mercredi 6 novembre 2013
Apartheid en Israël
Par Jean-Jacques Birgé,
mercredi 6 novembre 2013 à 00:32 :: Cinéma & DVD
Pendant des années l'opinion internationale pointait l'Afrique du Sud pour sa politique d'apartheid. Les temps ont changé. Les noirs ont été remplacés par les pauvres, ce sont évidemment les mêmes, mais la séparation des populations n'est plus aussi patente. Aujourd'hui on ose à peine fustiger l'état colonialiste israélien dont la politique ne vaut guère mieux. Les lois n'y sont pas les mêmes pour les Israéliens et les Palestiniens. Deux poids deux mesures. Depuis des décennies Israël arrache orangers et oliviers pour installer ses colons sur des terres volées aux paysans palestiniens. Le terrain de la violence est le seul qu'envisage l'État colonialiste. La communauté internationale se tait de peur d'être assimilée à un vieil antisémitisme que la culpabilité du génocide des années 40 entretient malgré les exactions inimaginables auxquelles se livre l'armée israélienne. Un jour le nom de Tsahal sera pour tous synonyme de honte. À Bil’in en Cisjordanie les villageois défendent pacifiquement leurs terres sur lesquelles ne cesse de s'étendre illégalement une colonie d'immeubles blockhaus. Les soldats israéliens leur tirent dessus avec des lacrymogènes, avec des balles réelles.
Emad Burnat s'est acheté une petite caméra vidéo pour filmer sa famille. Il capte le quotidien de ses proches parqués chez eux, spoliés par une politique inique et absurde. Sa caméra vole en éclat. Au début du film il expose ses 5 caméras brisées. Il en est à sa sixième. Certaines lui ont sauvé la vie, d'autres ne l'ont pas empêché d'être gravement touché. L'Israélien Guy Davidi, qui coréalise le film, pousse Emad Burnat à être le plus personnel possible. Les reporters viennent seulement le vendredi pour filmer la manifestation, chaque fois réprimée dans le sang. Burnat tourne aussi les autres jours. Il suit les progrès de son plus jeune fils qui prend conscience année après année de l'horreur de la situation. Burnat filme tout. Il filme la rage, il filme la mort en direct, il filme les sourires des enfants parce qu'il faut vivre. Comme eux nous sommes partagés entre la tristesse et la colère.
J'ai hésité à regarder le DVD que publie blaq out. On sait tout. On devine le reste. De nombreux films ont été projetés, tant de témoignages qui n'ont rien changé à cette situation terrible. Par le truchement du home movie et grâce à l'opiniâtreté, Burnat et Davidi réussissent à montrer un quotidien bouleversant, exemplaire, et malgré tout plein d'espérance. Cinq ans de lutte pour que les bulldozers israéliens arrachent enfin les barbelés, mais plus loin du village s'érige un haut mur de béton, un mur de la honte de plus, qui ghettoïse les Palestiniens. Ces "Mensch" ont choisi de vivre debout en prônant la paix avec courage malgré tout ce qu'ils ont subi. Le cinéma peut ouvrir les yeux de ceux qui ne pourront plus dire qu'ils ne savaient pas. En toute sensibilité et intelligence il participe à la résistance.
P.S.: Emmy Award du meilleur documentaire...