jeudi 5 septembre 2019
Toutes
Par Jean-Jacques Birgé,
jeudi 5 septembre 2019 à 04:41 :: Perso
Toutes... En 1992, Elsa avait 6 ans et chantait ce qu'avec Bernard Vitet nous avions écrit pour elle : "I shall always love the ones I've ever loved before..." En écrivant ces paroles je pensais autant à mon passé qu'à ce qu'elle aurait plus tard à vivre avec les garçons. J'étendais aussi "J'aimerai toujours ceux (ou celles) que j'ai aimé/e/s" aux ami/e/s. Quelle différence y a-t-il entre l'amour et l'amitié si ce n'est la relation sexuelle ? Et puis, je n'ai jamais su en vouloir à qui que ce soit plus de quelques minutes. Quand j'étais enfant, cela me rendait malade d'être incapable de me venger de ma petite sœur lorsqu'elle me faisait une crasse ! Il y a bien une chorégraphe, un producteur de films et un autre type qui ne nous a jamais payés sur qui je me suis juré de cracher chaque fois que leur nom apparaîtrait dans une conversation, mais ce ne furent jamais des amis.
La chanson 'Cause I’ve got time only for love dit :
I shall always love the ones I’ve ever loved before
I’m already dreaming of the ones I’ll be loving
No fear no hate but scorn and even pity
'cause I’ve got time only for love.
En français pour les non-anglophones :
J’aimerai toujours ceux qu’un jour tendrement j’ai aimés
Déjà je rêve de ceux que demain j’aimerai
Sans peur sans haine mais mépris et même pitié
Car tout mon temps est dévoué à l’amour.
Je ne devais pourtant pas encore être totalement convaincu en écrivant mépris et pitié ! C'était il y a près de 30 ans. Depuis, de l'eau a coulé sous mes pompières... J'ai l'impression d'être de plus en plus serein. En tout cas j'y travaille. Elsa était alors accompagnée par Bernard Vitet au bugle, le guitariste Hervé Legeay et l'accordéon samplé de sa mère, Michèle Buirette.
Alors toutes ? Oui, toutes... Mais certainement pas cosi fan tutte... Un jour que j'avais beaucoup pleuré après une rupture amoureuse et que j'avais cherché toute la journée le mot bonheur dans mes dictionnaires et l'Encyclopédie Universalis (c'était avant Wikipedia et le reste !), je racontais au téléphone à une amie philosophe que j'avais été avec des filles très différentes, mais que je leur reprochais à toutes la même chose. Le simple fait de prononcer ces mots me fit comprendre, en un éclair qui changea ma vie, que j'étais leur seul point commun et que donc je leur reprochais qui j'étais. Je changeai aussitôt. Pour qu'un couple fonctionne, il est inutile et absurde d'exiger de l'autre qu'il change ; c'est à soi de l'accepter (ou pas) tel qu'il est ou telle qu'elle est ; on ne change jamais personne fondamentalement, c'est à soi de faire le travail ! Si quelquefois je me regarde dans un miroir, dans le blanc des yeux, ou plutôt au fond noir de l'iris, c'est juste pour savoir si je suis encore ou enfin un Mensch !
Autodidacte en musique, je dis souvent que c'est "with a little help from my friends". L'homme que je suis devenu doit aussi beaucoup aux femmes avec qui j'ai vécu. Je pense n'être brouillé avec aucune, encore qu'il y en a une qui aurait des raisons de m'en vouloir ; même si je n'en suis pas fier, je n'avais pas le choix. C'était il y a déjà longtemps. Dans l'ensemble j'ai gardé le contact avec la plupart et certaines sont devenues des amies proches avec qui il m'arrive même de travailler. Je ne comprends pas que l'on puisse tirer un trait sur le passé comme s'il n'avait jamais existé ou que nous ayons été trahi/e. Les routes se séparent. Les relations se sont transformées. Nous n'avons pas besoin de faire référence à notre vie d'avant. L'affection s'est transformée en amitié. Question de confiance. J'ai vécu quelques mois, un an, huit ans, treize ans, quinze ans avec l'une ou l'autre, et je me souviens seulement que nous avons été heureux sans avoir besoin de me remémorer les détails, ce qui serait évidemment déplacé. Je ne pense aujourd'hui qu'à celle qui partage ma vie. Mais j'aimerai toujours celles qu’un jour tendrement j’ai aimées...