P.S. : Dans mon article d'alors j'avais écrit : "Avant de lire ce billet, regardez Un film. C'est son titre. Il ne dure que 12 petites minutes ! Surtout regardez-le jusqu'au bout..."

Article du 5 mars 2007

Formidable, le film de Bruce Conner, A Movie, Un film, celui qui a représenté pour moi LE film, est trouvable sur le Net. Fut un temps où je clamais que s'il fallait en sauver un seul, celui pour l'île déserte, c'était lui, Un film.
J'ai eu l'idée de le rechercher en revoyant Au début de Pelechian sur mon propre blog. Si le propos est différent, les intentions et les méthodes sont proches. Montage d'archives, rythme donné par la musique, ici Les Pins de Rome (1924) d'Ottorino Respighi, un néo-classique préfigurant la musique de film et l'école minimaliste... Le compositeur annonce l'esthétique mussolinienne, mais le réalisateur la dénonce. Il réussit à produire des émotions suscitant de profondes questions, intimes. L'inconscient remonte à la surface. Qui sommes-nous vraiment ?


A Movie a pour moi une histoire. Une sale histoire, qui finira bien. Je dois sa découverte à Jaf qui en avait acquis une copie 16mm d'une drôle de façon. Je la lui emprunte pour la projeter, à la clinique "anti-psychiatrique" Laborde devant une assemblée de psys ébahis, à Félix Guattari, chez lui : le rire se fige pour nous faire sombrer dans l'horreur, la nôtre. C'est très fort. Cela n'a rien d'un vidéo-gag ni des belles images de Godfrey Reggio. Conner nous retourne comme une chaussette.
Je multiplie les projections, mais un après-midi en fermant les verrous de chez moi à la Butte-aux-cailles, je laisse la boîte en métal sur le pas de ma porte. J'avais pignon sur rue. Le film est exposé au premier passant. Il est perdu. Moi aussi. Acte manqué terrible, à la hauteur de la perte du disque de chants vaudous de Tamia à peu près à la même époque. 1977, cela ne s'est heureusement pas reproduit. J'avais laissé le vieux vinyle sur le toit de ma voiture en cherchant mes clefs. Coïncidence improbable. Je sortais la première fois, je rentrais la seconde. [En 2011 j'ai retrouvé] une copie de l'enregistrement de Ptits oiseaux, vous comprendrez ma tristesse et celle de mes camarades...
Bernard Eisenschitz me sort de cette situation honteuse en trouvant le moyen de racheter une copie à Los Angeles, je crois, directement à Bruce Conner, je ne sais plus. C'est beaucoup d'argent pour moi à ce moment-là. Je me suis fait tirer l'oreille par Jaf pour lui rendre "son" film. Toute ma vie, j'ai cherché à le voir à défaut de l'avoir. J'ai eu parfois de la chance. Il y a un an Jonathan B. m'en fit une copie lisible sur mon ordi et très récemment je le commandai à un collectionneur généreux avec d'autres films de Conner. [...]
A Movie date de 1958, c'est son premier. Je l'ai vu la première fois à l'occasion de l'exposition Une histoire du cinéma (Une ou plusieurs comme celle(s) de JLG) conçue par Peter Kubelka au Musée d'Art Moderne (CNAC). Ce festival de films expérimentaux changera ma vie. Du 7 février au 11 mars 1976 je vois tout. Le programme commence par Lumière et glisse vers les années 20, les Russes, les surréalistes, les animateurs, les lettristes, les Américains, Brakhage, Snow, Jacobs, Sharits, Anger, Cornell, Breer, Mekas, Frampton, Broughton, Genet, Fluxus, Garrel, Clémenti, Ackerman, Monory, etc. J'essaie de me repérer dans le programme en prenant des notes dans la marge.
Bruce Conner, à côté d'autres activités artistiques (il fit des light-shows avec la Family Dog à l'Avalon Ballroom, ce qui me touche évidemment !) signa plus d'une vingtaine de courts métrages. À suivre.