Le violon aurait-il toujours l'âme française ?
Par Jean-Jacques Birgé, mardi 27 mars 2018 à 01:06 :: Musique :: #3851 :: rss
"Ils ont brisé mon violon. Parce que j'ai l'âme française." Créé par Amiati en 1885, Le violon brisé de René de Saint-Prest, L. Christian et Victor Herpin fait référence à la guerre de 1870 qui permit à l'Allemagne d'annexer l'Alsace et la Lorraine. Volte-face de ma part, non en tant qu'originaire de cette région, mais pour souligner la particularité française de cet instrument dans l'histoire des jazz, se démarquant de la prépondérance des cuivres étasuniens. Depuis Stéphane Grapelli et Michel Warlop, les violonistes français, français comme le béret de L'affaire est dans le sac des frères Prévert, se sont souvent affranchis de leurs études classiques en acquérant une liberté que seuls les jazz ou les musiques traditionnelles leur offraient. Si Jean-Luc Ponty, en particulier avec Frank Zappa, ou Didier Lockwood ont suivi les traces de leurs aînés, les générations suivantes ont souvent pris la tangente, tels Dominique Pifarély, Régis Huby ou Guillaume Roy à l'alto. Si l'étiquette jazz leur colle toujours à la peau, les jeunes violonistes s'en sont totalement dégagés pour n'en conserver que la liberté de jeu et de style. On retrouve le même mouvement chez les musiciens "trad" comme Jean-François Vrod, Lucien Alfonso ou Mathias Lévy qui flirtent avec le swing. Le plus médiatique d'entre eux est l'impétueux Théo Ceccaldi, mais il en existe d'autres comme Thomas Enhco ou ici Clément Janinet. J'évoquerai une autre fois les violoncellistes qui réfléchissent la même histoire.
Avec l'album O.U.R.S. (Ornette Under The Repetitive Skies), Janinet est explicite quant à ses influences, le free jazz d'Ornette Coleman d'un côté, les minimalistes américains de l'autre. Mais sa musique, remarquablement interprétée par le clarinettiste basse - saxophoniste Hugues Mayot, le contrebassiste Joachim Florent, le batteur Emmanuel Scarpa et, sur certaines pièces, le guitariste Gilles Coronado et le violoncelliste Mario Boisseau, retrouve les accents des musiques classique et contemporaine européennes qui lui confèrent une profondeur au delà de l'énergie de surface que développent les clones jazzeux copiant les Américains. Fraîche et lyrique, elle pulse et s'épanouit aux couleurs printanières sonnant un réveil nécessaire.
→ Clément Janinet, O.U.R.S., cd Gigantonium, 12€
N.B.: n'étant pas violoniste, donc pouvant me contenter d'un jouet chinois, j'en profite pour signaler aux amateurs de beaux instruments que mon Albert Blanchi niçois de 1921 et mon archet Charles Bazin sont en vente chez Laurent Paquier aux Luthiers de l'Est Parisien, 29 rue Mercœur !
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