Ceux et celles qui n'ont pas connu les années 70 n'imaginent pas ce qu'ils doivent au Pop Club de José Artur. J'avais commencé à écouter de la musique à la radio sur Europe 1 avec l'émission Salut les copains, mais c'est avec le Pop Club que tout a basculé. Le rock et le jazz avaient trouvé leur maison et c'était sur France Inter, une radio comme on n'en fait plus. J'attendais 22h avec la fébrilité des débuts de concert. Le jingle composé par Claude Bolling et interprété par Les Parisiennes a bercé mon adolescence et Lettre à Monsieur le chef de gare de la Tour de Carol de Brigitte Fontaine fut le premier disque pop de la semaine à ouvrir l'émission chaque soir. J'ai découvert là Julie Driscoll, Luc Ferrari, Barney Willen, Napoleon XIV, François Bayle, le Bonzo Dog Band, les Fugs, les Troggs, Pink Floyd, Soft Machine, Xenakis, les musiques iranienne et indienne, Screamin' Jay Hawkins, Jacques Thollot, Leonard Cohen, Colosseum, etc. À partir de 1965, José Artur animait en direct une émission où il invitait des artistes et des intellectuels à parler de leur travail ou de l'air du temps, selon les époques il était secondé par Claude Villers, Pierre Lattès, Patrice Blanc-Francard, Bernard Lenoir... Les émissions de télé Bouton Rouge et Pop 2 en découlent directement. C'était l'arrivée sur les ondes de "la musique de sauvages" !
Il y a quelques années j'avais croisé José Artur au Festival Longueur d'Ondes à Brest. Je ne suis pas certain que lui rappeler les premières années du Pop Club lui ait fait si plaisir. Il rêvait à l'avenir malgré ses 80 ans passés. Il avait été une fée bienveillante sur toute une jeunesse née avec mai 68. Camarades musiciens, imaginez le tableau : fin des années 70, lorsqu'avec Un Drame Musical Instantané nous étions dans la dèche ou que nous désirions annoncer un concert nous téléphonions à l'assistant d'Artur pour lui demander si l'on pouvait passer au Pop Club, le soir-même nous jouions en direct sur France Inter et nous touchions un cacheton de 300 francs chacun ! Lors de la création du grand orchestre du Drame en 1981 j'avais tenu à donner à l'antenne le nom des quinze musiciens ; José Artur m'avait attrapé par le bras pour m'expliquer que cela partait d'un bon sentiment, mais que cette liste interminable passait au-dessus de la tête des auditeurs. Homme de radio par ailleurs extrêmement spirituel, il donnait des conseils aux petits jeunes dont nous saurions tirer profit plus tard lorsque nous produirons des émissions de création sur France Musique et Culture, et je pense souvent à lui lorsque je réponds à des interviews enregistrés.


José Artur est parti. Il avait 87 ans. Son empreinte marque des générations de radiophonistes et de musiciens, de journalistes et d'auditeurs. On peut écouter quelques traces de cette époque sur le site de France Inter.