jeudi 11 février 2016
Carambolages au Grand Palais : 1. Le regard
Par Jean-Jacques Birgé,
jeudi 11 février 2016 à 00:00 :: Expositions
Ce sont les yeux qui me posent le plus de problème dans mon interprétation sonore de l'exposition Carambolages que Jean-Hubert Martin a conçu pour le Grand Palais. Entendre plusieurs représentations du regard au début de la galerie.
J'ai l'habitude de penser l'ensemble avant de m'intéresser aux détails, mais ce sont malgré tout les premières réponses qui révèlent le sens que prendra l'œuvre. Il n'y a pas de secret, la liberté qui m'est offerte me pousse à donner le meilleur de moi-même. Jean-Hubert Martin lui-même insiste sur ce qu'il souhaite susciter auprès du "public le plus large, en particulier à ceux qui n’ont aucune connaissance en histoire de l’art : choc, rire et émotion." Grand amateur de dialectique, j'alterne tension et détente, ambiances sonores et musiques, évidences et énigmes. Jean-Hubert Martin me précise qu'il s'agirait plutôt de trialectique puisque le carambolage est une figure du billard où une boule va en frapper deux autres, "tout de même plus intéressant que le ping-pong" ajoute-t-il avec malice ! Il faudra donc qu'au milieu de la scénographie basée sur Marabout, bout de ficelle... j'imagine une sorte de saute-mouton qui joue d'effets mnémotechniques entre les vingt-sept étapes qui composent le parcours. Le son ne renverra donc pas seulement à ce qu'on voit, mais à ce que l'on aura vu. J'allais écrire "voire à ce que l'on verra", mais le saut dans le futur n'est pas encore de notre âge. J'anticipe pourtant en connaissance de cause puisque je sais où je vais. Le visiteur qui aura suivi l'exposition équipé ou pas de son smartphone et d'un casque audio pourra toujours se rejouer les séquences rentré chez lui. S'il est en plus en possession du catalogue de dix-neuf mètres de long, il sera à même de prendre à nouveau son temps pour approfondir les occurrences choisies avec le commissaire de la première à la dernière œuvre exposée, plus de cent-quatre-vingt en tout !
Mais les yeux me regardent, arroseur arrosé, réflexions dans le miroir de l'art qui me poussent à jouer de ce renversement au risque de déstabiliser le public qui ne fait que se regarder dans cette humanité sublimée par les artistes de toutes les latitudes au cours de tous les siècles. Car au delà de l'appropriation qu'offre généreusement Jean-Hubert Martin il nous montre simplement qui nous sommes, chacun et tous à la fois, sans aucun préjugé de classe ou de culture.
Illustration : École française, Un œil qui regarde, XVIIIe siècle, miniature sur tabatière en écaille ; note manuscrite à l’intérieur de la tabatière, à la plume et encre violette ; 10 x 6 cm. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques. Photo © Musée du Louvre, dist. RMN-Grand Palais / Martine Beck-Coppola