Samedi et dimanche après-midi au Parc de La Villette, Nicolas Chedmail, dont on connaît le génial Spat' sonore (vendredi à l'Échangeur de Bagnolet avec Gilles Poizat), présentait une nouvelle lutherie, ou du moins deux prototypes, une tyrolienne et une boîte à musique à pédales. Je ne sais pas combien de kilomètres il aurait parcourus si son rouleau de baguettes axé sur deux cadres de vélo lui permettait en plus d'avancer, mais il en a sué, tandis que les différents membres de l'orchestre couraient à tour de rôle en va-et-vient pour actionner l'antenne à six branches qui venait frapper toutes sortes d'instruments de percussion perchés à six mètres de haut. Le reste du temps nous jouions une drôle de musique me rappelant de temps en temps le Liberation Music Orchestra de Charlie Haden ou l'Art Ensemble dans ses moments les plus lyriques. L'instrumentation n'y était certes pas pour rien. Il est relativement rare de trouver un cor et un tuba dans les groupes de jazz. Nicolas Chedmail et Maxime Morel épaulaient donc le sax alto Antoine Viard pendant que Benjamin Sanz swinguait en finesse à la batterie pour ne pas couvrir la guitare électrique de Karsten Hochapfel et mes sons électroniques qui, ensemble, accentuaient le caractère symphonique du sextet. Nous avons joué ainsi deux heures sans pause, encouragés par la variété des timbres et par l'enthousiasme de très jeunes gamins venus actionner la tyrolienne musicale en sautant comme des cabris ou dessinant à la craie en fonction de la musique !


Ayant eu quelque difficulté à me faire entendre la semaine précédente avec un joli HoneyTone accroché à la ceinture, ampli à piles peu puissant, j'avais acquis un meilleur appareil ne nécessitant pas de branchement électrique, ni de piles. La parano oblige à en changer chaque fois, ce qui est ni économique ni écologique, et les piles rechargeables ne tiennent pas la charge. Le Yamaha THR10IIW fonctionne avec un accumulateur censé offrir 20 heures d'autonomie et ne pèse que 4 kg. De plus il possède deux entrées, des modélisateurs d'amplis, des réglages fins, des effets utiles et un récepteur h.f. pour bénéficier du sans fil. J'ai même réussi à y brancher un micro pour jouer de la varinette ou de la guimbarde !


Mais pour moi le clou du spectacle, dont je fus le seul à profiter, est venu d'une coccinelle qui avait choisi de squatter mon nouveau jouet tandis que je passais du Tenori-on au Kaossilator, diffusant parallèlement certaines ambiances sur un iPad. Le coléoptère passait allègrement d'un bouton à l'autre, revenait sur ses pas, escaladait, redescendait, si bien que je décidai de suivre ses suggestions et lui emboîtai le pas au fur et à mesure de ses infatigables pérégrinations en faisant attention de ne pas le précipiter.
Je ne pouvais m'empêcher de me souvenir de Qui jouera le rôle de la mouche ?, enregistré le 18 août 1972, à nos débuts avec Francis Gorgé, l'un des premiers morceaux qui nous suggéra que nous pourrions peut-être accoucher d'une musique qui ne ressemblait à rien de ce que nous connaissions et qui se tenait pourtant pas mal du tout. La mouche se posait sur une page, un mot par ci par là orientant notre improvisation débridée. Je n'abandonnerai jamais cette indétermination très cagienne, privilégiant souvent la rigueur du somnambule aux approximations du contrôle...