Nous sommes tous des bipolaires
Par Jean-Jacques Birgé, mercredi 8 janvier 2014 à 00:04 :: Perso :: #2750 :: rss

Une amie psychiatre m'expliquait que nous sommes tous bipolaires. Les pressions sociales exacerberaient la manifestation de symptômes entraînant une vente excessive de médicaments pour le plus grand profit des laboratoires. La pharmacopée qui y est associée orienterait même les souffrants. Avant cette mode dont les termes ne sont pas innocents on les appelait cyclothymiques ou maniaco-dépressifs. Je résume évidemment à gros traits maladroits une situation complexe.
D'un naturel enthousiaste et volontaire, je ne m'octroie qu'une ou deux crises existentielles par an, soit une journée de dépression molle où tout me semble vain. Le reste du temps je ne suis pas certain de remettre cette analyse en question, mais je m'y adapte en privilégiant ce qui est agréable ou confortable et en travaillant d'arrache-pied. Produire est une alternative enchantée au jeu d'échec dont nous sommes les pions. Dans ce panorama formateur, entendre formatage de la manière d'apprendre, j'évite surtout le concept de victime.
Aucun artiste ne se dévoile sans qu'une fêlure n'en soit à l'origine. La souffrance est le moteur de l'action, quitte à opérer quelque alchimie transmuant le plomb en or. Il existe d'autres répliques, mais elles sont beaucoup moins productives ou épanouissantes. Le monde, que l'on tente de nous faire accepter comme "notre" monde, est ressenti comme inenvisageable, nous poussant à en créer de nouveaux qui soient à la mesure de nos rêves. Cela fonctionne plutôt pas mal, mais certains jours le masque tombe et la mort réfléchit notre image.
Dans ces moments de doute ou d'incompréhension l'entourage peut être d'un grand secours. Au lieu de nous affubler des oripeaux de la maladie considérons la crise comme une lucidité complémentaire aux arrangements auxquels la société ou la famille nous poussent. Elsa m'explique que l'on propose rarement aux moteurs un poste de suiveur. Je souffre en effet d'être trop souvent à l'origine des faits et de ne pas être suffisamment sollicité. Ce déséquilibre récurrent me force à toujours plus d'initiatives, m'éloignant par là-même de mon fantasme du renvoi d'ascenseur. Si le serpent se mord la queue le dragon ne sait plus à quelle tête se vouer ! Heureusement ma bipolarité se satisfait de sa fréquence rare et de sa faible amplitude où les failles sont beaucoup plus rares que les pics ou les plateaux.
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