer à une famille, une communauté ou un pays fait penser aux films de Fatih Akin qui partagent la même finesse d'analyse et cette sensibilité méridionale à fleur de peau.


Arte entame la diffusion de La gifle le 5 septembre, mais si vous piétinez d'impatience dès le premier épisode, n'hésitez pas à acquérir le coffret de 3 DVD publié par les Éditions Montparnasse dès le 3 septembre (25€). Cette gifle est une bonne claque.

mardi 27 août 2013

Chroniques de Résistance


Dans les loges, après le spectacle, d'anciens résistants ou leurs enfants pleuraient d'émotion. L'orchestre réuni par Jean Rochard avait répété toute la semaine la création Chroniques de Résistance à l'occasion du festival Kind of Belou à Treignac en Corrèze. Le producteur des disques nato avait commencé par emmener toute la troupe visiter le village martyr d'Oradour-sur-Glane, histoire de les plonger dans l'ambiance. Au soleil comme à l'ombre il règne une atmosphère joyeuse et combattante tandis que l'équipe dirigée par Frank Cassenti filme sans arrêt. On s'attend donc à un album pour le printemps, doublé d'un documentaire sur cette extraordinaire aventure.


Tony Hymas a ainsi composé 27 pièces sur lesquelles interviennent les voix françaises de Nathalie Richard et Frédéric Pierrot ou celle, plus scandée, de la slameuse américaine Desdamona. Les sept chansons sur des paroles de Serge Utgé-Royo (Souvenir de Ponzán dit François Vidal, Suzy Chevet), Sylvain Girault (Les flamboyants, Addi Bâ), Emmanuel d'Astier de la Vigerie et Anna Marly (La complainte du partisan), Marianne Cohn (Je trahirai demain) et moi-même (Valse macabre à Germaine Tillion) sont interprétées par Elsa Birgé. Rochard lui fait lire les quelques lignes de Buenaventura Durruti qui ouvraient le célèbre double album dédié à l'anarchiste espagnol, paru en 1996. Elsa avait onze ans. Dix-sept ans après, elle revient en fanfare sur le label nato.


Quatre souffleurs jouent serré la partition de Hymas. Les rythmes sont acrobatiques, les temps morts sont rares. Le trio Journal Intime, soit Sylvain Bardiau à la trompette, Matthias Mahler au trombone et Frédéric Gastard au saxophone basse, ainsi que le saxophoniste baryton François Corneloup interprètent avec brio les savants et subtils arrangements. Le batteur des Fantastic Merlins, Pete Henning, lâche parfois les baguettes pour le banjo. Pendant une heure et quart Hymas dirige ce petit monde depuis le piano. Les scènes héroïques alternent avec des moments de pure émotion.


Les textes parlés sont de Robert Desnos, René Char, John Holloway, Raymond Dronne, Fermin Pujol, Barney Bush, Georges Guingouin, Henri Nanot, Jean-Jacques Fouché, Jean Tardieu, Armand Gatti, Desdamona, David Miller, Arsène Tchakarian, Aimé Césaire, Maurice Rajsfus... L'évocation de la résistance se conjugue à tous les temps, évoquant aussi parfois la guerre d'Espagne, les résistants allemands, la défense des droits des Indiens d'Amérique, les Antilles, Notre-Dame-des-Landes, mais c'est d'abord dans ces maquis du Limousin qu'elle se situe jusqu'aux camps d'extermination où tant périrent. Les femmes résistantes y sont à l'honneur. On regrette parfois qu'il n'y ait pas plus d'instrumentaux tant les cuivres sont fameux. L'écriture est dense, l'interprétation virtuose, les spectateurs comblés.

Photo extérieur © Isabelle Vedrenne

lundi 26 août 2013

La boucle


On voudrait toujours inventer. J'ai photographié une route qui s'est écroulée, mais je me rends compte que la boucle d'un circuit automobile eut mieux rendu cette désagréable impression de faire du sur place. Pendant les vacances je me suis laissé aller à ne rien attendre, espérant que les idées se pointraient seules, sans qu'on les sollicite. Comme ça, dans la détente, subtil mouvement d'aïkido mental tendant à se servir de la force de l'adversité. Heureux ou malheureux, les accidents n'arrivent jamais d'où on les avait subodorés. L'absence laisse deviner un parfum tapi au plus profond de mon souvenir en formation. Les zones inexplorées de mon cerveau susurrent des promesses de plus en plus difficiles à tenir. Plus on avance, plus il devient acrobatique de ne pas se répéter. La falaise s'allonge aussi imperturbablement que l'on se tasse. Pour beaucoup, le style tôt posé, on le décline à toutes les sauces. Certains l'affinent, mais je l'entends comme un déclin. L'idée surgit comme un éclair. Puis, emboîtant le pas à la lumière, le tonnerre déchire le silence. En enregistrant mon improvisation, j'épingle ce papillon, fulgurance éphémère que mon filet méthodiquement capture. Mais combien de jours à chasser sans que ce gibier de potence ne sorte du bois ! Serais-je aveugle, serais-je sourd ? S'il faut bien lui passer la corde au cou, le nœud coulant montre que la boucle est de plus en plus courte.

vendredi 23 août 2013

Les affranchis


Un mouvement exceptionnel se dégage enfin parmi les jeunes musiciens vivant en France. On attendait depuis longtemps qu'une musique inventive naisse de ce territoire historique, carrefour géographique où se croisent toutes les influences. Si le jazz, le rock, les musiques traditionnelles, la chanson, l'électronique, le minimalisme, le classique pouvaient se sentir chez les uns et les autres il manquait encore à la plupart de s'affranchir du modèle anglo-saxon ou américain. Depuis quelque temps la surprise va grandissant. Ces jeunes musiciens et musiciennes, car il y a de nombreuses filles dans ce mouvement et ce n'est pas la moindre de ses caractéristiques, ont pour beaucoup suivi des études classiques. Ils sortent souvent du CNSM, le Conservatoire, même si ce sont forcément les plus rebelles qui nous intéressent ici. Non contents d'être des virtuoses sur leur instrument ils composent et improvisent, entendre là que la composition soit préalable ou instantanée n'a pas d'importance. Leur univers assume l'héritage de la musique savante du XXe siècle et de la musique populaire, chanson française et rythmes afro-américains, structures complexes et simplicité de l'émission. Le blues et ses ramifications jazz et rock les ont amenés à se démarquer du ghetto dans lequel s'est enfermée la musique contemporaine. La tradition de la chanson française leur offre un nouveau répertoire de standards. La connaissance des maîtres les a armés. L'improvisation libre leur ouvre les portes du direct.

Leurs sources sont trop vastes pour être citées, mais les différentes formes que le jazz a empruntées au cours du siècle précédent les ont fortement marqués. Pour s'en affranchir ils l'ont croisé avec la musique savante, privilégiant les marginaux aux nouveaux académiques, revalorisant le rock et toutes les musiques du monde. On retrouve souvent Debussy, Satie, Stravinski, Cage, Ligeti, Monk, Hendrix, Miles, Reich, Zappa, Wyatt dans leur discours. Beaucoup d'hommes encore, mais leur féminité est de plus en plus assumée, et tant de filles peuvent enfin s'épanouir aujourd'hui sans devoir imiter le jeu des machos. Même si certains de leurs aînés ont préparé le terrain, ces "jeunes" musiciennes et musiciens ne sont pas dans la concurrence, mais dans une solidarité qui fait chaud au cœur. Encore faut-il maintenant qu'ils et elles s'organisent ! Leur culture musicale, et plus encore extra-musicale, soit ce que l'on appelle la culture générale faite de littérature, de cinéma, de spectacles en tous genres, de voyages, gastronomiques et fraternels, de conscience politique ou écologique, etc., leur confère à chacun et chacune une indépendance de création. Leur imagination accouche de mondes très variés, inventifs, surprenants, porteurs d'espoir dans l'univers formaté que les financiers et censeurs veulent nous imposer. J'ai longtemps cherché un terme à proposer pour caractériser ce mouvement exceptionnel. LES AFFRANCHIS correspond bien à ce qu'ils et elles représentent.

Pour terminer ce petit manifeste je livre une première liste. Ajoutez-y tous les autres que j'ignore et que je sais nombreux, en envoyant un mail à info(at)drame.org. Je les signalerai avec joie. Plus on est de fous plus on rit !

Les premiers auxquels j'ai pensé pour les avoir entendus et puisqu'ils ont suscité ma réflexion (par ordre alphabétique) : Jeanne Added, Lucien Alfonso, Aymeric Avice, Sylvain Bardiau, Antoine Berjeaut, Antoine Berland, Sophie Bernado, Lisa Cat-Berro, Thibaut Cellier, Cédric Chatelain, Romain Clerc-Renaud, Sylvain Darrifourcq, Maxime Delpierre, Julien Desprez, Héloise Divilly, Benjamin Dousteyssier, Benjamin Duboc, Jozef Dumoulin, Élie Duris, Benjamin Flament, Fred Gastard, Sacha Gattino, Baptiste Germser, Jean-Brice Godet, Phil Gordiani, Alexandra Grimal, Sylvaine Hélary, Clément Himbert, Antonin-Tri Hoang, Karsten Hochapfel, Naïssam Jalal, Fanny Lasfargues, Louis Laurain, Sylvain Lemêtre, Émilie Lesbros, Antonin Leymarie, Rodolphe Loubatière, Matthias Mahler, Matthieu Metzger, Jocelyn Mienniel, Yuko Oshima, Émile Parisien, Edward Perraud, Julien Pontvianne, Thomas de Pourquery, Antonin Rayon, Sylvain Rifflet, Rafaelle Rinaudo, Ève Risser, Ravi Shardja... Des camarades m'en susurrent d'autres : Pierre-Antoine Badaroux, Marc Baron, Félicie Bazelaire, Sébastien Beliah, Florian Bergmann, Pierre Borel, Seb Brun, Cyprien Busolini, Sylvain Choinier, Ronan Courty, Élise Dabrowski, Jean Dousteyssier, Yoan Durant, Clément Édouard, Joachim Florent, Fidel Fourneyron, Élodie Gaudet, Antonin Gerbal, Quentin Ghomari, Yan Joussain, Xavier López, Julien Loutelier, Guillaume Magne, Hugues Maillot, Frédéric Marty, François Michel, Roméo Monteiro, Roberto Negro, Sébastien Palis, Laurent Pascal, Francesco Pastacaldi, Jérémie Piazza, Brice Pichard, Raphaël Quenehen, Arnaud Roullin, Joris Ruhl, Emmanuel Scarpa, Kevin Seddiki, Alvise Sinivia, Dafne Vicente-Sandoval, Deborah Walker... Il faudrait aussi citer les groupes car les démarches collectives sont de plus en plus courantes, se démarquant de la compétition individuelle façon struggle for life : Actuum, Alphabet, Big, DDJ, Dedalus, Donkey Monkey, DPZ, Ensemble Art Sonic, Ensemble Hodos, Irène, Jean-Louis, Journal intime, Kumquat, Le Cabaret Contemporain, Le Sacre du Tympan, Les Vibrants Défricheurs, Limousine, Magnetic Ensemble, Metallophone, Novembre, Nuage Magique, Ok, ONCEIM, OrTie, Oui Monsieur, Papanosh, Peeping Tom, Petite Vengeance, Ping Machine, Plaistow, Q, Surnatural Orchestra, The Fish, The New Song, The Silencers, Theverybigexperimental Toubifriorchestra, Tricollectif, Umlaut, Viking, Watt, etc. Ce ne sont ici que des pistes offertes à votre curiosité. Libre à vous que cette liste s'allonge, s'allonge...

P.S.: ci-dessous la nouvelle liste (par ordre alphabétique) inclut tous ceux et toutes celles cités dans les commentaires, qui se reconnaissent dans Les affranchis. Certains ont tout de même près de 50 ans, ce qui, à mes yeux, n'en fait plus des p'tits jeunes, mais je n'ai pas voulu censurer les suggestions qui m'étaient envoyées. De mon côté j'ai sciemment omis les aînés qui leur ont préparé le terrain et ouvert la voie, et qui mériteraient de figurer plus qu'aucun autre dans ce mouvement ;-)

Jeanne Added, Lucien Alfonso, Aymeric Avice, Pierre-Antoine Badaroux, Sylvain Bardiau, Marc Baron, Jérémie Bastard, Félicie Bazelaire, Sébastien Beliah, Florian Bergmann, Antoine Berjeaut, Antoine Berland, Sophie Bernado, Quentin Biardeau, Fred Blondy, Jean Bordé, Pierre Borel, Sébastien Bouhana, Sébastien Branche, Seb Brun, Cyprien Busolini, Lisa Cat-Berro, les frères Ceccaldi, Thibaut Cellier, Cédric Chatelain, Gérald Chevillon, Sylvain Choinier, Romain Clerc-Renaud, Manu Codjia, Ronan Courty, Élise Dabrowski, Sylvain Darrifourcq, Maxime Delpierre, Julien Desprez, Héloise Divilly, Benjamin Dousteyssier, Jean Dousteyssier, Benjamin Duboc, Romain Dugelay, Léo Dumont, Jozef Dumoulin, Yoan Durant, Élie Duris, Clément Édouard, Julien Eil, Benjamin Flament, Joachim Florent, Fidel Fourneyron, Fred Gastard, Sacha Gattino, Élodie Gaudet, Antonin Gerbal, Baptiste Germser, Quentin Ghomari, Jean-Brice Godet, Phil Gordiani, Alexandra Grimal, Johan Guidou, Jean-Luc Guionnet, Sylvaine Hélary, Cathy Heyden, Clément Himbert, Antonin-Tri Hoang, Karsten Hochapfel, Naïssam Jalal, Jean Joly, Yan Joussain, Fanny Lasfargues, Louis Laurain, Sylvain Lemêtre, Émilie Lesbros, Antonin Leymarie, Xavier López, Rodolphe Loubatière, Julien Loutelier, Guillaume Magne, Matthias Mahler, Hugues Maillot, Frédéric Marty, Matthieu Metzger, François Michel, Jocelyn Mienniel, Anton Mobin, Roméo Monteiro, Roberto Negro, Yuko Oshima, Anne Pacéo, Sébastien Palis, Émile Parisien, Laurent Pascal, Francesco Pastacaldi, Marine Pellegrini, Edward Perraud, Alice Perret, Jérémie Piazza, Brice Pichard, Julien Pontvianne, Thomas de Pourquery, Raphaël Quenehen, Antonin Rayon, Jean-François Riffaud, Sylvain Rifflet, Rafaelle Rinaudo, Ève Risser, Arnaud Roullin, Joris Ruhl, Damien Sabatier, Florian Satche, Emmanuel Scarpa, Kevin Seddiki, Alvise Sinivia, Franck Vaillant, Dafne Vicente-Sandoval, Deborah Walker, Lawrence Williams...

Les groupes : Actuum, Alphabet, Big, DDJ, Dedalus, Donkey Monkey, DPZ, Ensemble Art Sonic, Ensemble Hodos, Impérial Quartet, Irène, Jean-Louis, Journal intime, Kouma, Kumquat, Le Cabaret Contemporain, Le Sacre du Tympan, Les Vibrants Défricheurs, Limousine, Lunatic Toys, Magnetic Ensemble, Metallophone, Novembre, Nuage Magique, Ok, ONCEIM, OrTie, Oui Monsieur, Papanosh, pearl&john, Peeping Tom, Petite Vengeance, Ping Machine, Plaistow, Polymorphie, Q, SnAp, Surnatural Orchestra, The Fish, The New Song, The Silencers, Theverybigexperimental Toubifriorchestra, Tricollectif, Umlaut, Viking, Watt...

jeudi 22 août 2013

Ombres de la nuit


La montagne est éclairée par un immense lampadaire qui fait passer la nuit pour une éclipse de soleil. Les étoiles s'effacent et règne alors une ambiance de sabbat pourtant déserté par les hôtes des bois. J'ignore si le comportement des bêtes est affecté par la pleine lune comme elle dérange les humains, mais Christian insiste pour que nous ne retournions pas aux champignons avant la lune montante. Les meilleurs sont les petits cèpes qui ressemblent à des bouchons de champagne. On peut les manger crus, c'est délicieux. Faute de pouvoir les montrer au pharmacien ou à un mycologue local la règle est de ne ramasser que ceux que l'on connaît. Rares les vénéneux qui sont mortels, mais les douleurs abdominales et les hallucinations prolongées ne sont pas au menu des vacances. Depuis que nous dormons par terre sur ce matelas de laine défoncé, toutes les nuits je fais d'étranges rêves. Le fantôme de mon camarade récemment décédé veille sur moi avec la plus grande bienveillance, même s'il fait ressusciter tous mes chers disparus.
Mon père est mort il y a déjà 25 ans, il ne me quitte jamais. Bernard était le dernier des trois pères de mon récit. En rejoignant Frank Zappa qui m'avait initié à la musique et Jean-André Fieschi qui fut mon maître ès toutes choses, il me laisse à son tour la responsabilité de transmettre tout ce qu'il m'a donné. Je suis trop vieux pour me penser orphelin et trop jeune pour imaginer d'autres perspectives que celles qui m'animent depuis qu'enfant je rêvais de changer le monde. La fougue a laissé la place à la circonspection, la rage à la détermination. Dans mes moments de calme je pense à Marc Lichtig, Bernard Mollerat, Philippe Labat, Éric Longuet, Annick Mével, Marc Boisseau, Frank Royon Le Mée, la famille de La Ciotat, Rosette, Tonton (Giraï), Serge, tant d'autres, et Bri... Bri. Dans les années 70 la mort emportera d'abord les plus fragiles, jeunes gens imprudents ou impatients, dans les années 80 le Sida ne fera pas de cadeau aux plus aventureux, pour finir par s'intéresser aux plus âgés, rentrant dans l'ordre. J'avance prudemment sous cette lune expressionniste qui fait vivre les ombres comme en plein jour.

mercredi 21 août 2013

Drôle de drame ou comédie de l'absurde ?


Franpi Barriaux signe un article sur Citizen Jazz qui me touche. Ma solidarité, ici ou ailleurs, s'exerce tous azimuts, hier avec mes congénères, aujourd'hui avec la nouvelle génération des musiciens inventifs, rebelles souvent sortis du CNSM, dont la curiosité n'a d'égal que leur imagination. Il chronique ainsi six des albums numériques que j'ai enregistrés depuis le début de l'année avec Fanny Lasfargues, Alexandra Grimal, Antonin-Tri Hoang, Edward Perraud, Vincent Segal... Ces "disques" ont l'avantage d'être gratuits en écoute et téléchargement, ils ont le défaut d'être boycottés par la presse papier en retard de plusieurs métros. Les rédacteurs en chef de ces canards spécialisés feraient pourtant bien de se demander comment subsister avec les mutations qu'Internet oblige.
Comme pour les disques, je reste attaché au livre, au magazine, au journaux lorsqu'ils apportent quelque chose que le virtuel ne peut offrir. Dans mon métier comme dans ma vie j'ai toujours cherché à être complémentaire, jamais concurrentiel. C'est le rôle des journalistes d'accompagner les créateurs, de les découvrir, d'analyser leurs productions, de comprendre les vecteurs qui sous-tendent leur économie. Au lieu de cela la plupart se cantonnent à protéger leur pré carré, s'agrippant désespérément à des formes moribondes qui les entraîneront vers l'abîme. Ils n'ont pas compris que ce sont les artistes qui les font vivre et non le contraire. À force d'ignorer une actualité foisonnante et pleine d'espoir ces "professionnels de la profession" verront leur espace se réduire jusqu'à sa disparition. On a vu cela pour les nouveaux médias, les rubriques étant supprimées les unes après les autres dans tous les quotidiens, hebdos et mensuels, on risque le même carnage dans le monde de la musique. Camarades, arrêtez de marcher à reculons et de vous bander les yeux, l'avenir est entre les mains de ces jeunes musiciens qui s'affranchissent des modèles anciens tout en s'inspirant de leurs aînés, les nouvelles technologies posent des questions qu'il est absurde d'ignorer, soutenez les initiatives de ces indépendants qui pourraient permettre de vous donner un nouveau souffle ! Et si vous ne savez pas comment les nommer vous trouverez bientôt ici de quoi alimenter votre inspiration ;-)

mardi 20 août 2013

Cueillettes


Le plaisir de cueillir son dîner n'a d'égal que de se goinfrer de fruits sauvages sur le bord d'un chemin.
Christophe a rapporté dix kilos de cèpes du bois sous les granges. Il m'apprend à repérer les coins, ni trop secs ni trop humides, équilibre d'ombre et de soleil, sous les grands chênes par exemple. Après la pluie, le soleil me fait comprendre l'expression "pousser comme des champignons". On peut aussi marcher des heures sans en voir un, et puis se retrouver face à un carré où il y a à peine la place de poser le pied.
Lorsque nous restons bredouille nous nous rabattons sur les fraises des bois, même si Georges nous avertit des dangers de la douve du foie. Cela ne nous empêche pas de faire régulièrement des razzias de sarrousses, les épinards sauvages si délicieux que nous les accommodons à toutes les sauces. Françoise les lave avec de l'eau vinaigrée et les faire cuire à la poêle avec du beurre ou bouillir pour les manger tièdes en salade ou en gratin.


Il était encore tôt pour les myrtilles, mais j'apprends à reconnaître les petits buissons ras qui fourmillent autour et je goûte les premières. Trop tôt pour les framboises sauvages qui poussent autour de l'estive où Tommy garde un troupeau de 450 vaches. Si les gigantesques taureaux ressemblent à des aurochs, c'est des vaches qu'il faut nous méfier lorsqu'elles sont accompagnées d'un petit veau. 700 kilos à fond de train, imaginez le bolide, et leurs cornes pointues vous embrocheraient d'un coup de tête. Pas de quoi s'inquiéter si l'on fait attention en les croisant. La revanche est terrible puisqu'elles finiront toutes en steak dans nos assiettes… Monde cruel.

lundi 19 août 2013

Le blog, année 9


Décidément non, on rentre. Prendre l'air a ses limites. Le vent souffle par rafales à des vitesses que personne ne peut vivre sans aller se pulvériser dans la stratosphère. Les courants ascendants sont des brumisateurs de chair. Les glaciers fondant, la rivière enfle et emporte tout sur son passage. L'hôtel s'est vissé sur lui-même. Ici c'est fini. Plus rien à louer. Seule la nature à encenser.
Il faudrait emporter sa maison sur son dos comme les escargots, mais les nomades n'ont pas la cote en cette période pré-fasciste où la lâcheté et l'égoïsme font loi. Je me souviens de Brel racontant qu'il n'y a pas de gens méchants, mais seulement des gens bêtes. Pas particulièrement envie de camper sur un parking ou de se faire expulser par des tordus qui ont commencé par se haïr eux-mêmes. Le racisme est d'abord une haine de l'autre en soi. Ça s'explique, comme dirait justement l'autre.
Il faudra faire le vide. Pas que dans sa tête comme on sait le faire en vacances, mais dans ses habitudes aussi. Tant de trésors accumulés au travers des siècles, ma roulotte est trop lourde à traîner. En sortir un chaque fois qu'un nouveau rentre. Un clou chasse l'autre. Celui du spectacle. Savoir viser. Vraiment marteau. Merveilleuses vacances si la mort ne rôdait à l'affût des vieilles carcasses. Les vautours ne se reconnaissent même pas entre eux. La tristesse ne caresse pas la tendresse dans le sens du poil. On finit chauve.
Cela n'empêche pas les oiseaux de chanter, les grillons de frotter leurs élytres, les grosses bestioles de se faufiler sans bruit et nous de rentrer avec autant de bonheur que nous étions partis.
En passant par, oui.

P.S.: ma copine Brigitte Dornès est partie la nuit dernière. Je suis terriblement triste. Après Bernard ça fait lourd. Je me raccroche aux vivants.

dimanche 18 août 2013

Kind of Belou


Encore perchés sur nos montagnes nous n'avons pu assister au solo pasolinien du contrebassiste Bruno Chevillon, mais malgré les bouchons de retour de vacances aoûtiennes nous sommes arrivés à Treignac en Corrèze à temps pour le concert d'Alphabet, projet du clarinettiste Sylvain Rifflet auquel participent le flûtiste Jocelyn Mienniel, le guitariste Phil Gordiani et le percusionniste Benjamin Flament. Concert plus tendre que la fois où nous les avions écoutés au Triton, l'acoustique de la salle des fêtes étant probablement responsable de ce feutrage… Rifflet, maître du slap au saxophone ténor, en donna une merveilleuse démonstration en rappel avec Tout dit de la chanteuse Camille. Nullement en reste à la flûte, Mienniel diversifie les techniques de jeu de son instrument en utilisant aussi l'over-blowing et le flatterzunge. La complicité des deux souffleurs produit des alliages de timbres épatants auxquels contribuent les cordes de Gordiani et les métaux de Flament pour peindre des arcs-en-ciel parfaitement adaptés aux délicats arpèges minimalistes et lyriques des compositions.


On y reviendra sérieusement prochainement, mais en France se dessine un véritable mouvement musical qui semble échapper à la critique professionnelle plus encline à se laisser endormir par la nostalgie et à valoriser des stars américaines décédées depuis belle lurette sous prétexte de faire vendre leurs canards moribonds. Un petit festival comme Kind of Belou qui sait choisir sa programmation parmi les acteurs les plus inventifs de la scène dite jazz va devoir s'intéresser à toute cette jeunesse montante qui allie virtuosité et imagination en se démarquant du modèle d'outre-atlantique.