jeudi 25 février 2016
Les jazzmen toujours plus pop
Par Jean-Jacques Birgé,
jeudi 25 février 2016 à 00:10 :: Musique
La liste des projets pop, entendre étymologiquement "populaires", enregistrés par des jazzmen ne fait que s'allonger.
Ainsi, malgré l'omniprésence du saxophone, le guitariste Gilles Coronado qui a baptisé son nouveau groupe tout simplement Coronado et le trio Le Maigre Feu de la Nonne en Hiver sortent des albums où la chanson française joue les passe-murailles, fantômes des années où le métissage eut été impensable bien que les chanteurs d'autrefois aient toujours cherché la collaboration d'instrumentistes inventifs souvent venus du jazz. Mon camarade trompettiste Bernard Vitet jouait par exemple sur les premiers Gainsbourg, avec Montand, Barbara, Claude François ou Brigitte Bardot, mais il participait aussi aux spectacles de Brigitte Fontaine ou Colette Magny. Cette tradition perdure, Gilles Coronado accompagnant Philippe Katerine et enregistrant un triple CD (hautement recommandé) avec lui et son groupe Francis et ses Peintres. Katerine prête ici sa voix au morceau le plus expérimental de l'album Au pire, un bien qui sort sur le label du studio La Buissonne. Sa voix est délicatement triturée par la magie des effets de vitesse, remontée et mixée pour le titre éponyme, clou d'un disque lyrique dont les influences sont multiples, sorte de jazz-rock, ni jazz ni rock et encore moins jazz-rock ! Matthieu Metzger est au saxophone alto, Antonin Rayon aux claviers et Franck Vaillant à la batterie, mais tous se fondent dans des compositions originales de Coronado, grâce aux traitements électroniques des timbres, dans un son de groupe où le rythme impose sa loi avec ses cassures et rapides changements de tempo.
Approche totalement différente du saxophoniste ténor Philippe Lemoine, fidèle aux chansons qu'il interprète instrumentalement avec le bassiste Olivier Lété et le percussionniste Éric Groleau. Il souffle ses Mélodramatic French Songs d'un son droit, épuré, privilégiant l'émotion tout en s'appropriant la nostalgie que ces chansons sans paroles inspirent. Comme pour les standards sur lesquels improvisent les jazzmen américains et que leurs mamans leur chantaient lorsqu'ils étaient petits, nous avons les mots sur le bout des lèvres qui vibrent en sympathie avec l'anche de Lemoine. Chaque note réfléchit alors les intentions initiales de Brassens et Fol, Gainsbourg, Piaf et Dumont, Barbara, Christophe et Jarre, Brel et Jouannest, Renaud, Souchon et Voulzy, Sarde, Fontaine et Areski. Comme ce devrait toujours être le cas, les paroles dictent la musique qui les porte. Qui à son tour nous emporte.
→ Coronado, au pire, un bien, Label La Buissonne, à paraître le 18 mars
→ Le Maigre Feu de la Nonne en Hiver, Mélodramatic French Songs, Discobole Records, paru