De tout en haut
Par Jean-Jacques Birgé, mercredi 10 août 2016 à 10:56 :: Voyage :: #3422 :: rss
Un chemin cahoteux mène aux granges de Lespone. Les quelques flaques profondes s’évaporent rapidement au soleil. Les vaches rechignent à se pousser devant l’automobile. Les rousses sont moins agressives que les blanches. En face, le cirque de Crabioules surplombe la vallée du Lys où se brise la Cascade d’Enfer. Les Pics de Boum, Maupas, Crabioules, Lézat, Quayrat font tous plus de 3000 mètres. Au delà, l’Espagne. À droite, plein ouest, le col de la Coume de Bourg et le Céciré. Je gare la voiture sur du plat pour ne pas trop patiner lorsque l’herbe est trempée. Il y a quelques années j’ai failli sauter en marche lorsqu’elle s’est mise à glisser inexorablement sur la pente. Grande frousse ! Heureusement j’avais réussi à redresser les roues in extremis. Si c’est vraiment impraticable, je la parque au bord du chemin. Au pire, nous la laissons à deux kilomètres et demi, près de la départementale qui monte à Superbagnères, et nous sortons la Lada du garage pour faire la navette.
En hiver, il faut parfois marcher jusque là, la neige empêchant d’atteindre la maison. L’été, la montagne joue à cache-cache les jours de brume. Si le brouillard persiste et que nous sommes obligés de vivre cloîtrés dans le nuage pendant des jours et des jours, je deviens claustrophobe. Cette année le ciel est souvent bleu sans aucune trace blanche, mais la température chute la nuit.
Mes genoux qui me font souffrir depuis l’escalade du Stromboli au mois de mai m’empêchent de faire des balades sur les flancs de la montagne. Allongé sur la terrasse j’avale un livre par jour et le soir j’enchaîne les épisodes de la série The Americans sous la couette. Nous descendons à Luchon le mercredi et le samedi matin, jours de marché, et de temps en temps nous passons le Col du Portillon pour faire des emplettes à Bossost ou nous taper délicatement la cloche au restaurant Er Occitan.
Mais le plus étonnant est ma transformation d’hyperactif en contemplatif. Le jour je regarde les nuages, les jeux de lumière, les vautours, les aigles, les insectes, les bêtes qui paissent, et la nuit je reste bouche bée devant la voûte étoilée, un spectacle à couper le souffle. Il y a plus de trous d’épingles que de noir. Les étoiles filantes déchirent cette passoire où les vols de nuit se suivent à la queue leu-leu et les satellites se travestissent en astres rayonnants. Nous installons des transats et nous admirons l’éternité sous de chaudes couvertures.
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