"The present-day composer refuses to die." Sur nombre de ses premiers albums Frank Zappa recopiait la citation d'Edgard Varèse : le compositeur d'aujourd'hui refuse de mourir. Si le grand public est particulièrement en retard dans le domaine de la musique n'en est-il pas ainsi de tous les artistes extra-ordinaires, voire de tous les penseurs critiques que l'on taxe d'utopie ?
L'avant-garde a fait long feu pour ne pas avoir été suivie par le gros des troupes. Pire, elle fait figure d'arrière-garde, sorte de marginalité ringarde aux yeux des canons du marché. La récupération n'est plus d'ordre esthétique ou même politique, car elle n'obéit plus qu'aux règles du profit à court terme. Nous faisons alors du sur-place lorsque nous ne régressons pas.
Heureusement la vie obéit à des cycles, up and down, les oscillations alternent creux et bosses autour de l'axe des abscisses. Les mauvaises nouvelles suivent les bonnes et réciproquement. Tant que l'on ne casse pas irrémédiablement la machine, tous les espoirs sont permis. Dans la mesure de nos possibilités, question d'échelle, il suffit de réduire la durée des abysses au minimum et de transformer les pics en hauts plateaux ! Les nouvelles les plus alarmantes n'augurent pas forcément d'extinction, mais certainement de mutations.
Si dans le domaine de l'art on peut toujours promouvoir la persévérance, la confusion politique entretenue par les puissances financières risque d'accoucher d'évènements autrement plus douloureux. À la solidarité, seule réponse salvatrice de toute crise quelle qu'elle soit, s'oppose un chacun-pour-soi suicidaire qui pourrait aboutir à des choix criminels. Nous sommes hélas plus proches d'une guerre que d'une révolution. L'occident a appris à aller les faire ailleurs en ne faisant subir à ses populations que des effets de bords. De plus cela fait marcher l'industrie d'armement dont la France profite hypocritement tout en critiquant ceux qui y ont recours. Dans le cadre de nos frontières les partis se déchirent, l'arrivisme ayant évacué toute morale politique. Au delà de ces clivages nous sommes en face d'un véritable problème de société. Les mauvais exemples de nos dirigeants ne nous laissent comme échappatoire que les rapports de proximité et la nécessité de former des hommes nouveaux et des femmes enfin qui redonnent du sens à ce qui fut coutume d'appeler la démocratie. Ne faudrait-il pas remplacer celle que Roland Gori qualifie d'autoritaire par une démocratie directe ? L'électoralisme a eu raison du système représentatif avec une classe de professionnels coupés des réalités quotidiennes. Nombreux continuent de prôner le vote utile alors que cela fait quarante ans que je l'ai pratiqué pour en arriver où ? Une chute progressive qui ne propose plus qu'une alternative entre la droite et l'extrême-droite ? Le cynisme serait notre seule échappatoire ? Comme si la résistance était l'apanage des rêveurs !
Ce petit article ne souhaite entretenir aucune confusion en comparant le monde l'art et celui de la politique, même si les processus entropiques et les possibilités d'y échapper procèdent des mêmes intentions et des mêmes ressorts dramatiques et stratégiques ! Suivant cette logique, dans mes conférences j'ai l'habitude de comparer la cellule familiale au monde de l'entreprise. Les solutions ne peuvent être que franches. Remplissons de propositions aussi diverses qu'inventives les oreilles du public au lieu de lui farcir la tête avec des modèles formatés quasi identiques, interdisons la professionnalisation du politique en ayant recours au tirage au sort, instaurons le revenu de base, faisons le procès de la finance en abrogeant les intérêts de la dette, soutenons les nations en difficulté sans leur piquer pour autant leurs minerais, réduisons nos dépenses et nos appétits de vitesse, arrêtons de presser le citron de la planète avant qu'il n'y ait plus de jus, rendons aux femmes leur pouvoir, remettons de la poésie dans tous les secteurs, apprenons à vivre au lieu de nous résigner à mourir...