Mettre le nez dans les archives pousse à passer le chiffon à poussière sur des trésors dont on ignorait même la nature. D'une lampe retrouvant son éclat sort parfois un génie qui vous susurre un secret à l'oreille. Une photo glissée entre deux pages. Une boîte remplie de petits objets dont la promiscuité indique la proximité. Il y aurait une logique à l'égarement et une autre pour l'épanouissement. Certains souvenirs attendent d'être mûrs pour justifier qu'on les ai gardés si longtemps. Rares sont ceux sans valeur. À creuser consciencieusement les galeries on apprend qu'il n'existe aucun hasard dans la quête du sens. Il suffit de tirer sur un fil pour que la pelote se dévide et délivre son message en son cœur. Certaines trouvailles sont trop intimes pour être partagées. D'autres n'ont d'intérêt que dans l'exposition.
De temps en temps j'ouvre quelques boîtes plates et carrées dans lesquelles sont enfermées des bandes magnétiques. C'était après le fil, mais avant le numérique. Encore faut-il posséder la machine qui sache les lire. Le décryptage n'est pas aussi aisé qu'un livre ou la moindre impression. Mon Revox PR99 ne délivrait qu'un seul des deux canaux. Je l'ai descendu de son piédestal pour l'emporter en réparation. J'ai sorti trois autres magnétophones des placards. Le premier, un A77, diffusait une ronflette de la mort, puissant son sourd et grave écrasant tous ses cousins. Le moteur du second, un B77, refusa d'avancer. Le troisième, un gros Teac 4 pistes, finit par donner satisfaction. Je numérisai cinq bandes avant que ce dernier ne s'emballe. J'eus la très mauvaise idée de tenter d'arrêter les plateaux qui tournaient comme des fous. La forte détonation suivie d'une fumée blanche et d'une odeur de brûlé ne présage rien de bon. Un magnétophone qui ne tourne pas régulièrement laisse figer la graisse qui s'étale et grippe tout. J'ai réussi à terminer mon opération du week-end en empruntant à Olivier un cinquième magnéto, un Revox remis en fonction l'an passé et qui depuis dormait dangereusement sur une étagère.
Résultat des courses, un album d'une durée quasi double, 2h35 inédites d'un duo avec Hélène Sage, fruit de nos premières séances d'improvisation à l'été 1981, juste avant la création du grand orchestre d'Un Drame Musical Instantané. J'ai le plaisir d'y découvrir mon orgue Farfisa Professional que j'utilise en même temps que le synthétiseur ARP 2600 et une des premières boîtes à rythmes Boss. Ce sont les seuls instruments que j'ai jamais revendus, erreur certaine, du moins pour les deux premiers. Je suis également surpris de m'entendre à l'accordéon et à la contrebasse, tentatives totalement oubliées. Le reste de mon attirail est aussi varié qu'une mandoline, un violon, une trompette, un saxophone alto, le petit piano Michelsonne, des effets électroniques, etc. Quant à Hélène, excellente flûtiste et contrebassiste, elle passe allègrement du saxophone ténor à la clarinette basse, souffle dans sa célèbre bouilloire et fait vibrer ses cordes vocales dont elle est devenue depuis une spécialiste reconnue. Quant aux émotions que ces dix improvisations suscitent, je vous laisse le soin de vous les approprier. Elles sont en écoute et téléchargement gratuits sur drame.org.