Nous entamons notre quatrième semaine. J'ignore si cela tient du pari stupide ou d'un sport de l'extrême, mais nous sommes sur les genoux. Je combats la fatigue en redoublant d'effort. Ne jamais faire un pas les mains vides. Je vis gainé. Effectuer des travaux dans une maison pendant qu'on y habite est une épreuve que j'avais jusqu'ici évitée. Déménager avait été chaque fois préférable ! En l'état il ne devrait plus y avoir de nouvelle poussière, mais l'ancienne refait surface dès que l'on déplace le moindre objet. J'ai rangé la bibliothèque et nous avons rempli les placards de la nouvelle cuisine. Il faut encore changer les brûleurs pour du gaz Butane, faire les joints de l'évier et de la plaque cinq feux, couper quelques planches et poncer le plan de travail. Après quantité de petites retouches, seconde couche et finitions qui n'en finiront probablement pas, il restera à ragréer et peindre le sol avec de la résine conçue pour les parkings. On couchera dehors. Je fais semblant de savoir où nous allons, mais chaque jour réserve ses surprises. Ma To-Do List est en perpétuelle mutation, c'est son propos, mais je suis trop fatigué pour m'en apercevoir. Je m'endors sur le clavier, incapable de faire autre chose que de m'occuper du chantier.
Ce soir nous irons fêter le septième anniversaire de Mediapart, histoire de rompre le rythme infernal et hypnotique qui nous aspire... Samedi, nous sommes allés au Triton voir Ma grande histoire du rock'n'roll de Evelyne Pieiller avec les comédiens Jacques Pieiller, Jean-Marc Hérouin et le groupe Rise People, Rise! composé de Lucas de Geyter qui chante en jouant de la batterie, Frédéric Talbot à la basse, Johan Toulgoat à la guitare. C'est aussi une histoire de famille, un passage de témoin, le refus de rendre les armes. Très beau texte tranchant comme un coupe-papier, démarquage musical électrisant qui sait jouer discrètement des références en mettant la gomme, inextinguible allumage des comédiens refusant de jeter l'ancre, une rage de jouer communicative...
De temps en temps des amis nous invitent à manger pour nous éviter le catering au fond du garage ou le pique-nique sur le divan du salon. Mais à cette heure-ci je rêve d'un brancard qui me porte jusqu'à mon lit.