On n'obtient pas toujours ce que l'on veut
Par Jean-Jacques Birgé, jeudi 4 mars 2021 à 00:24 :: Musique :: #4684 :: rss
Le disque de "rock" sur lequel je travaille avec Nicolas Chedmail et Frédéric Mainçon nous semble prendre ses racines dans l'album Their Satanic Majesties Request des Rolling Stones. Paru fin 1967, c'est probablement leur disque qui obtint le moins de succès, trop psychédélique et fouillé pour leur public. Déjà que le nôtre me fait penser à Captain Beefheart et Scott Walker, cela ne présage rien de bon ! Les Stones se radicaliseront donc, avec Street Fighting Man et Sympathy for the Devil sur l'album suivant, Beggars Banquet, juste après le single Jumpin' Jack Flash. C'est de cette veine qu'est fait Gimme Shelter, filmé pendant la tournée américaine de novembre-décembre 1969 qui finira avec le tragique concert d'Altamont. Viendra d'ailleurs ensuite Let It Bleed. En effet, "You can't always get what you want !"
DES PIERRES ROULAIENT DANS LE CHAMP
Article du 30 mars 2008
L'autre soir, j'ai regardé Gimme Shelter de Albert Maysles, David Maysles et Charlotte Zwerin que je n'avais jamais vu malgré sa réputation et celle du festival gratuit d'Altamont qui marqua la fin des années 60 et du petit nuage psychédélique que Monterey et Woodstock avaient réfléchi. À l'époque, j'avais probablement craint un truc violent, comme je voyais le hard rock, que Led Zeppelin, entre autres, incarnait à mes oreilles. Les Rolling Stones en faisaient partie, trop lourds, trop physiques à mon goût. Je préférais le côté planant de la West Coast (j'ignorais qu'Altamont se situait près de San Francisco) et je n'en avais plus que pour Zappa et Beefheart. Altamont eut lieu le 6 décembre 1969 à l'initiative des Stones. Y étaient programmés Santana, Jefferson Airplane, The Flying Burrito Brothers et Crosby, Stills, Nash and Young, les anglais clôturant l'évènement. Devant le manque d'organisation catastrophique, le Grateful Dead avait annulé sa prestation.
Au delà de l'énergie de Mick Jagger qui m'a toujours bluffé, depuis le concert de 1965 auquel j'assistai à l'Olympia, je suis subjugué par le film, véritable documentaire de création sous la forme d'une enquête policière sans que les auteurs aient eu besoin d'ajouter le moindre commentaire. Ils eurent la chance de se trouver là pendant les préparatifs, les tractations avec l'avocat retors des Stones (qui avait été celui de Jack Ruby, l'assassin d'Oswald dans l'affaire du Président Kennedy), le concert évidemment, mais également tout ce qui s'est passé off stage, magnifiques instants capturés parmi la foule des 300 000 spectateurs, ambiguïté de Mick Jagger sur la conduite à tenir, et, surtout, le meurtre d'un jeune black par un des Hell's Angels survoltés. Meredith Hunter, facilement repérable dans son élégant costume vert pomme, avait dégainé un flingue vers la scène lorsqu'il fut ceinturé et poignardé par les Anges, chargés du service de sécurité. Les cadrages d'Albert Maysles sont époustouflants, le montage de Charlotte Zwerin aussi intelligent que le sera son génial film sur Thelonious Monk, Straight No Chaser. Il n'y a pas que la musique, Gimme Shelter est tout simplement un grand film noir.
Ce documentaire exceptionnel, édité en dvd sur le label de référence Criterion, remasterisé de main de maître, avec un paquet de bonus passionnants, [...] est, depuis cet article de 2008, paru en édition française.
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