Enfants, nous rêvions de devenir explorateurs pour découvrir des tribus inconnues, des territoires perdus ou des coffres au trésor. Nos héros, Jules Verne ou Stevenson, sont du passé. Le monde a changé et il est hélas devenu très rare que ce vœu soit exaucé sinon dans la fiction. Le cosmos offre encore quelques espérances, mais il faut aller chercher si loin que cette rêverie se dissipe dans les limbes du temps. Il n'y a plus que les terrains militaires qui échappent à Google ! Il est pourtant un domaine où j'ai l'impression de faire des découvertes, la cinéphilie. Des chefs d'œuvre refont régulièrement surface, comme s'ils s'étaient égarés dans un labyrinthe et qu'il fallait l'opiniâtreté de quelque chercheur pour les exhumer du cercueil où l'Histoire les avait enterrés vivants.
Si j'emprunte ce chemin sinueux pour évoquer Les funérailles des roses de Toshio Matsumoto, c'est pour éviter de vous gâcher le plaisir de la découverte, car ce film rebondit de surprise en surprise tout au long de ses 108 minutes. Il fait partie des bijoux des années 60 auxquels l'édition vidéographique offre une seconde chance, comme La route parallèle de Ferdinand Khittl, The Savage Eye de Ben Maddow, Sidney Meyers et Joseph Strick, Closed Vision de Marc'O, Le petit fugitif de Raymond Abrashkin, Ruth Orkin et Morris Engel, et je continue à chercher par exemple les films de Robert Lapoujade... Films expérimentaux de fiction, ils sont sortis dans le circuit traditionnel, mais ne sont pas restés longtemps à l'écran et n'ont pas bénéficié de l'engouement des amateurs de cinéma expérimental non narratif. On peut imaginer qu'un nouveau Jean-Luc Godard aurait aujourd'hui bien du mal à être vu.


Ainsi Les funérailles des roses est une sorte de Petites marguerites homosexuel japonais ! Inédit en France, le film sort en salles et vous ne regretterez pas le déplacement (regardez la bande-annonce !). Le mythe d'Œdipe est réinterprété dans le milieu des drag queens tokyoïtes, entre fiction et documentaire, jeu de l'oie baroque où l'on saute de case en case au gré de la fantaisie cinématographique. Dans ce film pop en noir et blanc qui rend hommage à Jean Genet on rencontre aussi les situationnistes et les militants de 68 (le film est sorti en 1969), immersion totale dans une époque et un environnement culturel extrêmement inventif. Matsumoto utilise les accélérés, la surexposition, les bulles de bande dessinée, le mélange des genres et donc les effets de montage et de photographie les plus variés, affirmant son appartenance à la Nouvelle Vague japonaise dont Ōshima fut un des rares à être reconnu, avec peut-être Yoshida et Shinoda.

→ Toshio Matsumoto, Les funérailles des roses, en salles à partir d'aujourd'hui en version restaurée 4K, dist. Carlotta