La mort de Michel Tournier fait remonter celle de Frank Royon Le Mée. Je reproduis ici un texte que j'avais écrit pour Tchatchhh, conversation à deux sous forme de blog initiée par Karine Lebrun.

À notre premier rendez-vous, Frank Royon Le Mée porte son caractéristique costume de clergyman et des lentilles de contact en miroir où nos trois figures amusées se réfléchissent. Royaliste, il ne travaille jamais le 21 janvier, jour de la mort du roi, qu'il appelle une journée blanche. Cela tranche avec le rouge de nos convictions. Il a trois octaves et demie de tessiture, du baryton au haute-contre, remplace des stars de la chanson sur une syllabe défaillante, a côtoyé les Mothers of Invention, monté un spectacle sur le martyre de Saint-Sébastien en s'accompagnant d'un orgue positif, dirige des spectacles collaboratifs avec plus de 600 exécutants. À Garnier, je l'ai vu jouer le rôle d'une femme en hauts talons dans l'opéra de Luciano Berio, La Vera Storia, aux côtés de Milva, d'après Italo Calvino...



Dans cette improvisation réalisée par Un Drame Musical Instantané pour le cd L'hallali la partition de Frank Royon Le Mée ressemble plutôt à du sprechgesang. Francis Gorgé est à la guitare et aux synthétiseurs, Bernard Vitet à la trompette à anche et je joue de mon échantillonneur d'alors, un Akaï S1000.
Le poil et la plume fut enregistré le 22 janvier 1987 (donc le lendemain de la mort du roi !) lors de nos premiers essais en vue de monter Les Météores de Michel Tournier avec Frank dans le rôle du Dandy des Gadoues. Bien que l'écrivain nous donna l'autorisation, nous ne trouvâmes jamais les crédits suffisants, mais nous créâmes plus tard Le Château des Carpathes d'après Jules Verne avec un énorme feu d'artifice en guise de décor et enregistrâmes Comedia dell'amore 121 sur le cd Opération Blow Up en 1992. Frank mêle la virtuosité vocale à un sens dramatique exceptionnel, plus des facultés d'improvisation hors normes. Hélas le Sida l'emporta l'année suivante à l'âge de 41 ans. Nous n'avons jamais retrouvé un chanteur aussi à l'aise et en harmonie avec nos élucubrations. Un régal !

Depuis que j'ai écrit ces mots en 2008 de l'eau a coulé sous les ponts. Le Drame a fait long feu. J'ai eu la chance de rencontrer la chanteuse danoise Birgitte Lyregaard qui hélas est repartie vivre à Copenhague, mais les avions sont rapides et nous enregistrons ou jouons en concert aussi souvent que possible ! J'ai également retrouvé deux autres extraits avec Frank improvisés le même jour que Le poil et la plume.



Sur le premier, je suis au piano, Bernard au violon, Francis au synthé, et Frank Royon Le Mée bien entendu !



Sur le second, je tiens à la fois le synthétiseur, l'échantillonneur et j'harmonise ma voix, Bernard et Francis ont retrouvé leurs instruments de prédilection, respectivement la trompette et la guitare électrique. J'ai beaucoup de mal à trouver des disques avec Frank. À part les deux qu'il a signés sous son nom je possède un exemplaire de l'excellent Comité des fêtes, fondé avec le saxophoniste Daniel Kientzy et le synthésiste György Kurtag, assez proche du Drame.