mardi 16 février 2021
Retour sur le concert avec Donkey Monkey
Par Jean-Jacques Birgé,
mardi 16 février 2021 à 00:06 :: Musique
Treize ans ont passé depuis ce concert avec Ève Risser et Yūko Ōshima. L'année précédente j'avais évoqué un concert de leur duo, Donkey Monkey. En 2011 je les avais engagées en Arles alors que j'étais directeur musical des Soirées des Rencontres de la Photographie ; ainsi, au Théâtre Antique, elles accompagnèrent brillamment le Mano a mano entre les agences VII et Tendance Floue. Je ne me souviens pas avoir rejoué avec Yūko dont j'adore le mélange de percussion, voix et électronique. Quant à Ève, en 2014 nous avons enregistré l'album Game Bling, trio avec Jocelyn Mienniel dont une pièce figure sur le récent double CD, Pique-nique au labo. Yūko vit toujours à Strasbourg, travaillant beaucoup pour le théâtre et Ève poursuit ses projets mirobolants... Enfin, évoquer des concerts après bientôt un an de disette, fruit pourri de la gestion désastreuse et criminelle de notre gouvernement, est-ce une si bonne idée ? Y revenir sonnera comme une victoire contre cette période quasi vichyssoise ; Macron parlait de guerre, il faudra bien lui jouer la Libération !
Article du 17 mars 2008
J'attendais que Françoise Romand ait monté cet extrait de notre concert pour revenir sur ma rencontre musicale avec Donkey Monkey, le duo formé par la pianiste alsacienne Ève Risser et la percussionniste japonaise Yūko Ōshima. Le résultat fut à la hauteur de nos espérances. La complicité humainement partagée s'est laissée transposer naturellement sur la scène du Triton. La première partie, s'appuyant sur des morceaux du duo, était plus popisante tandis que la seconde, basée sur mes programmations virtuelles, était plus explosée. Comme chaque fois, il en faut pour tous les goûts et nous avons entendu assez de commentaires pour saisir que les uns ou les autres préfèrent tel ou tel morceau. C'est toujours ainsi. Si l'on écoute les avis des spectateurs, il faut en récolter suffisamment pour que tous les passages trouvent leurs admirateurs ou leurs détracteurs. Tout entendre, mais n'en faire qu'à sa tête, en l'occurrence un être tricéphale dont les méninges carburent au-delà de la vitesse autorisée. Après cette première rencontre sans véritable répétition, nous nous sommes découverts dans l'action. Je perçois ce que je pourrais améliorer à mon niveau : soigner les codas et développer les complicités avec chaque musicienne indépendamment de leur duo, dramatiser mon apport par des ambiances de reportage et des évènements narratifs, étoffer mon instrumentation acoustique lorsque les morceaux durent plus que prévu, par exemple j'emporterais bien le trombone et le violon vietnamien, mais je supprimerais les projections sur écran difficilement compréhensibles pour le public en les remplaçant par des compositions où l'improvisation libre se construit autour de modèles dramatiques.
J'en saurai plus après avoir écouté l'enregistrement de la radio. Nous avions en effet commencé la soirée par un petit entretien avec Anne Montaron puisque France Musique diffusera la soirée [...] dans le cadre de son émission "À l'improviste".
Les filles ont lancé le mouvement, je les ai rejointes en commençant à jouer depuis les coulisses avec un petit instrument improbable que j'ai acheté dans un magasin de farces et attrapes il y a près de 40 ans ! C'est une sorte d'appeau dans lequel je dois souffler comme un malade pour en sortir de puissants sons de sax suraigus. Sur le dessus de cet instrument tricolore affublé d'une petite percussion en métal sur bois, je bouche le trou unique pour rythmer mes phrases. J'accompagne mon solo de déhanchements suggestifs tandis que je rencontre l'objectif d'Agnès Varda venue filmer notre performance en vue de son prochain film intitulé Les plages d'Agnès [P.S.: la séquence n'y figuera pas, Agnès ayant oublié de brancher le son (!), mais j'apparais dans le dernier plan du film pour ses 80 balais !]. Mes guimbardes tiennent alternativement le rôle de basse et de contrepoint rythmique au duo excité du piano et de la batterie. Le second morceau est plein d'humour, Ève et Yūko chantant en japonais un blues nippon que j'accompagne avec des effets vocaux qui vont de l'électroacoustique déglinguée à des imitations yakuzesques de comédiens nô. La première partie se clôt sur un longue pièce de pluie où les sons tournent des unes à l'autre sans que l'on ne sache plus à qui sont les gouttes qui éclatent ici et là. Ève a préparé le piano avec des tas de petits objets étranges tandis que Yūko est passée au sampleur... Après l'entr'acte, les filles s'amusent à suivre ou contrarier de nouvelles gouttes, cette fois sorties tout droit du diagramme de FluxTunes projeté sur l'écran derrière nous, ping-pong qui nous oblige à rattraper les notes comme si c'était des balles. Les trois garnements étalent ensuite leurs jouets pour trois petits solos et une coda en trio (carillon, toy-piano, jeu de cloches, synthétiseurs et Theremin à deux balles) suivi d'un duo de pianos où Ève doit sans cesse rebondir face à mes quarts de ton renversés. Nous terminons par un zapping de ouf où je joue du module Big Bang face aux deux filles qui usent, abusent et rusent irrévérencieusement avec leur répertoire pour me couper systématiquement et alternativement la chique. Le petit rappel est on ne peut plus tendre, Ève s'étant saisie de sa flûte traversière, Yūko nous enchantant de sa langue maternelle et ma pomme terminant dans le grave de ma trompette à anche. Nous espérons maintenant pouvoir remettre ça un de ces soirs, ça, une véritable partie de plaisir !
Sauf les rares jam-sessions où je ne jouais que du Theremin, c'est la première fois que je jouais aussi peu de clavier. Mes touches noires et blanches et mes programmes construits au fil des années incarnent une sécurité dont je souhaite me débarrasser. Aussi, le lendemain, pour mon duo avec Nicolas Clauss à L'Échangeur, je n'en emporterai carrément pas... (à suivre)